Ces chers absents

En s’attaquant au problème de l’absentéisme dans le secteur public, le sénateur libéral Alain Destexhe met, une fois de plus, le pied dans la fourmilière

Le constat est accablant : il y a, dans certains services publics, presque trois fois plus d’absents pour maladie que dans le privé. Les chiffres frappent. Exemple : 4,77 % de taux d’absentéisme moyen dans le secteur privé (chiffre 2004), pour 25,44 % à La Poste hennuyère (chiffre 2003) ! De tous les postiers wallons, ceux qui officient en Brabant wallon sont les plus fidèles au poste : 20,67 jours d’absence  » seulement  » par an et par agent. Ce qui reste supérieur aux 18,28 jours d’absence des agents limbourgeois, lesquels détiennent pourtant la palme de l’absentéisme en Région flamande ! Dans le secteur des TEC, l’absentéisme frôle 8,7 %. Et dans la police, 8 %. Concrètement, cela représente 20 jours d’absence par an et par policier ! Ou encore 570 temps plein sur deux ans. C’est dire si ces absents coûtent cher : selon un rapport de la société Securex, le coût total de l’absentéisme pour cause de maladie se serait élevé à plus de 6,6 milliards d’euros en 2004, et ce pour l’ensemble des employeurs du pays. Mais les conséquences de ce fléau ne sont pas que financières : l’organisation du travail et, par conséquent, la qualité globale du service au public font également les frais de la défection des travailleurs.

Telles sont quelques-unes des réalités épinglées dans une étude réalisée par le sénateur libéral Alain Destexhe sur L’absentéisme dans le secteur public. Comparaisons et propositions, qui ne manquera pas de susciter les réactions courroucées des syndicats de la fonction publique. Bien sûr, tous ces chiffres ne sont pas à prendre au pied de la lettre : le manque d’homogénéisation statistique, notamment, rend les comparaisons secteur par secteur très délicates. Impossible, aussi, d’établir des relations entre l’absentéisme et des critères tels que l’âge, l’ancienneté, le sexe, le niveau de formation ou la position hiérarchique. Autant d’informations qui s’avéreraient pourtant précieuses pour peaufiner le profil des absents et donc, aussi, pour tenter de remédier aux causes de leurs absences et mener des politiques préventives efficaces.

Fidèle à sa réputation de  » bulldozer  » – mais d’un modèle très différent de celui d’un Jean-Luc Dehaene -, Destexhe propose des pistes susceptibles de remédier à l’un des maux endémiques qui rongent l’administration publique. On épinglera, parmi celles-ci : 1. Renforcer les contrôles médicaux. Le sénateur propose de prendre exemple sur le ministère de la Région de Bruxelles-Capitale et sur le secteur de l’enseignement flamand, qui enregistrent les taux d’absentéisme les moins élevés du pays (3,8 %). Et qui font, tous deux, appel à des sociétés de contrôles médicaux privées… Les médecins, eux, devraient être davantage responsabilisés : les certificats de complaisance seraient, paraît-il, fort nombreux. 2. Etendre les titres-services à la garde des enfants. Quel rapport avec l’absentéisme pour maladie, qui est le thème de l’étude ? Eh bien, estime le libéral,  » entre l’absentéisme  » blanc », c’est-à-dire les personnes vraiment malades, et l’absentéisme  »noir » (les fraudeurs), il existe une importante zone grise (les absents ni vraiment fraudeurs ni vraiment malades) qui est influencée, notamment, par les conditions de travail, l’environnement socio-économique et le manque de places dans les crèches « . 3. Sanctionner les carotteurs. Lorsqu’un fonctionnaire est remis d’autorité au travail par un médecin de contrôle, il ne reçoit pas nécessairement de blâme ou de sanction. Ce qui, convenons-en, n’est pas extrêmement dissuasif. 4. Réduire l’indemnité de maladie. Lorsqu’un ouvrier se trouve en incapacité de travail pour moins de 14 jours, son premier jour d’incapacité (jour  » de carence « ) n’est pas indemnisé. Destexhe propose d’étendre ce principe à la fonction publique, tout en l’adoucissant : un agent malade perdrait un demi-jour d’indemnisation. Parions que ces propositions ne feront pas l’unanimité : l’absentéisme au boulot est un sujet délicat. Comme, d’ailleurs, l’absentéisme au Parlement…

Isabelle Philippon

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire