Cageot 1 (2023) de Bernard Villers
De qui se moque-t-on? Sérieusement, y a-t-il vraiment quelqu’un pour s’extasier devant un vulgaire cageot de bois peint à l’acrylique? Oui, nous… car la cagette en question affiche une sincérité désarmante, celle d’un artiste renonçant à la surenchère.
Cette œuvre, qui possède la simplicité du quotidien, raconte une histoire, quelque chose comme l’itinéraire d’un artiste attaché à réconcilier l’art et la vie. Au début de sa carrière, les petites caisses de fruits représentaient pour Bernard Villers (1939) un matériau utile pour réaliser des encadrements. Au fil du temps, le Bruxellois s’est refusé au cadre, ce qu’il n’est pas interdit d’interpréter comme une réticence à participer de la spectacularisation du monde. «J’ai commencé dans l’esprit de Willem de Kooning, je faisais des toiles très travaillées, soignées… C’était ma période “peinture-peinture”, commente-t-il. Dans les années 1970, Villers opère un tournant majeur, il se libère du «bien peint» et se met à réfléchir à la matérialité de sa pratique. Il décide que la peinture elle-même deviendra le sujet de son œuvre.
Dans la foulée, il tourne le dos au châssis, soucieux de montrer le verso autant que le recto. Autre orientation, autre figure tutélaire. Désormais, il se place sous la houlette de Piet Mondrian. «Je suis aussi un enfant de Dada», renchérit celui qui a eu Jo Delahaut comme professeur, avant que ce dernier ne devienne un «client» intéressé par la production sérigraphique. Une autre ombre plane sur le travail de Bernard Villers, celle de Kurt Schwitters. Tout comme le natif d’Hanovre, le citoyen de Saint-Josse s’est forgé une grammaire propre fondée sur la récupération d’objets disparates – des cagettes, des dossiers de chaise, des palettes de transport… – qu’il se plaît à agencer de façon harmonieuse. Il pointe également sa fascination pour le monde ouvrier. «N’ayant jamais pu vivre de ma peinture, j’ai fait pas mal de chantiers. Les matériaux sont une grande source d’inspiration pour moi. Le travail manuel me passionne.» Au bout de ce recyclage surgit une incommensurable poétique exsudant de Tout est là, exposition à la fois humble et géniale.
A la galerie Irène Laub, à Bruxelles, jusqu’au 25 février.
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