» Bien de chez nous « , les agrocarburants ?

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Dans la nouvelle loi sur les biocarburants,  » il n’y a pas de phénomène d’importation de pays étrangers. Ce sont des biocarburants indigènes, produits chez les agriculteurs de chez nous « . David Clarinval, député fédéral MR, le 14 juin sur la Première RTBF.

Le 13 juin, la Chambre a adopté une proposition de loi  » relative aux volumes nominaux minimaux de biocarburants durables qui doivent être incorporés dans les volumes de carburants fossiles mis annuellement à la consommation « . Cette nouvelle loi est destinée à remplacer celle du 22 juillet 2009, qui arrivera à échéance fin juin. Principale modification : le pourcentage maximal de carburants issus de l’agriculture passera de 4 à 6 % pour le biodiesel et de 4 % jusqu’à 9 % pour le bioéthanol (en fonction du type d’essence concerné). L’objectif reste le même : transposer dans le droit belge trois directives européennes qui imposent, pour 2020, une part de 10 % d’énergie renouvelable dans le secteur du transport.

Des ONG hostiles aux agrocarburants ont aussitôt déploré les  » conséquences néfastes  » de cette décision sur l’environnement et la sécurité alimentaire, tant en Europe que dans les pays du Sud. Nourrir ou conduire ? Sur la Première, au cours de l’émission de débats Connexions, le député MR David Clarinval s’est montré rassurant. Selon le coauteur de la proposition, la nouvelle loi prévoit des garde-fous. Notamment un critère de  » durabilité  » qui interdirait d’importer des biocarburants venus des antipodes.

FAUX La loi de 2009 avait le mérite d’être claire : pour être considérés comme durables, les biocarburants devaient être produits dans la Communauté européenne et respecter une série de critères environnementaux (1). Mais cette restriction a disparu de la nouvelle proposition. Désormais, sera qualifié de durable tout produit repris dans une liste européenne et qui, en outre, satisfait  » aux critères de durabilité imposés par l’arrêté royal du 26 novembre 2011  » (2). Or l’arrêté royal en question n’interdit en rien l’accès du marché aux producteurs hors Union européenne (3)…

Pourquoi la Chambre a-t-elle modifié ce paragraphe ? A cause de l’Argentine. Premier exportateur mondial de biodiesel, Buenos Aires a porté plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle dénonce plusieurs pays européens qui favorisent les produits nationaux ou européens sur leurs marchés. A savoir la France, l’Italie, le Portugal et… la Belgique. Une consultation à propos de ce contentieux aura lieu fin juin, à Bruxelles, entre la Commission européenne et les représentants de l’Argentine. De source proche de la Commission, l’Union n’aurait guère d’espoir d’emporter une bataille juridique.

Puisque elle ne barre plus le marché belge aux producteurs d’Amérique du Sud, la nouvelle loi permettra de régler le litige. Du moins en partie. Car l’Argentine risque de soulever une autre infraction aux règles de l’OMC : les aides d’Etat (défiscalisation) dont bénéficient les sept usines belges de biocarburant, en vertu d’une loi du 10 juin 2006 qui privilégie également les unités de production européennes…

1. goo.gl/XTnLB (Art. 2, 8°). 2. goo.gl/ACbMn (Art. 2, 10°). 3. goo.gl/93N4W (Art. 4, § 1er et suivants)

Ettore Rizza

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