Bataille de Steinkerque, boucherie sans vainqueur
Surpris par les Anglo-Hollandais en Hainaut, les Français tiennent bon. Quatre ans après la sanglante bataille, Louis XIV renonce à toutes ses conquêtes.
La bataille, l’une des plus sanglantes de la » guerre de Neuf Ans « , s’est déroulée le long de la Senne, au sud d’Enghien et à l’ouest de Rebecq (à trente-cinq kilomètres au sud-ouest de Bruxelles). Aujourd’hui, face aux champs qui s’étendent à perte de vue près du village hennuyer de Steenkerque ( » Steinkerque « , selon l’orthographe de l’époque), une plaque rappelle le souvenir de cette boucherie sans réel vainqueur ni vaincu, qui a fait près de 20 000 morts.
Les princes protestants de la Ligue d’Augsbourg, hostiles aux visées territoriales de Louis XIV et inquiets de la révocation de l’Edit de Nantes, sont alors en guerre contre la France. Commandant de l’armée française en Flandre, le maréchal de Luxembourg a remporté une victoire à Fleurus en juillet 1690, et une autre à Leuze en septembre 1691. Les Français se sont emparés de plusieurs de nos provinces. L’affrontement décisif se prépare, alors que Louis XIV a repris la route de Paris après avoir, avec l’aide de Vauban, fait capituler Mons et Namur.
A la tête d’une armée de 50 000 hommes, Luxembourg a installé son camp le 31 juillet 1692 à Enghien. A l’aube du 3 août, il se laisse surprendre : l’armée alliée, 80 000 hommes commandés par le prince d’Orange, stadhouder des Provinces-Unies et roi d’Angleterre sous le nom de Guillaume III, attaque à l’improviste les Français à Steinkerque. L’assaut est si imprévu que le maréchal et les princes n’ont pas le temps de nouer correctement leurs cravates de dentelles, lançant ainsi la mode des » cravates à la Steinkerque « . Les Français fléchissent, puis se ressaisissent. Rappelés par Luxembourg, les 20 000 hommes de Boufflers, qui avaient été envoyés à Namur, achèvent la défaite alliée. Les Anglo-Hollandais battent en retraite, laissant 12 000 morts sur le champ de bataille, huit drapeaux, dix pièces de canons et 1 300 prisonniers. Luxembourg, lui, compte 8 000 tués ou blessés et n’est pas en mesure de poursuivre l’adversaire.
Rebelote un an plus tard, à Neerwinden, où l’armée du maréchal de Luxembourg défait une nouvelle fois les forces anglo-hollandaises de Guillaume d’Orange. Là encore, les pertes sont énormes. Epuisés par les combats et les mauvaises récoltes, les belligérants cessent enfin de s’affronter. Par le traité de Ryswick de 1697, Louis XIV rend la plus grande partie de ses annexions et reconnaît Guillaume III comme roi légitime d’Angleterre. » Ryswick, c’est un retour en arrière de près de vingt ans, constate l’historien Hervé Hasquin. Le Roi-Soleil a compris que son royaume avait besoin d’un répit, un souci d’ailleurs partagé par les autres souverains. »
Pendant neuf ans, la France, pays le plus puissant d’Europe, qui disposait d’un réservoir d’hommes apparemment inépuisable, s’est battue sur tous les fronts – Catalogne, Piémont-Savoie, Pays-Bas espagnols – et sur les mers. Mais ses victoires se sont révélées coûteuses et n’ont jamais mis l’ennemi à quia. » Surtout, Louis XIV arrête les frais car il tient à ménager l’Espagne, explique l’historien Jean-Michel Sterkendries. Le règne de Charles II, le dernier Habsbourg espagnol, touche à sa fin, et le roi de France ne perd pas de vue la succession au trône d’Espagne, qui donnera lieu à un conflit entre puissances européennes, de 1701 à 1714. »
Olivier Rogeau
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