Barack Obama peu t-il encore devenir le nouveau JFK ?

Certes, Barack Obama a perdu en Floride le 29 janvier. Mais ce scrutin était purement symbolique, car le parti démocrate de Floride a été sanctionné par la direction nationale du parti pour avoir avancé, sans autorisation, la date de ses primaires. Les démocrates floridiens seront donc, selon toute probabilité, privés de délégués lors de la convention de Denver (Colorado), qui désignera en août le candidat de leur parti à l’élection présidentielle. L’équipe d’Obama a comparé ces primaires de Floride à un simple  » concours de beauté « . Rien à voir, affirme-t-elle, avec les primaires précédentes, tenues le 26 janvier en Caroline du Sud. Là, Obama a triomphé : quelque 55 % des électeurs démocrates de cet Etat se sont prononcés en sa faveur (27 % pour Hillary Clinton). Bref, même si l’ex-First Lady reste pour l’instant favorite dans la course au  » Super Tuesday  » – des primaires dans vingt-deux Etats à la fois, le 5 février prochain – , Obama fait souffler un vent nouveau sur la politique américaine. Histoire d’un Noir qui transcende les clivages et pourrait, s’il était élu, ressusciter le mythe Kennedy.

De notre correspondant

Ce 10 novembre 2007, le Jefferson-Jackson Dinner, le gala – coup d’envoi des primaires dans l’Iowa, est commencé depuis une demi-heure. A sa table, Hillary Clinton n’a pas touché à sa salade, méditant le discours qu’elle doit prononcer le soir même devant 6 000 spectateurs massés dans les gradins ou attablés devant des assiettes à 100 dollars par personne. Au même moment, Barack Obama, lui, a déjà bondi quatre fois de sa chaise pour cajoler ses admirateurs. La main gauche du fringant sénateur de l’Illinois électrise l’épaule d’une dame ébaubie, la droite se tend au-dessus des assiettes vers un généreux donateur de sa campagne, tandis qu’il répond avec un clin d’£il, tête penchée et sourire enjôleur, aux encouragements d’un troisième.

Il se redresse, et sa danse reprend plus loin : claquement de mains très  » black  » dès qu’il reconnaît un visage, pas chassé de basketteur émérite d’un  » Michael Jordan de la politique « , conclu par une accolade de patricien aux supporters de la première heure.

Il parle, écoute, répond, anime de brefs débats de tablées, laissant dans son sillage un bruissement de conversations et d’applaudissements. Les rares invités noirs, dans cet Etat très blanc, adressent des sourires de discrète connivence à ce monument de la méritocratie, activiste héroïque de Chicago et avocat chevronné sorti de Harvard.

Issu d’un rêve américain hybride et futuriste

Les Blancs, eux, perdent toute retenue. Des concessionnaires de voitures de Des Moines et de Sioux City, des blondes en tee-shirt tentent d’attraper par la manche un présidentiable de 46 ans issu d’un rêve américain hybride et futuriste : l’enfant d’une femme blanche du Midwest élevé à Hawaii et en Indonésie, dont le prénom arabe, Barack, signifie  » béni « , et Obama, le patronyme swahili, langue de son père, kényan,  » lance enflammée « .

Ils se reconnaissent en lui, ce Noir gentil, distingué et rassurant, surtout lorsqu’il monte sur scène, après le discours pourtant brillant de sa rivale Hillary, pour lui infliger un Pearl Harbor verbal. Son programme n’est pas si différent du sien, certes : assurance santé, meilleures écoles, regain de prestige international pour l’Amérique et retrait éventuel d’Irak. Mais c’est la musique qui est autreà Une voix de baryton, issue des prétoires et des églises baptistes noires de Chicago, qui vole plus haut que n’ont jamais rêvé les démocrates, brasse les symboles américains et les bons sentiments enfouis par sept ans de gouvernement Bush.

Cette magie lui a finalement offert une victoire écrasante le 3 janvier dans l’Iowa et, malgré une défaite de 3 points dans le New Hampshire, Obama attire toujours les foules et conforte les espoirs. Le 9 janvier, à Jersey City (New Jersey), aux portes de Manhattan et du fief de la sénatrice de New York, 2 000 personnes l’attendaient dans la rue, faute d’avoir pu entrer dans la salle, bondée, où se tenait le meeting. La passion de l’opinion rappelle le mythe Kennedy.

Une comparaison indue ? Les médias ont déjà cité le révérend Martin Luther King et le président abolitionniste Abraham Lincoln, un autre élu de l’Illinois. Les deux adorables petites filles d’Obama, Malia et Natasha, son épouse, Michelle, brillante avocate issue, comme lui, de Harvard, évoquent le trio John-John, Caroline et Jackie Kennedy, autant qu’ils annoncent l’avènement d’un JFK noir.

En quelques mois de campagne, ce beau mec aux allures de collégien espiègle a réussi à incarner une génération et à brouiller les pistes de la politique américaine. Son discours d’unité, son refus des divisions artificielles entre Etats rouges (conservateurs) et bleus (progressistes), entre partisans des valeurs et critiques du prétendu déclin moral, a séduit assez de républicains modérés pour susciter une grande frousse au sein de leur parti, qui lui cherche, avec John McCain, un opposant à sa mesure.

A gauche, les jeunes l’adorent tellement que leur participation électorale record dans l’Iowa a évoqué un soulèvement contre la politique à l’ancienne – celle des compromissions, des tractations d’antichambre avec le grand business, et de querelles de vieux issues des sixties. Les Noirs, au début tentés par le vote Clinton, jugé utile, croient maintenant en lui et se rallient dans le Sud. Dans l’Iowa, les femmes ont plus voté pour Barack que pour Hillary, avant de se ressaisir dans le New Hampshire, de crainte de couler définitivement la candidate. La vague Obama menace d’ores et déjà la suprématie originelle des Clinton, obligeant Bill, ce ténor populiste, à en appeler à la sagesse :  » Arrêtons les balivernes, ironisait-il le 9 janvier. C’est le plus beau conte de fées que j’aie jamais entendu. « 

Un orateur noir pour le candidat John Kerry en 2004

Qui sait ? Peut-être ne parlerait-on même pas d’Obama aujourd’hui si, en 2004, la machine du parti et l’entourage du candidat John Kerry, en quête d’un orateur noir pour la convention démocrate de Boston, n’étaient allés quérir le prodige à Chicago. A l’époque, George Bush, au nom des valeurs chrétiennes et du combat contre le mariage gay, semblait marquer des points dans les influentes Eglises noires. Pour ramener l’optimisme dans l’électorat africain-américain tenté par l’abstention, Kerry espérait lui opposer une success story inédite.

Barack Obama, jusqu’alors élu local d’un ghetto de Chicago, le South Side, au Parlement de l’Illinois, briguait le poste de sénateur de l’Etat à Washington, et, après le combat des primaires locales, semblait assuré d’une victoire. Les républicains, pour toute opposition, avaient parachuté contre lui un candidat noir improbable et ultrapuritain, Alan Keyes. A 43 ans, Obama, un jeune avocat et homme politique encore occupé à rembourser les emprunts de ses études, allait devenir le seul élu de sa couleur au Sénat des Etats-Unis. Et le troisième dans l’histoire du pays.

Son discours, à Boston, devait être un simple prêche de la saga des droits civiques, la relève des briscards noirs, Jesse Jackson et Al Sharpton. Ce fut un tremblement de terre, une éruption d’éloquence, de sensibilité et d’espoir. Seul et efflanqué sur la scène immense, l’inconnu évoquait ses parents : un homme venu d’Afrique et une femme blanche du Kansas.  » Un rêve commun né sur deux continents.  » Il poursuivait :  » Je me présente à vous, plein de gratitude pour mon héritage, conscient que mon histoire appartient à la plus ample histoire américaine, et qu’elle n’aurait été possible dans nul autre pays.  » La suite appartient à l’anthologie des meilleures allocutions. Obama, au nom de la diversité des cultures, des races et des philosophies, nie à la droite son emprise sur la morale et l’idée de nation. Un parti acculé depuis des années vers la marge, réputé sourd aux valeurs de M. Tout-le-Monde, en oublie ce soir-là jusqu’à Kerry. Un mythe se dessine.

Obama, au lendemain de la convention, n’est plus seulement un leader noir. Dans l’Illinois, dès novembre 2004, il empoche 80 % du vote black, mais aussi 70 % des voix des Blancs. Les humoristes, les stars des talk-shows, sûrs d’étrenner un phénomène de société, s’emparent de son nom impossible. Obama insuffle un air frais. Invité à Boston, au soir de son discours, chez le démocrate Ted Kennedy, riche à millions, il arrive à la soirée une bouteille à la main. Un choc des cultures ! Lentement, la jeune garde démocrate, les intellectuels lui pressentent un avenir national. Obama en 2012 ? 2016 ? L’aisance du jeune sénateur à incarner une Amérique hybride, à refonder une gauche rigide et vieillie, promet, sinon une révolution à la Maison-Blanche, du moins une nouvelle identité du parti. Un nouveau reflet du pays.

 » En 1992, Clinton le Sudiste de l’Arkansas avait clos la guerre de Sécession, ironise Hank Sheinkopf, consultant électoral. Obama, lui, achève l’ère des droits civiques.  » Son cheminement reflète une rédemption américaine. Mais à quel prixà

Durant son enfance, lorsqu’il vivait à Hawaii, son grand-père blanc, l’ineffable  » Gramps « , fondait sur les touristes qui, à la plage, regardaient de trop près ce gamin à la peau sombre.  » Savez-vous que vous admirez l’arrière-petit-fils du roi hawaiien Kamehameha ?  » assénait-il aux beaufs racistes. Honolulu la tolérante comptait toutes les ethnies d’Asie et du Pacifique, mais peu de Noirs. A l’école, le jeune Barack se disait fils d’un chef d’Afrique, qui l’attendait là-bas  » pour faire de [lui] un prince « .

Son père, également prénommé Barack, lui-même fils d’un notable kényan guérisseur de la tribu nomade des Luo, était devenu cuistot des colons de la ville d’Alego, au bord du lac Victoria, et avait pu entrer à l’école de la mission. Les pasteurs avaient vite choyé ce surdoué, payant bientôt ses études à Nairobi, avant de l’envoyer, nanti d’une bourse, poursuivre son cursus d’économétrie à l’université de Hawaii. Seul Noir de la fac, charismatique et engageant, il acquiert vite un statut de star, fonde l’association des étudiants étrangers, obtient les meilleures notes de sa promotion et conquiert une jolie brune, étudiante en anthropologie, nommée Ann Dunham. Les amants se marient en 1960 ; leur enfant, Barack Hussein Obama, naît le 4 août 1961. Le couple se séparera deux ans plus tard.

Dans son autobiographie, Dreams From My Father (Les Rêves de mon père, à paraître en français), écrite en 1995, juste avant son entrée en politique à Chicago, afin de clore une jeunesse troublée de crises identitaires, Obama raconte qu’il a longtemps médité sur la malédiction qu’encourait alors un couple mixte avant d’apprendre, par sa mère, que son père les avait, en fait, quittés pour satisfaire sa seule ambition. La New School, une université de New York, proposait de l’accueillir, tous frais payés, avec femme et enfant. Mais Harvard, la Mecque des économistes, lui ouvrait aussi ses portes, sans prendre en charge sa famille. Il a choisi de partir seul à Harvard.

Noir et blanc à la fois, au regard des valeurs humaines

Cette déchirure et ses ranc£urs de jeunesse expliquent qu’Obama ait pris tant de recul, de hauteur devant les schémas classiques de la société américaine. Noir et blanc à la fois, il voit moins le monde par la lorgnette des droits civiques que par le prisme des valeurs humaines, universelles, et individuelles.

Il comprend ainsi comment ses grands-parents,  » Gramps  » et  » Toot « , un représentant en meubles et une employée de banque originaires du Kansas, ont pu laisser leur fille s’amouracher d’un Noir au c£ur des années de plomb racistes :  » C’est un effet de la simple décence de leur culture du Midwest « , assure-t-il. Les grands-parents – lui, engagé dans l’armée de Patton en Europe, elle, héroïque ouvrière des usines d’aéronautique de Wichita, en 1941 – incarnaient une quintessence morale américaine. Mais leurs vies avaient été chaotiques.

Gramps, qui, à l’âge de 8 ans, avait trouvé sa propre mère pendue, était devenu un temps vagabond et petit voyou à l’adolescence, traversant tout le pays caché dans des trains de marchandises. Après la guerre, Toot l’avait suivi dans d’autres pérégrinations épuisantes à la recherche d’emplois dans les champs pétrolifères du Texas. Les épreuves, l’instabilité, même les complexes de la grand-mère, élevée dans la honte du sang cherokee qui coulait dans ses veines, façonnaient des personnalités tolérantes, mais à jamais en marge.

Ces deux Blancs ont élevé le mieux possible l’enfant noir à Hawaii, protestant, même, lorsque sa mère, bientôt remariée avec un étudiant indonésien, décida, en 1968, d’emmener Barack avec elle, à Jakarta.

Cet exil à l’autre bout du monde a achevé de disloquer ses fragiles repères. Après deux ans dans une école publique musulmane de quartier, puis deux autres dans un cours catholique, le gamin, outsider paumé, maîtrise toujours mal la langue indonésienne. Il souffre aussi de la mésentente de ses parents, de la dureté de son beau-père, devenu cadre supérieur dans le pétrole, envers les domestiques et les pauvres, et se voit, finalement, rapatrié seul à Honolulu, où ses grands-parents lui ont trouvé une bourse pour la Punahou School, la meilleure école privée de Hawaii.

C’est l’époque des états d’âme solitaires et des crises identitaires adolescentes. Partagé entre sa passion obsessionnelle pour le basket, avec les rares élèves noirs de l’école, et les sorties avec son grand-père, qui croit pouvoir lui présenter des figures paternelles parmi ses copains de poker, Barack tangue entre deux univers :  » J’ai appris à passer de mon monde noir à mon monde blanc, écrit-il. Conscient que chacun d’eux possédait son langage, ses coutumes et ses signes, convaincu qu’il suffisait d’un effort de traduction de ma part pour qu’ils se rejoignentà  » Illusion ?

A l’univers dédoublé des races s’ajoute celui des classes sociales. Lorsque sa mère revient, divorcée, d’Indonésie, avec sa toute petite demi-s£ur Maya, née à Jakarta, elle l’emmène vivre dans un minuscule appartement proche de l’école. Chaque soir, Barack, qui continue sa scolarité dans son établissement chic, revient dans une maison où on ne survit plus qu’à l’aide des bons d’alimentation de l’aide sociale.

Des années plus tard, en 1984, Jerry Kellman, un activiste de Chicago en quête d’un adjoint pour un travail associatif dans les quartiers noirs de la capitale du Midwest, reçoit de New York le CV impressionnant d’un dénommé Obama.  » J’étais ravi, mais perplexe, reconnaît-il : un Noir sorti de Punahou, du prestigieux Occidental College, à Los Angeles, diplômé de sciences politiques de Columbia ! Employé à l’époque dans le département d’analyse d’une grande compagnie financière, il postulait pour un job payé au lance-pierres dans les ghettos d’une ville dont il ignorait tout ! « 

Lors de leur première rencontre, dans un café de Lexington Avenue, Kellman l’a houspillé d’entrée :  » Vous êtes en rogne contre quelque chose ? Vous avez un compte à régler ?  » Au bout de leur conversation, le mystère s’est éclairci. Barack, éternel outsider, lassé d’un entre-deux languissant, voulait, sinon retrouver ses racines, du moins forger son identité noire américaine. En finir avec une vie d’esquive.

A Punahou et à Los Angeles, il y avait la fête exutoire, les nanas, l’alcool et, un temps, un penchant dangereux pour la défonce. Rien qui puisse lui faire oublier que sa couleur de peau lui tenait lieu de destin. Tout  » fils de prince  » qu’il était, cultivé et cosmopolite, les chauffeurs de taxi blancs de Manhattan ne s’arrêtaient pas pour le prendre. A Hawaii, même, une femme avait une fois hurlé de peur en le voyant entrer dans l’ascenseur de son immeuble. Et les lettres épisodiquement envoyées du Kenya par un père distant et mythifié – il ne l’avait revu qu’une fois, à l’âge de 10 ans – ne soulageaient en rien son malaise.

Sept demi-frères et soeurs, nés de quatre mariages

La dernière missive, en 1980, lui conseillait de venir en Afrique rencontrer sa famille : sept demi-frères et s£urs nés des quatre mariages de Barack  » senior « , devenu depuis son retour au pays une pointure du gouvernement kényan. A New York, deux ans plus tard, le fils reçoit un coup de fil de Nairobi lui annonçant que son père s’était tué dans un accident de voiture. Barack, à jamais  » l’étranger « , s’est longtemps reproché de n’avoir pas pleuré.

A le voir aujourd’hui marteler, de tribunes en plateaux de télévision, son credo du changement, on ne peut que rappeler son état d’esprit à son départ pour Chicago, en 1985.  » Je voulais le changement, écrit-il. Un changement à la Maison-Blanche, où Reagan faisait son sale boulot ; changement au Congrès, docile et corrompu. Changement dans l’humeur du pays, folle et introvertie. Mais aucun changement ne vient d’en haut. Il ne peut provenir que d’une base mobilisée. J’allais donc mobiliser les Noirs ! « 

Payé 800 dollars par mois pour arpenter un South Side pourri, y promouvoir des leaders de quartier et rassembler les habitants dans la défense de leurs intérêts, le désamiantage des logements sociaux, la création de bureaux d’emploi dans les quartiers, la lutte contre la délinquance juvénile – Barack Obama fait preuve, à 24 ans, d’un talent politique inouï, d’un don du contact et d’une abnégation rares. Mais la base reste inerte, et les potentats politiques locaux hostiles.  » Il est arrivé idéaliste, et reparti pragmatique « , se souvient Kellman. Pas seulement à cause des affres du Southside.

En 1984, sa demi-s£ur Auma est venue lui rendre visite aux Etats-Unis. Son récit de la vie de leur père, bientôt confirmé par un voyage de Barack au Kenya, en 1987, l’a ébranlé. Barack père, à son retour d’Amérique, était bien devenu l’homme en vue du gouvernement, jusqu’à ce qu’il s’oppose, par morgue, inconscience et idéalisme, aux projets du président d’alors, Jomo Kenyatta. Limogé, boycotté, le baron déchu a sombré dans l’alcoolisme et la misère. Obligé, aux pires périodes, d’emprunter pour manger et de loger sa famille dans des maisons abandonnées, il est mort sans s’être jamais remis de son humiliation.

En 1987, Obama, venu à Boston avec Kellman pour assister à une conférence, l’a emmené visiter Harvard, et lui a annoncé qu’il comptait s’inscrire l’année suivante à la fac de droit.  » J’y ai vu un clin d’£il à son père, raconte son mentor du South Side. Et j’ai tout de suite compris qu’il s’était enfin trouvé. Il entamait sa carrière politique. « 

Trois ans plus tard, en 1990, il défraie déjà la chronique. Premier Noir élu rédacteur en chef de la prestigieuse Harvard Law Review, Obama remporte cet insigne honneur, devant 18 autres candidats ; il doit sa victoire autant à ses qualités de juriste – il recevra son diplôme magna cum laude – qu’à son don de la négociation et du compromis. La revue, enjeu de foires d’empoigne idéologiques, compte une mouvance de droite qui veut éviter la dérive de ce monument de la jurisprudence. Obama cajole, discute, écoute, et emporte haut la main le vote des 61 membres du conseil éditorial. Ce soir-là, un véritable délire s’empare des bureaux de la Black Students Association de Harvard. Obama, qui voulait rentrer à Chicago dès la remise des diplômes pour reprendre son job d’activiste, n’avait accepté de concourir que sous la pression des étudiants noirs de la fac. Sa victoire lui valut l’adulation de l’élite politique black. Et le respect de ses opposants.

Etudiant ou politicien, il préfère le rôle d’accoucheur d’idées

 » Il était clairement de gauche, reconnaît Bradford Berenson, l’un des responsables républicains de la revue à l’époque, qui a rejoint depuis l’administration Bush. Mais il refusait de prendre parti dans nos guéguerres tribales. « 

A Harvard, comme plus tard à l’Assemblée de l’Illinois, il préfère le rôle d’accoucheur d’idées, gagnant par des compromis jugés impossibles l’assentiment de républicains sur des lois contre le profilage racial, obtenant, au nom de la communauté noire, une surveillance vidéo des interrogatoires de police dans l’Etat, militant pour un moratoire local sur la peine de mort.

L’activiste de la première heure a depuis longtemps appris à mobiliser la rue. Tout Chicago se souvient de cette semaine de 1992 où un gars très maigre au nom bizarre, tout juste rentré de ses brillantes études à Boston, avait ramené 150 000 nouveaux électeurs démocrates sur les listes électorales. La campagne avait contribué, cette année-là, à offrir l’Illinois au présidentiable démocrate de l’époque. Un certain Bill Clinton. Qui croyait dur comme fer, à l’époque, au conte de fées nommé Barack Obama. l

Philippe coste

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