Bac à sable et tiroir caisse
Mister Ecclestone est de retour. L’homme qui a imposé à la Région wallonne un contrat qu’elle n’en finit pas de décortiquer apparaît subitement comme le messie la délivrant de tous les péchés du passé. Trop beau pour être vrai ?
La commission de l’Intérieur du parlement wallon a commencé l’examen du dossier Francorchamps. Pas moins de 165 questions sont déposées par les groupes politiques et une vingtaine de personnalités seront mises sur la sellette. En préambule, quelques noms d’oiseaux ont déjà volé. De là à dire que ça va voler haut… Cette commission que l’opposition aurait voulue » d’enquête parlementaire » avec des pouvoirs d’un juge d’instruction, a un côté bac à sable ( c’est pas moi, c’est lui ) qui, au-delà des faits et des zones d’ombre à éclaircir, permet de distribuer les mauvais points aux gouvernements successifs.
N A charge de Van Cau I. La commission mettra le doigt sur l’incroyable légèreté avec laquelle le gouvernement wallon PS-MR-Ecolo s’est lié, en 2003, au prix fort et moyennant des cachotteries anti-démocratiques, avec le maître de la F 1 et avec laquelle il a confié l’organisation commerciale du GP à la société DDF1 du Liégeois Didier Defourny. Personne n’ose avouer avoir introduit ce sous-traitant déclaré en faillite en novembre dernier. L’enfant prodige est devenu l’enfant prodigue. Même le curateur de la faillite le charge lourdement et la justice est sur le coup. Question de vérifier si l’ancien pilote ne se sucrait pas un peu trop au passage et s’il ne spoliait pas ses co-contractants du circuit. L’homme se défend et attaque, mais snobe la commission parlementaire. Il pointe, en particulier, des engagements que la Région n’a pas tenus (promesses de sponsoring) et un business plan tronqué. Le ministre Kubla croyait erronément pouvoir tabler sur des bénéfices au bout de deux ans, moyennant certaines conditions.
N A charge des gouvernements Van Cau II et Di Rupo. La nouvelle majorité PS-CDH a, manifestement, essuyé les plâtres. En juin 2005, elle savait que l’embardée financière allait se produire à l’occasion du GP de septembre. Elle n’a pu contraindre DDF1 à placer ses recettes sur un compte bloqué, comme cela avait été fait en 2004, et a consenti, via la Sogepa, un prêt de 15 millions d’euros pour combler le déficit des deux épreuves. Personne ne sait comment la Société de promotion du circuit de Spa-Francorchamps le remboursera.
Un coup à gauche, une griffe à droite et, probablement, la commission passera à l’ordre du jour. Pour parler de quoi ? Mais de Francorchamps, pardi ! Du retour de Bernie Ecclestone comme promoteur du Grand Prix qui pourrait être rebaptisé » de Wallonie » si le fédéral n’ouvre pas sa bourse. Car la Wallonie continuera à l’ouvrir. PS, CDH et MR semblent prêts à lui permettre d’injecter annuellement quelque 6 millions d’euros dans l’événement. Sans compter les 15 millions déjà assurés à titre d’investissements dans le circuit pour répondre aux exigences de la Fédération internationale de l’automobile. Quelque 80 millions d’euros – estimation – ont été investis, en une trentaine d’années, dans le » plus beau circuit du monde » qui, il est vrai, fait à présent l’objet d’une valorisation économique globale à laquelle le GP n’est pas étranger. Il n’empêche. L’effort financier est considérable. Et la manière avec laquelle on est sur le point de re-conclure avec Ecclestone peut, à tout le moins, paraître bien curieuse. Une entreprise commerciale dont le risque est amorti avec un coussin de 6 millions d’euros d’argent public, garantis sur facture, cela ne doit pas courir les rues. Magique, ce nouveau montage financier en cours de négociation ! Entre 1997 et 2002 quand Spa Activities organisait le Grand Prix, Mister E., qu’on disait fatigué et démotivé, faisait des pertes et la Région ne casquait rien, lesdits investissements exceptés. La F 1 est une course passionnante : retournement de situation garanti.
Le Grand Prix de France a bénéficié en 2005 d’une intervention publique d’au moins 2,3 millions d’euros à charge du Conseil régional de Bourgogne (2 millions) et du ministère national des Sports (300 000 euros).
Le sponsoring sous forme d’auto-pub sur les circuits en faveur d’une ville, d’un pays ou d’une région se pratique notamment à Melbourne au GP d’Australie et au GP du Canada. La Wallonie envisage cela pour 2 millions d’euros, en 2006, à Francorchamps.
Le circuit de Francorchamps se loue 100 000 euros par jour pour des essais automobiles. Au circuit du Castelet (France), cela coûte 350 000 dollars par jour d’essai. l
Pierre Schöffers
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