Au paradis perdu

Louis Danvers Journaliste cinéma

Terrence Malick fait de son Nouveau monde une méditation poétique et philosophique doublée d’une belle histoire d’amour aux temps des premières colonies en Amérique du Nord

Ils l’appelaient le Nouveau Monde. Et au terme du long voyage en bateau depuis leurs îles britanniques, ils rêvaient d’y mener une nouvelle vie. Trois navires mouillèrent en 1607, sur la côte est de ce que deviendrait plus tard les Etats-Unis. En débarquèrent des hommes rudes et décidés, mais ne venant pas en conquérants brutaux. Au nom de la Virginia Company, ils avaient pour mission d’établir Jamestown, un avant-poste économique surtout, religieux aussi. L’accueil des indigènes, une tribu indienne placée sous l’autorité du chef Powhatan, allait être pacifique, et marqué d’une grande curiosité réciproque entre gens du vieux monde européen et habitants du  » nouveau « . Une idylle allait même naître entre Pocahontas, fière et vive princesse, et le capitaine John Smith. Cette histoire d’amour entre deux êtres n’allait malheureusement pas s’accompagner d’une amitié durable entre leurs deux peuples. Et d’incident en incident, de malentendus en représailles, les choses allaient dégénérer, faisant de la Virginie colonisée un paradis perdu…

Hymne élégiaque

Terrence Malick, le rare mais passionnant réalisateur de La Ligne rouge, de Badlands et des Moissons du ciel, est remonté aux sources de la colonisation de l’Amérique du Nord, et à son épisode le plus connu. Les amours de John Smith et Pocahontas avaient déjà plusieurs fois inspiré le cinéma, jusqu’à… Tex Avery qui aborda bien sûr cette histoire dans le plus déchaîné des burlesques. L’approche de Malick, qui a tourné sur les lieux mêmes de l’action qu’il recrée, est très personnelle, éminemment marquée par son regard poétique et son panthéisme, outre un rousseauisme faisant du Nouveau Monde un hymne élégiaque à une réalité naturelle à jamais disparue. Hommes, plantes, animaux vivent en harmonie dans l’univers indien que le film célèbre avec une mélancolie poignante. On pourra bien sûr débattre de la pertinence d’une vision idéalisée des choses et du mythe du  » bon sauvage  » prolongé par Malick dans une suite d’images d’une vibrante beauté. Mais comment ne pas s’abandonner au spectacle admirable qu’accompagnent des musiques empruntées à Wagner et Mozart ? Aucun film depuis le génial Aguirre de Werner Herzog (1972), qui suivait une expédition de conquistadors en Amérique latine, n’avait su donner une vision aussi captivante, physique et sensuelle du choc entre univers vierge de présence européenne et colonisation prétendument civilisatrice. Une vision qui transcende tout didactisme, dans une plongée poétique au c£ur de son sujet. Dans les rôles principaux, Colin Farrell et Q’Orianka Kilcher s’inscrivent idéalement dans la fresque intime sublimée par Malick.

Louis Danvers

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