Alexander De Croo débranche la prise
Un petit nouveau en politique offre à la Belgique la plus longue crise gouvernementale de son histoire, suivie par l’adoption, à la hussarde, de réformes structurelles douloureuses.
Un visage désarmant de grand enfant, mais une poigne de fer. Alexander De Croo, fils d’Herman et président de l’Open VLD, est l’homme par qui le scandale est arrivé. Celui que Luc Van der Kelen, éditorialiste du Laatste Nieuws, a appelé le » nouveau bad guy » de la politique flamande, a provoqué, le 22 avril 2010, la démission du gouvernement Leterme II. Les libéraux flamands avaient posé un ultimatum sur la scission de BHV, l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Quatre jours après le tweet » Alea jacta est » de Vincent Van Quickenborne, Leterme était au sol. Résultat, pour la Belgique : 541 jours en affaires courantes, alors que le pays est sous la pression des marchés financiers.
» Au moment où De Croo a débranché la prise, il y avait de larges avancées dans le dossier BHV, estime le constitutionnaliste et sénateur CDH Francis Delpérée. Certains ont même assuré qu’avec les progrès engrangés au terme de la mission du médiateur royal Jean-Luc Dehaene, les négociateurs étaient à quelques centimètres d’un accord. Mais le président de l’Open VLD, qui venait du privé, n’avait pas d’expérience politique et n’était pas un élu, a joué au petit coq. Il a voulu faire ses preuves et prendre apparemment ses distances avec son père, parangon de la Belgique unitaire. La chute du gouvernement a envoyé les Belges aux urnes et fait émerger un défi d’une ampleur bien plus grande que la scission de BHV : la nouvelle réforme de l’Etat, qui modifie profondément le paysage institutionnel belge, et la loi de financement. «
Ces derniers mois, Alexander De Croo a martelé qu’il ne regrettait rien. Selon lui, la chute du gouvernement n’a pas été une catastrophe pour la Belgique. Pourtant, aux pires moments de la crise, quand la Belgique était réputée ingouvernable, les divergences entre Flamands et francophones ont fait resurgir l’hypothèse d’une scission du royaume. Sur le front économique, les nuages noirs sont devenus plus menaçants que jamais le 25 novembre dernier, quand l’agence de notation Standard & Poor’s a dégradé le rating de la Belgique. Dans le même temps, les taux d’intérêt payés par l’Etat belge sur les marchés financiers s’envolaient.
L’épure budgétaire proposée par le formateur Elio Di Rupo était alors battue en brèche par les libéraux. Selon De Croo, la proposition du formateur faisait la part trop belle à de nouvelles recettes et à de nouvelles taxes. Mais les six partis engagés dans les négociations étaient désormais condamnés à trouver un accord. » Le commissaire européen Olli Rehn a menacé la Belgique d’une amende si elle ne remettait pas avant le mi-décembre un projet de budget conforme aux recommandations européennes, rappelle Delpérée. Si De Croo n’avait pas fait tomber le gouvernement Leterme, les réformes structurelles économiques, fiscales et sociales adoptées aujourd’hui à la hussarde auraient été conçues dans une atmosphère plus sereine, avec plus de concertation. «
O.R.
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