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«A 5 ans, je croyais que tout le monde jouait la comédie»

Le Vif

Comment se fabrique un engagement? Un livre peut-il changer une vision du monde? Une rencontre peut-elle faire bifurquer un chemin politique? Une chanson peut-elle donner du sens à un combat? Chaque mois, entre parcours intime et questions de doctrine, le podcast «Le sens de sa vue» dissèque ce qui a construit l’idéal politique d’un invité.

Son parti est «un miracle permanent, même pour la science politique», mais François De Smet, entré en politique active en 2019, se défend de trop rêver aux belles années du FDF.

A 45 ans, celui qui se définit comme «un peu philosophe mondain» préside une formation, DéFI, qui se dit «libérale sociale» et qui, indépendante du MR depuis 2011, peine à élargir son audience à ses soutiens bruxellois traditionnels. Passé, notamment, par le cabinet d’Hervé Hasquin (MR) lorsque celui-ci présidait le gouvernement de la Communauté française, François De Smet a aussi dirigé Myria, le centre fédéral censé conseiller le gouvernement sur les questions migratoires, où il s’est assez durement confronté aux nationalistes flamands en général et à Theo Francken en particulier. Il n’est pourtant, avoue-t-il, pas le plus francophonissime de ses camarades, dans un parti qui, traditionnellement, célèbre la grandeur de la culture hexagonale. Les choix qui ont orienté «le sens de sa vue» ne sont pas tous francophones. «On peut vouloir défendre les francophones mais avoir de l’appétence, et même de l’amour, pour d’autres langues. La question de la langue, elle arrive après», affirme-t-il.

Jim Carrey
Jim Carrey © isopix

SAVOIR Hannah Arendt

Eichmann à Jérusalem, Folio Histoire, 1991 (réédition).

«Je l’aimais avant qu’elle redevienne à la mode», s’aventure François De Smet, avec cette pointe de snobisme ironique qui peut le saisir. «Elle a donné la grammaire de l’événement, avec un vrai courage physique: se confronter à l’événement, à ce qu’elle-même pensait être une espèce de génie du mal, apporter quelque chose sur la compréhension du mal», développe-t-il au sujet de ce long reportage, très contesté à l’époque, sur le procès, en Israël, d’Adolf Eichmann, le logisticien de la Shoah. Hannah Arendt est une philosophe libérale, plutôt de gauche. C’est ainsi que put s’éveiller une conscience politique, libérale sociale, donc. «Chez Hannah Arendt, vous trouvez cette idée qu’il n’y a pas de fatalité chez l’être humain, qu’il faut croire en lui, mais que les conditions d’existence et sociales déterminent aussi beaucoup de choses. C’est très libéral, mais pas néolibéral. Et assez anticonformiste. En tant que libéral social, ça aide…»

Valérie Glatigny
Valérie Glatigny © belga image

SCÈNE The Truman Show

Par Peter Weir, 1998.

Aurait-il quelque chose de Jim Carrey? François De Smet a découvert, à la fin des années 1990, The Truman Show avec comme une impression de déjà-vu. «Quand j’avais environ 5 ou 6 ans – il faut imaginer l’ego qu’il faut avoir, heureusement j’en suis revenu – je croyais réellement que les gens autour de moi étaient tous des acteurs, et que si je me jetais derrière une porte, en l’ouvrant brusquement, j’allais voir des coulisses…» Comme le héros, qui découvre, adulte, être le héros d’une émission de téléréalité, est-il entré en politique pour savoir ce qui se tramait dans l’envers du décor? «Il y a de ça: dans mes jobs précédents, je n’étais pas dans le nœud du pouvoir des choses. Oserais-je dire qu’un président a un peu de Truman en lui, qui mène une quête?» Mais Truman a aussi un entourage en qui il a confiance… à tort. Comme, parfois, un président peut s’en apercevoir en ouvrant brusquement une porte?

SOI Promo jeunes AMO

Place de Brouckère, à 1000 Bruxelles.

C’est un de ses amis, le charismatique ancien basketteur Chico Kebsi, qui lui a proposé, en 2010, de diriger cette institution d’accueil en milieu ouvert coincée sous l’une des plus célèbres places bruxelloises. «Chico a squatté des locaux dans le métro de Brouckère pour y accueillir les jeunes, puis il a régularisé la situation», évoque François De Smet, qui, pendant cinq ans, y a été confronté à des réalités bruxelloises. De quoi rendre le libéral encore plus social? «C’est du secteur privé subventionné à quasi 100%. Chez DéFI, nous aimons le travail, l’idée que les gens qui veulent travailler puissent le faire, qu’il faudrait plus d’esprit d’entreprise. Or, si dans le même temps, des gens crèvent de faim dans la rue, c’est que le système ne fonctionne pas. Et donc, qu’il doit être régulé.»

François De Smet
François De Smet © belga image

SON Mistral gagnant

Par Renaud, distribué par Virgin, 1985.

Mistral gagnant, c’est aussi le moment de sa carrière où Renaud devient franchement moins rebelle. Non que François De Smet lui reproche sa première période. «De la même manière que j’aurai toujours plus de tolérance pour l’extrême gauche que pour l’extrême droite, j’aurai toujours de la tendresse pour les idées de gauche qu’on exprime dans sa jeunesse», note-t-il. Et après ça, il y a Mistral gagnant. «C’est une chanson nostalgique.» Comme les membres de son parti? «Pour un parti qu’on a enterré mille fois, on n’ est pas mort… On est une espèce de mistral gagnant», rigole-t-il.

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Suite Valérie Glatigny

Ministre de l’Enseignement supérieur (MR)

La ministre francophone de l’Enseignement supérieur offre quelques similitudes avec celui qui assure être revenu de son ego de petit Truman. C’est pourquoi il aimerait l’entendre dans «Le sens de sa vue». «On est philosophes, elle a l’air un peu étrangère au milieu tout en y étant, comme moi. Elle a gardé de sa formation et de son tempérament philosophique une forme de pondération», fait-il remarquer. Au point de réclamer l’installation d’un gouvernement des philosophes? «Quelque chose qu’il est en notre pouvoir de davantage valoriser, en tout cas, c’est le rapport à la raison, et donc à la science. Dans l’opposition, pendant la pandémie, ou sur le climat, se raccrocher à des pratiques et des méthodes scientifiques, à tout le moins sur des questions comme la santé ou le climat, ça serait déjà pas mal. On aurait déjà circonscrit le rationnel, et le doute, dans des espaces traitables.»

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