Sea The Plastic: la folle histoire de ce couple ayant traversé l’Atlantique en quête de microplastiques
En juillet 2020, Aline Flamant et Damien Denoël, à travers leur projet Sea The Plastic, entreprennent le projet d’une vie : celui de parcourir l’Atlantique en voilier avec l’objectif de récolter des microplastiques. Deux ans et demi et une soixantaine d’échantillons plus tard, les voici de retour au plat pays.
Tout part de coups de cœur. Celui d’Aline pour Damien, de Damien pour Aline, et du couple pour la voile. Alors régulièrement skippeur pour l’ULYC (University of Louvain Yacht Club), Damien anime un énième stage de voile auquel Aline participe en 2016. De cette rencontre est né le rêve d’un jour acquérir un vieux voilier et de prendre la mer. Mais pas sans sens. « En 2018, je suis partie faire du bénévolat en tant qu’architecte au Kenya. J’ai beaucoup pensé à notre projet de voile et j’ai trouvé qu’il manquait un objectif pour l’alimenter, raconte Aline Flamant. On ne pouvait pas simplement voguer sur l’Atlantique, comme des « chanceux ». En réfléchissant, on s’est rendu compte de l’importance de la problématique de la pollution plastique dans les océans. En parler à travers un voyage nous semblait opportun. »
C’est ainsi qu’Aline et Damien se sont tournés vers OceanEye, une association suisse qui, en plus de sensibiliser aux menaces du plastique dans les océans, contribue à la recherche scientifique en la supportant et collectant des données. Un objectif auquel participent les voiliers bénévoles, dont fait partie le couple bruxellois avec leur projet, Sea The Plastic. « L’océan est le plus grand désert du monde. On ne connait pas la quantité exacte de microplastiques présents dans l’eau. Donc, avant toute chose, il faut une recherche scientifique, des données concrètes sur l’état des lieux des océans. Ce n’est pas juste un message que l’on prêche », précise Damien.
Parallèlement, les jeunes trentenaires achètent Sanzaru, leur voilier. Ils le réparent et l’optimisent des heures, jours et mois durant. Ils rassemblent le budget et… recherchent des sponsors pour les éléments techniques, comme le matériel et les réparations (le voyage-même étant auto-financé). Ce fut le cas pour le filet nécessaire à la prise des échantillons de microplastiques. « On a aussi équipé le bateau de panneaux solaires et d’un hydro-générateur (sorte d’éolienne sous-marine qui permet de générer de l’électricité) afin d’être entièrement autonomes en électricité et d’éviter de faire tourner le moteur pour recharger les batteries », ajoute Aline. Crowdfunding, réductions sur le matériel, réseau à travers le monde grâce au Rotary Club, le couple saisit tous les moyens pour s’assurer un départ serein.
Départ pour le Grand Bleu
C’est en juillet 2020 qu’Aline et Damien prennent le large, direction le Grand Bleu. Les étapes se passent par grandes navigations : « On a préféré naviguer pendant douze, vingt-quatre ou quarante-huit heures directement plutôt que d’avancer un petit peu chaque jour. » Première étape : les îles Canaries. « Partir de Belgique, passer par les îles Canaries, traverser l’Atlantique vers les Antilles et revenir par les Açores est une boucle classique quand on entreprend un voyage d’un an comme le nôtre », présente Aline. Mais le couple ne s’y est pas limité : « On s’est dit que ce serait incroyable d’atteindre le Canada, et particulièrement le fleuve Saint Laurent qui est un endroit très peu cartographié en matière de microplastiques. » Un projet longtemps resté hypothétique étant donné la situation sanitaire qui exigeait un permis de travail pour rentrer au Canada.
Après une pause d’un an passée à Montréal, à récolter de l’argent et à sortir le bateau de l’eau pour l’hiver, l’heure du retour approche. Nous sommes en juin 2022. Au lieu de passer par les Açores comme initialement prévu, Aline et Damien se laissent tenter par l’expérience du grand froid : traverser les eaux du Groenland, de l’Islande et des îles Féroé, où les données sur les microplastiques sont aussi très rares. Un véritable challenge puisque la navigation se fait au milieu des glaces.
Sea The Plastic, un travail d’organisation
Naviguer au rythme d’Aline et Damien n’est pas de tout repos et a son lot de difficultés. « Faire de longues navigations, c’est vingt-quatre sur vingt-quatre, on ne peut pas appuyer sur pause. Il doit tout le temps y avoir quelqu’un qui gère le bateau. Pendant ce temps l’autre se repose. A côté de cela, il faut encore simplement cuisiner et, quand c’est possible, récolter des échantillons de microplastiques. Cela nous a demandé beaucoup d’organisation », indique Damien. A cela s’ajoute une dépendance à la météo, parfois capricieuse, et une solitude non négligeable inhérente à la navigation.
Pour une récolte optimale, plusieurs critères doivent être rencontrés : minimum 20 nœuds de vent (unité de mesure du vent dans le domaine maritime, 20 nœuds équivalent à une bonne brise, ndlr) mais pas trop de vagues, ni trop d’algues. « Pour récolter les microplastiques, nous avions une structure métallique composée de deux bouées et d’un filet de quatre mètres de long. Celui-ci se termine par un embout que l’on peut déclipser, c’est la chaussette. Elle doit être remplie au maximum à moitié« , explique Aline. Ainsi, le contenu de la chaussette n’est pas uniquement composé de microplastiques. « Il y a aussi des algues, des feuilles : tout ce qui flotte à la surface de l’eau. Parfois, nous avions même des méduses ou des poissons », ajoute Damien. « On s’est rendu compte à quel point, l’humain même à des centaines de kilomètres, empiète sur la nature. »
Des échantillons pour des études
Une fois récoltés, les échantillons partent pour OceanEye qui les analyse. « OceanEye transmet les données analysées aux Nations Unies, qui ont d’énormes bases de données sur de nombreux sujets environnementaux. Les Nations Unies vont les étudier et éventuellement conseiller les Etats membres pour des lois en la matière« , éclairent-ils. Pour leur voyage du Canada à la Belgique en passant par le grand Nord, Aline et Damien ont envoyé une trentaine d’échantillons à l’association suisse.
Le projet Sea the Plastic n’a toutefois pas la prétention de nettoyer les océans. « Sur la quantité totale de plastique, un tiers flotte et deux tiers coulent. Quand bien même on prétendrait nettoyer les océans, on ne retirerait au mieux qu’un tiers du plastique« , insiste Damien.
Le partage du retour
De retour en Belgique en octobre 2022, Aline et Damien n’entendent pas limiter Sea the Plastic à l’océan uniquement. Ils animent des conférences sur la question du plastique en racontant leur aventure et présentent leurs films, véritables journaux de bord de leur expédition. S’en est suivi le mariage des deux trentenaires, résultat d’une complicité renforcée par le (premier) voyage de leur vie. Un voyage qu’ils aspirent à refaire, un jour. Mais en attendant, Aline Flamant et Damien Denoël ont à cœur de poursuivre la sensibilisation autour du plastique et à partager, en plus de leur histoire, un message d’espoir et de volonté.
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