Restaurer les forêts
Les arbres purifient l’air et sont donc vitaux pour notre planète. De nombreuses forêts ont hélas déjà disparu. D’autres sont mal-en-point, mais il est encore possible de les sauver et les restaurer. Au Sri Lanka, Rohan Pethiyagoda restaure les forêts de nuage, tandis qu’au Brésil, Laury Cullen Jr. fait revivre la forêt atlantique.
En partenariat avec Rolex
Arbres dans la brume
Au Sri Lanka, le défenseur de l’environnement Rohan Pethiyagoda œuvre depuis plus de vingt ans à la régénération des forêts de nuage, l’écosystème unique de son pays. Les forêts de nuage sont un genre particulier de forêt tropicale. Elles se situent généralement à une altitude comprise entre 1500 et 3000 mètres et sont la plupart du temps nimbées de brume. Cette brume se forme quand l’air chaud des basses altitudes vient buter sur les pentes abruptes des montagnes et commence à s’élever. L’humidité de l’air se condense alors en fines gouttelettes. En raison de leur important taux d’humidité, les forêts de nuage possèdent une flore très spécifique. Les troncs et branches des arbres sont généralement couverts d’épaisses mousses, de fougères, de broméliacées et d’orchidées.
À la pêche avec papa
Enfant, Rohan Pethiyagoda va souvent pêcher avec son père, qui l’emmène dans les forêts de haute altitude du Sri Lanka. C’est ainsi qu’il développe une passion indéfectible pour les forêts de nuage tropicales et montagneuses, mais aussi qu’il prend conscience de la fragilité de la nature. Le sentiment d’urgence ressenti à l’époque le pousse à faire tout ce qu’il peut pour restaurer les forêts et partager sa connaissance de celles-ci avec ses compatriotes.
Suivre son cœur
Bien que la première passion de Rohan Pethiyagoda soit la biologie, et plus précisément l’identification des petits poissons qui vivent dans les ruisseaux de montagne du Sri Lanka, c’est pour une autre carrière qu’il opte d’abord. Il fait des études d’ingénieur et devient, très jeune, directeur au ministère de la Santé et président du Conseil national des ressources en eau. En 1987, il démissionne de façon soudaine pour suivre son cœur et se consacrer à tenter de mettre fin au processus de destruction des forêts tropicales et des terrains agricoles, provoqué par le développement économique.
Connaissances lacunaires
« Alors que j’approfondissais mes recherches, il devenait de plus en plus clair qu’il existait de grosses lacunes dans la connaissance de la biodiversité du Sri Lanka », se souvient Rohan Pethiyagoda. Il ressent dès lors le besoin d’étudier cette biodiversité dans le moindre détail et de partager les connaissances ainsi acquises. Le premier projet de Rohan en tant que biologiste autodidacte, un livre intitulé ‘Freshwater Fishes of Sri Lanka’ (Poissons d’eau douce du Sri Lanka), reçoit un très bon accueil et ouvre la voie aux prochaines étapes dans sa croisade pour protéger le patrimoine naturel de son pays.
Une forêt amputée de ses arbres
En 1989, Rohan Pethiyagoda fonde le Wildlife Heritage Trust of Sri Lanka, une organisation qui vise à restaurer les richesses naturelles des terres agricoles, des plantations de thé et de caoutchouc, et des forêts dégradées. Son sentiment d’urgence s’avère fondé : le Sri Lanka, autrefois joyau parmi les forêts tropicales, a alors déjà perdu près de la moitié de sa couverture arboricole en moins de trente ans, entraînant dans la foulée la disparition d’innombrables plantes, oiseaux, grenouilles, mammifères, insectes et autres animaux sauvages.
De l’ombre bienfaisante
Le Wildlife Heritage Trust of Sri Lanka acquiert des dizaines de terrains agricoles et plantations de thé laissés en friche, à proximité du Parc national de Horton Plains. Aujourd’hui mondialement connu, ce parc fut le terrain d’exploration de Rohan Pethiyagoda tout au long de son enfance. C’est à cet endroit, où convergent les eaux des trois rivières de la forêt de nuage, qu’il s’attelle à la tâche difficile de faire revivre un écosystème tropical unique caractérisé par une couverture brumeuse persistante. Le défenseur de l’environnement comprend vite que simplement planter des arbres ne suffira pas : c’est beaucoup trop lent, ne permet pas de lutter contre les incendies, la sécheresse ou les mauvaises herbes, et ne rétablit pas la diversité naturelle de la forêt originelle. Il développe donc un système naturel de régénération, plantant des arbres d’ombrage qui empêchent la prolifération des mauvaises herbes et favorisent par leur ombre l’épanouissement d’autres arbres. Ainsi, la forêt originelle peut regagner du terrain à son propre rythme.
Vivier d’animaux rares
L’Agrapatana Montane Forest Restoration Initiative, qui s’étend sur 25 hectares, a valu en 2000 à Rohan Pethiyagoda un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise. Outre la restauration de la forêt, le biologiste utilise le terrain comme lieu de reproduction pour des espèces rares de lézards, souris et grenouilles. À mesure de la reconstitution de la forêt, des centaines d’animaux réapparaissent après une longue absence, ce qui conduit à la découverte de plus de deux cents nouvelles espèces.
Livres et visites
Faire découvrir à ses compatriotes sri-lankais les merveilles naturelles de leur île est au cœur de la mission de Rohan Pethiyagoda. Il a ainsi fondé une maison d’édition spécialisée dans les ouvrages consacrés à la nature et a fait don de livres à plus de cinq mille écoles. À mesure que cette sensibilisation s’est étendue, un nombre croissant de visiteurs du monde entier sont venus au Sri Lanka pour admirer les merveilles des forêts de nuage : le nombre de visiteurs à Horton Plains est passé de 1000 personnes par an à 2,7 millions en 2018. « Le public souhaite profiter de plus en plus de la nature », observe Rohan. Les étudiants qu’il encourageait autrefois à venir travailler dans sa réserve sont entre-temps devenus eux-mêmes des professeurs qui, à leur tour, incitent leurs propres étudiants à venir donner un coup de main.
Célébrité du prix Rolex
Grâce au Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, le projet personnel de Rohan Pethiyagoda visant à restaurer la nature sauvage du Sri Lanka a connu un coup d’accélérateur subit. Le soutien de Rolex lui a donné de la visibilité et lui a fourni une plateforme pour attirer l’attention au niveau national et international. Cela a également joué un rôle dans ses diverses nominations : Vice-président de la Commission de la survie des espèces de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), conseiller à la conservation au gouvernement sri-lankais, membre de l’Académie nationale des sciences du Sri Lanka, et Président du Sri Lanka Tea Board. Il a également été nommé consultant pour de nombreux projets de conservation dans le monde.
L’appel de la forêt
« J’ai fini par penser », dit Rohan Pethiyagoda, « que je perdais de vue le sens de ma mission, qui est de sensibiliser les gens auxquels je tiens. Alors un jour, je me suis assis à mon bureau et j’ai écrit toute une série de lettres de démission et je me suis dit que j’allais me concentrer uniquement sur mon travail au Sri Lanka. »
Ainsi, pour la deuxième fois, Rohan Pethiyagoda écoute l’appel silencieux de la forêt de nuage. Depuis ce jour de 2007, il redouble d’efforts pour restaurer la nature, faire découvrir à ses compatriotes les merveilles de leur pays natal, et souligner l’urgence de préserver ces merveilles. La clé de son succès réside dans le modèle commercial de son programme, qui permet de garantir une source de revenus plus fiable que celle offerte par la plupart des organisations non gouvernementales.
Un changement accéléré
Grâce à ses progrès encourageants, Rohan Pethiyagoda est aujourd’hui un exemple emblématique de la philosophie Perpetual Planet de Rolex, prouvant que l’entrepreneuriat individuel peut faire une grande différence dans le sauvetage de notre planète.
Toujours passionné par les poissons, Rohan Pethiyagoda travaille la moitié de l’année comme taxonomiste des poissons dans un musée australien à Sydney. L’autre moitié de l’année, il la passe au Sri Lanka. D’autres biologistes ont déjà donné son nom à une douzaine de nouvelles espèces.
À propos de son succès, il déclare : « De tout ce que j’ai réalisé, l’une des actions qui me fait le plus plaisir a été de rendre effective la transformation vers une plus grande prise de conscience environnementale Ou du moins de la rendre effective plus rapidement ».
L’appel de la forêt tropicale – Prix Rolex
Renaissance de la forêt atlantique
En collaboration avec des familles d’agriculteurs, Laury Cullen Jr. restaure la forêt atlantique du Brésil tout en contribuant à l’économie locale et en luttant contre le changement climatique.
Corridors d’un nouvel espoir
La forêt atlantique est un biome, c’est-à-dire un ensemble d’écosystèmes, que l’on retrouve sur la bande côtière atlantique du Brésil et dans certaines parties de l’Argentine et du Paraguay. Cette région présente une incroyable diversité et se caractérise par des arbres de plus de 30 mètres de haut, accueillant de nombreux épiphytes (organismes qui se développent sur des plantes vivantes sans en prendre les nutriments, contrairement aux parasites), notamment des broméliacées et des orchidées.
Des corridors d’un nouvel espoir veinent délicatement de vert le paysage agricole ouvert de Pontal di Paranapanema, dans l’État de São Paulo au Brésil. Ces passages forestiers étroits sont empruntés par des ocelots (prédateurs ressemblant à des chats), des pumas ou encore des tapirs, et forment les maillons d’une chaîne de reforestation, porteuse d’espoir pour les espèces menacées, pour la forêt tropicale et pour les agriculteurs pauvres de la région ainsi que leurs familles.
Déforestation dévastatrice
Quand Laury Cullen Jr. s’installe à Pontal dans les années 1990 pour y étudier les tamarins (une espèce menacée de singe des forêts tropicales d’Amérique latine), plus de 80% de la Mata Atlântica, la forêt atlantique brésilienne autrefois très étendue, ont déjà disparu. La déforestation (pour le bois et pour créer des zones agricoles) a fait payer le prix fort à la flore et la faune locales, dont de nombreuses espèces ne se trouvent nulle part ailleurs sur la planète.
« Lorsque nous sommes arrivés dans la région de Pontal et que nous en avons eu une vue satellite, nous avons réalisé que la plus grande partie des espèces ayant survécu n’avait aucune chance sur le long terme », se souvient l’ingénieur forestier. « Ce paysage est très fragmenté et la forêt atlantique est très isolée des parcs encore existants. »
Mélange de deux écosystèmes
Trois décennies plus tard, force est de constater que les événements y ont pris une tournure plus favorable et pleine d’espoir. Des corridors et des îlots forestiers voient le jour, soigneusement entretenus par des familles d’agriculteurs. Grâce aux revenus mixtes issus de cette activité forestière, de la vie sauvage environnante, du bétail et des récoltes (café, céréales, manioc), ces populations ont désormais un meilleur moyen de subsistance que l’agriculture seule.
« Le Pontal est un endroit très particulier », affirme Laury Cullen Jr. Sa forêt semi-caduque relie la savane sèche du Cerrado, dans le centre-ouest du Brésil, à la forêt tropicale de la Mata Atlântica occidentale. Le mélange de ces deux écosystèmes, le Cerrado et la forêt atlantique, en fait un joyau de biodiversité. « Le loup à crinière, par exemple, est une espèce endémique du Cerrado, tandis que le tamarin-lion à croupe dorée ne vit que dans la forêt tropicale. Beaucoup d’espèces, comme des jaguars, des pumas, des ocelots, des oiseaux, des chauve-souris et des amphibiens, cohabitent dans cette zone. »
Une ‘dream map’ reliant les territoires
Aujourd’hui, des espèces animales et végétales menacées partagent l’environnement avec une population humaine assez importante, qui s’y est réinstallée dans le cadre d’un programme de réimplantation. Pour inspirer les agriculteurs, Laury Cullen Jr. a inventé une ‘Dream Map’ (une carte idéale), un projet scientifique visant à restaurer 60.000 hectares de forêt et à préserver les animaux qui y vivent. Comment ? En reliant les fragments isolés de la forêt originelle, permettant ainsi aux animaux de se déplacer d’une partie à l’autre.
« La ‘Dream Map’ vise à sauver ou à valoriser l’histoire du paysage, mais aussi à se rappeler que six mille familles se sont installées ici », explique Laury. « Nous devons combiner tous ces éléments dans la même équation de conservation et en préserver l’équilibre. »
Des femmes à la tête des pépinières
Le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise décerné en 2004 à Laury Cullen Jr. lui a permis d’impliquer dans le projet des communautés locales dépourvues de terres et de les faire participer à la mise en place de la première des douze pépinières, dont la plupart sont gérées par des femmes. Les graines de plus d’une centaine d’essences forestières indigènes y sont cultivées.
« Chaque arbre que nous plantons est produit par la population locale et dans les pépinières communautaires », explique Laury. « Ce sont les communautés locales qui plantent et s’occupent des arbres, cela constitue une réelle opportunité d’emplois et permet de garantir une sécurité alimentaire. »
Pour réduire la pression sur les terres agricoles, le programme cherche également des moyens innovants d’augmenter les revenus des agriculteurs afin de leur éviter d’avoir besoin d’acquérir davantage de terres agricoles.
C’est l’homme qui détient la clé
Selon Laury Cullen Jr., c’est l’homme qui détient la clé de la survie ou non des vestiges de la forêt atlantique. Il souligne que sans l’engagement des populations locales, son programme n’aurait même pas vu le jour. « Ils ont le regard vif et leur qualité de vie s’améliore. Cela s’explique notamment grâce à leur sécurité alimentaire. Il règne dans cette région un profond sentiment de gratitude et de fierté parce qu’ils ont réussi à atteindre ce succès eux-mêmes. Seule une approche communautaire aurait pu réussir. »
C’est en cela que la vision de Laury Cullen Jr. diffère des concepts traditionnels de parcs nationaux et de réserves naturelles, qui excluent l’agriculture. Ici, l’agriculture est partie prenante de la restauration.
« Je pense que c’est une question de fierté et de confiance », explique Laury. « La confiance scelle la relation entre nous et les populations locales. Quand il y a de la confiance, la communication est simple, rapide, et cela facilite la vie. »
Un modèle pour le monde entier
Depuis sa création, la ‘Dream Map’ de Laury Cullen Jr. a permis de restaurer 2000 hectares de forêt et de planter quatre millions d’arbres. Le programme a généré 2 millions de dollars pour l’économie locale. Contrairement à d’autres régions où l’on continue d’abattre des arbres, la ‘Dream Map’ contribue à la lutte contre le changement climatique en absorbant 800.000 tonnes de carbone par an.
La ‘Dream Map’ incarne bon nombre des idéaux de l’initiative Perpetual Planet de Rolex. Elle s’aventure dans de nouveaux domaines de la restauration du paysage, préservant le passé tout en construisant un avenir pour les communautés locales qui sont activement impliquées. La ‘Dream Map’ découvre de nouvelles façons de perpétuer notre planète.
Après un quart de siècle d’expérience sur le terrain, Laury Cullen Jr. est convaincu que ce modèle peut être déployé dans le monde entier pour contribuer à reverdir la planète.
Vidéo des Prix Rolex – Une forêt disparue renaît
Rolex soutient des personnes et organisations qui recherchent et développent des solutions aux problèmes de la planète et qui ainsi contribuent à rendre le monde meilleur et à préserver la planète pour les prochaines générations. Dans cette série Le Vif met leurs efforts en lumière. Le Vif a réalisé ces articles en toute indépendance rédactionnelle.
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