La coopérative Hellow : la sobriété de l’habitat pour faire face à l’urgence climatique
« Hellow », comme pour souhaiter la bienvenue dans un monde où l’habitat est plus sobre, plus « low ». « Hellow », c’est le projet porté par Philippe Hébert, Marc Reydams et Florent Sany qui se sont donnés pour mission d’ouvrir la société à un habitat plus conscient… écologiquement, philosophiquement et même, financièrement.
« Avec le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’augmentation des inégalités sociales, une recherche de solution se manifeste au quotidien. Avec Hellow, notre contribution à cette solution, c’est la démarche de sobriété. » Le ton est donné.
Philippe Hébert, co-fondateur et administrateur délégué de la coopérative Hellow, et ses associés-co-fondateurs Marc Reydams et Florent Sany, invitent le citoyen à réduire sa consommation, repenser ses besoins, et à se contenter de l’essentiel. Et cela, via l’habitat.
Tout part d’une rencontre entre Philippe Hébert et Marc Reydams, tous les deux ingénieurs civils, à une formation bois, fin 2018. Très vite, ils réalisent qu’ils partagent le même intérêt pour l’habitat léger et qu’ils veulent le travailler. L’habitat léger (par opposition à l’habitat « lourd ») se définit par un manque de fondations, de béton et de lien au terrain. En résumé, il n’y a pas d’empreinte indélébile. Il peut prendre la forme d’une yourte, d’un chalet ou même d’une tiny house.
Florent Sany, un ami de Marc, rejoint la dynamique ambiante. « J’ai été inspiré par mes grands-parents et mes parents qui sont presque autonomes dans leur alimentation. Puis, en me renseignant, je me suis rendu compte qu’il était possible d’être aussi autonome dans son habitat, de le rationaliser et d’ainsi, moins consommer », raconte le menuisier. La machine est lancée.
Dans leur atelier partagé, tous les collaborateurs s’affairent pour terminer les deux tiny houses prochainement livrées. Ils en sont à leur quatrième petite maison. En les concevant, ils ne se sont pas limités à la « forme » de l’habitation (qui doit, maximum, mesurer quatre mètres de haut, douze mètres de long et peser trois tonnes et demie). Ils ont également, et le plus possible, pensé leurs constructions afin de proposer des « éco-constructions bio-climatiques et low-tech » de petite taille, toujours dans cette idée de sobriété. Résultat : une habitation comme une tiny house proposée par Hellow émet, tout au long de son cycle de vie, jusqu’à 90% voire 95% de CO2 en moins qu’une maison “classique” de cent-vingt mètres carrés.
Eco-construction bio-climatiques…
« La sélection des matériaux est essentielle car elle détermine la qualité de la maison mais aussi l’impact environnemental de sa construction », explique Philippe Hébert. Pour cela, l’équipe analyse le cycle de vie du produit et choisit le matériau qui minimise cet impact. Au mieux, il sera neuf, bio-sourcé et éventuellement local, c’est souvent le cas du bois dont est faite toute la construction. Celui-ci vient principalement de Belgique, de France et parfois de Scandinavie. Mais le risque de déforestation est bien là. La coopérative mise donc sur le renouvelable. « Nous avons des quantités à respecter. Ce que nous prélevons dans l’environnement doit pouvoir repousser », précise le co-fondateur. Au pire, le matériau ne sera rien de tout ça (ce serait le cas d’un four). Entre les deux, il y a le réemploi, de châssis par exemple.
Ces ressources prennent alors place et forme dans une maison pensée pour être la plus autonome possible, selon les saisons et la contribution du soleil notamment. Rien n’est donc laissé au hasard, et tout cela grâce à la collaboration de multiples profils. Là est toute l’essence de la coopérative puisque les trois fondateurs travaillent également avec des architectes, des menuisiers indépendants et, à l’occasion, des sous-traitants.
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… Et low-tech
Dans cette réflexion d’habitat sobre et conscient, Philippe Hébert, Marc Reydams et Florent Sany ont imaginé y intégrer de la low-tech. A la fois démarche et produit, la low-tech (littéralement basse technologie) se veut recentrée sur l’essentiel, optimale, durable (fiable et peu énergivore), accessible (facilement réparable et simple d’utilisation) et transmissible au sein de la société. « Nous avons, entre autres, fabriqué un garde-manger ouvert qui permet de stocker les aliments selon l’environnement dont ils ont besoin. Cela nous permet d’être plus conscients de ce que l’on a et d’ainsi, moins gaspiller », illustre Philippe Hébert.
Low-tech ne veut pas dire la fin de la technologie pour autant. Chez Hellow, les tiny houses sont bien pourvues d’interrupteurs et de prises. « Aujourd’hui, il est difficile de se passer d’électricité mais on pourrait par exemple imaginer une installation de contrôle à distance, explique-t-il. La démarche low-tech peut être qualifiée de questionnement technologique. Quel est notre besoin et quelle est la façon la plus low-tech possible d’y parvenir ? »
Revoir sa façon d’habiter
Loin d’imposer un modèle de vie, la coopérative a surtout pour ambition d’inspirer. A commencer par la façon de considérer son habitation : non pas comme un produit de consommation qui détermine, notamment, le salaire mais comme un choix conscient, posé après évaluation des besoins réels (souvent revus à la baisse, surtout lorsque l’on est amené à vivre dans quinze mètre carrés).
« Un habitat léger, plus low-tech est, selon nous, une source d’émancipation, avance Philippe Hébert. De manière générale, l’habitat définit le mode de vie donc si on change notre façon d’habiter, on voit tous les aspects du quotidien s’ouvrir à des perspectives. » Se tourner vers l’habitat léger et low-tech, c’est se tourner vers de nouvelles façons de consommer, de se déplacer et même de faire du lien social. « On s’émancipe financièrement et philosophiquement, on est plus en conscience et on se sent plus serein face à certaines éventualités. A une crise économique car on a moins de besoins, et à la crise environnementale car on résout déjà le problème environnemental à l’échelle personnelle », poursuit l’administrateur-délégué.
La lutte contre les inégalités sociales entre également dans l’équation chez Hellow. « Les écarts de vie deviennent de plus en plus importants. Les riches sont de plus en plus riches, les pauvres, de plus en plus pauvres. Le fait d’avoir une maison rationalisée permet de faire un investissement moindre. Tout le monde pourrait avoir un toit », développe Florent Sany. L’équipe mise donc sur des habitations compatibles avec un monde bas-carbone mais qui soient aussi accessibles à un prix abordable.
L’habitat léger, source de résilience et de réjouissance
La coopérative ne compte pas se limiter qu’aux tiny houses. Philippe Hébert, Marc Reydams et Florent Sany ont des idées plein la tête pour poursuivre leur travail de « constructeurs low-tech », comme la conception de yourtes. Mais ce qui, chaque jour, les motive c’est ce qu’ils peuvent apporter à la société : pour eux, le changement doit être systémique.
Alors, avec Hellow, ils font passer le message qu’en tant que société, on peut se tourner vers une maison sobre qui soit agréable pour soi et pour l’environnement. « La société fait face à des défis importants. Elle doit diminuer sa consommation d’énergie et matérielle, c’est inéluctable. Et l’habitat léger est compatible avec cette évolution, estime Philippe Hébert. Attaquer, entre autres, le problème du changement climatique par cet habitat léger est pour nous une véritable source de réjouissance. »
Un article d’Anouche Nicogossian
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