Expédition ‘Under The Pole’ au pôle Nord : une plongée dans les forêts animales marines
En partenariat avec Rolex
Avec le soutien de l’Initiative Perpetual Planet de Rolex, le programme d’exploration sous-marine ‘Under The Pole – Deeplife’ a plongé dans les eaux glacées de l’océan Arctique. Au pôle Nord, l’équipe de Ghislain Bardout a étudié des écosystèmes riches mais méconnus : les forêts animales marines, ou Marine Animal Forests (MAF).
Dans une obscurité presque totale, des organismes survivent
Sous la surface de l’océan, à des profondeurs comprises entre 30 et 200 mètres, dans la zone dite mésophotique où l’obscurité est presque totale, se cachent des forêts animales. Les algues, trop dépendantes de la lumière du jour, ne peuvent pas y survivre… mais, ancrés aux parois rocheuses, d’autres organismes prospèrent dans ce monde de pénombre : des coraux, des gorgones (coraux mous) et des parazoaires (sous-genre des animaux sans tissus différenciés). Les conditions dans ces forêts animales sont beaucoup plus stables qu’en pleine eau.
« Le pôle Nord attise ma curiosité »
« Ces forêts sous-marines sont exactement comme nos forêts terrestres », explique Ghislain Bardout, co-directeur d’Under The Pole. « Ce sont des structures tri-dimensionnelles qui abritent la vie. » Mais contrairement aux forêts terrestres, elles n’ont – pour la plupart – encore jamais été explorées.
Fondée en 2008 par Ghislain Bardout et son épouse Emmanuelle Périé-Bardout, l’organisation Under The Pole repousse les limites de l’exploration sous-marine. « D’aussi loin que je me souvienne, l’Arctique m’intéresse », explique Ghislain Bardout. « Ces vastes étendues blanches attisent ma curiosité. »
Les quatre expéditions d’Under The Pole
L’expédition ‘Under The Pole I – Deepsea by Rolex’ en 2010 a conduit son équipe de plongeurs et de scientifiques jusqu’au pôle Nord géographique, pour y effectuer des plongées sous la banquise. En 2014-2015, l’expédition ‘Under The Pole II – Discovery Greenland’ a exploré le Groenland pendant dix-huit mois. L’expédition ‘Under The Pole III – Deephope’, entre 2017 et 2020, se concentrait quant à elle sur l’environnement sous-marin jusqu’à 150 mètres de profondeur, et sur les techniques permettant d’allonger la durée des sessions de plongée. Enfin, l’expédition ‘Under The Pole IV – Deeplife’ menée de 2021 à 2023 porte sur l’exploration des forêts animales marines dans les zones mésophotiques.
Au Svalbard, les glaciers fondent de plus en plus tôt, et de plus en plus vite
Pour la première partie de l’expédition ‘Under The Pool IV – Deeplife’, Ghislain Bardout et son équipe se sont rendus dans l’archipel du Svalbard. Ce nom Svalbard provient d’un texte islandais du 12ème siècle et fait référence à une terre appelée ‘bord froid’ ou, plus librement traduit, ‘côte froide’.
Nulle part la Terre ne se réchauffe plus vite qu’au pôle Nord
Chez nous, le Svalbard est mieux connu sous le nom de Spitsberg, la plus grande île d’un groupe de quelque quatre-vingts petites îles dans l’océan Arctique, à environ 565 kilomètres au nord de la Norvège (l’archipel fait partie de la Norvège et possède un statut distinct depuis 1920). Géographiquement, elle se situe entre 74° et 81° de latitude nord et 10° et 35° de longitude est. Quelque 60% de ces îles sont recouvertes de glaciers. Ou plutôt, elles l’étaient… En effet, le changement climatique et le réchauffement de la planète accélèrent le recul des glaciers et entraînent une fonte de plus en plus précoce au printemps. Les fjords ne gèlent plus en hiver. La température moyenne annuelle augmente, et est passée de 6,7 degrés Celsius en 1899 à 1,7 degrés Celsius en 2006.
Des forêts animales marines alimentées par de puissants courants
La mission de l’expédition ‘Under The Pole IV – Deeplife’ est d’étudier des forêts animales marines afin de mettre en avant la fragilité de ces écosystèmes encore méconnus, possédant une très riche biodiversité.
L’équipe de Ghislain Bardout a commencé par analyser attentivement des cartes pour trouver les zones les plus susceptibles d’abriter une vie sous‑marine abondante. Un facteur clé était la présence de courants forts, parce que ces courants transportent des nutriments et alimentent ainsi les forêts animales marines.
Plusieurs sites de plongée près du Spitzberg ont ainsi été présélectionnés par Ghislain Bardout et son équipe. Pour y accéder, leur navire, le WHY, a dû naviguer entre des blocs de glace et de la banquise flottante, par des températures atteignant parfois 30 degrés Celsius. « Nous n’avions pas le droit à l’erreur », explique Emmanuelle Périé-Bardout.
Nulle part la terre ne se réchauffe plus vite qu’au pôle Nord
L’océan Arctique se situe au nord des continents de l’Eurasie et de l’Amérique du Nord et contient le vaste champ de glace du pôle Nord, l’Arctique (l’Antarctique étant le pôle Sud). De forme ovale, la calotte glaciaire couvre en été plus de 6 millions de km2. Au cours des années 1981-2010, en moyenne 11,64 km2 de mer étaient recouverts de glace.
L’effet de serre provoqué par les émissions de gaz inquiète désormais le monde entier, mais nulle part la Terre ne se réchauffe plus vite qu’au pôle Nord. En l’espace de quarante ans, la banquise, qui recouvre une grande partie de l’océan Arctique, a perdu la moitié de sa surface. Avec l’augmentation des températures, la quantité de glace de mer diminue, d’environ 10% en hiver et d’environ 40% en été. Si cette tendance se maintient, les estimations effectuées en 2020 laissent augurer que la glace de mer d’été aura complètement disparu vers 2035 (le fameux ‘blue ocean event’). En 2022, au vu de l’accélération de la fonte des glaces, cette estimation a même été ramenée à 2027.
Compte tenu de ces conditions qui évoluent rapidement, l’Arctique est l’une des régions les plus menacées en matière de biodiversité. Pour les organismes qui vivent sous la glace, ces changements pourraient s’avérer dramatiques. En braquant les projecteurs sur les écosystèmes de l’océan Arctique, Ghislain Bardout et son équipe espèrent attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation d’urgence de ces écosystèmes, et trouver des solutions pour les protéger.
Un froid glacial, éprouvant pour les plongeurs d’Under The Pole et leurs équipements
Pour trouver des forêts animales marines, les membres de l’équipe Under The Pole ont dû faire plusieurs plongées dans des eaux glaciales. Ce fut loin d’être une promenade de santé. « Le froid polaire fait mal, et affecte à la fois les plongeurs et le matériel », explique Ghislain Bardout. De plus, les plongeurs ont dû descendre à une plus grande profondeur que les 30 mètres usuels pour la plongée de loisir. Les membres d’Under The Pole ont eu recours à des recycleurs qui permettent de réutiliser l’air expiré. Les plongeurs disposent ainsi d’une plus grande réserve d’oxygène et peuvent rester plus longtemps sous l’eau.
Under The Pole possède une grande expérience en matière de navigation et de plongée dans les régions polaires. « C’est ici qu’il y a 15 ans, j’ai appris à naviguer dans les régions polaires », explique Emmanuelle Périé-Bardout.
Je n’arrive toujours pas à croire que nous avons découvert la première forêt animale marine au pôle Nord
Emmanuelle Périé-Bardout
Une expérience essentielle, car le pôle Nord est un endroit exigeant. « Ici, tout est difficile », déclare Emmanuelle Périé-Bardout. « La navigation est difficile et la plongée éprouvante, le travail de récupération est laborieux, et nous devons constamment anticiper le vent et la condition de la glace. »
Découverte de la première forêt animale marine au pôle Nord
Malgré toutes les difficultés, une plongée dans les eaux du pôle Nord peut devenir une expérience magique, surtout pendant la saison froide. « D’un monde blanc, gris et parfois bleu, on passe à un royaume de glace que l’œil humain n’a pas l’habitude de voir », se souvient Ghislain Bardout à propos de sa première expédition en région polaire.
De leurs premières plongées dans l’océan Arctique, les membres d’Under The Pole sont systématiquement remontés bredouilles. Un jour, enfin, ils ont pu identifier la première forêt animale marine jamais découverte en Arctique. Elle était constituée d’hydroïdes (hydrozoaires), des organismes proches des méduses et des coraux, de diverses formes pouvant être comparées à des cloches, des fleurs, des fougères…
« Nous n’arrivions pas à croire que nous avions découvert la première forêt animale arctique », raconte Emmanuelle Périé-Bardout.
La science accroît les connaissances et porte en elle l’espoir de changement
L’équipe d’Under The Pole a donc effectué une série de plongées pour dresser un inventaire des différentes espèces peuplant la forêt animale. Les plongeurs ont également recueilli de nombreuses données, telles que la température, afin de déterminer les conditions de formation de ces forêts animales marines.
Et ce n’est qu’un début. « Nous reviendrons et observerons comment les forêts auront évolué », annonce Emmanuelle Périé-Bardout. « C’est absolument indispensable pour la science. Sans points de référence, impossible de constater l’évolution de ces écosystèmes. »
Tandis que le WHY met à présent le cap sur d’autres destinations (les îles Canaries et la Guadeloupe) pour y rechercher des forêts animales marines dans des climats tempérés et tropicaux, les scientifiques s’apprêtent à publier les résultats de leurs recherches au Svalbard. Treize institutions de Belgique, du Brésil, d’Espagne, de France, d’Italie et de Norvège contribuent à ce travail scientifique. Ces résultats permettront d’élaborer des plans pour la gestion et la protection de la région.
« La science nous permet d’acquérir des connaissances importantes, porteuses d’espoir, qui donnent à l’humanité la possibilité de changer certaines choses », conclut Emmanuelle Périé-Bardout. « Faire connaître toutes ces forêts animales marines et les protéger serait ma plus grande satisfaction. »
Rolex soutient des personnes et organisations qui recherchent et développent des solutions aux problèmes de la planète et qui ainsi contribuent à rendre le monde meilleur et à préserver la planète pour les prochaines générations. Dans cette série Le Vif met leurs efforts en lumière. Le Vif a réalisé ces articles en toute indépendance rédactionnelle.
Découvrez ici l’article précédant dans cette série : Coral Gardeners au secours des récifs coralliens
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