Des idées incroyables
Les glaciers du nord de l’Inde ont reculé et au printemps, leurs eaux de fonte n’atteignent plus les champs des agriculteurs. Face à ce constat, l’ingénieur indien Sonam Wangchuk s’est demandé comment aider ces agriculteurs. Quant au géologue et spéléologue italien Francesco Sauro, ce qu’il découvre lors de ses explorations de grottes défie l’imagination. Tous deux ont reçu un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise.
En partenariat avec Rolex
Ingénieur en mécanique, Sonam Wangchuk se définit lui-même comme ‘un solutionneur de problèmes’. Il est né et vit dans le district de Leh, au Ladakh. Dans cette région du nord de l’Inde, presque aussi grande que le Portugal, les agriculteurs sont confrontés à une grave pénurie d’eau due au changement climatique. Sonam les a aidés à sortir de leur détresse grâce à une invention aussi simple qu’ingénieuse, qui lui a valu en 2016 un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise.
Le petit Tibet
Le Ladakh s’étend sur un plateau de haute altitude avec des sommets dépassant les 3000 mètres. Bordé au nord par les monts Kunlun, une des plus longues chaînes de montagnes d’Asie, il est flanqué au sud par les hautes montagnes de l’Himalaya. Également appelé ‘Petit Tibet’, le Ladakh est ce qu’on appelle un ‘désert froid’, avec des étés extrêmement chauds et des hivers extrêmement froids.
La région compte quelque 274.000 habitants, répartis sur environ 200 sites. Les Ladakhis vivant dans les zones de plus haute altitude tirent leur subsistance essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Au printemps, les paysans sont dépendants de l’eau de fonte des glaciers. Les montagnes de cette région stockent une masse de glace qui représente 69% des réserves d’eau douce de la planète. La clé de toute vie dans cette région, selon Sonam Wangchuk.
Les glaciers reculent
Même si les émissions de gaz à effet de serre sont insignifiantes au Ladakh, la température moyenne y a néanmoins augmenté de 2°C depuis 1980. Cette augmentation de température est généralement considérée comme le maximum admissible pour que la vie puisse continuer dans des conditions acceptables.
Et le changement climatique a des conséquences désastreuses pour le Ladakh : les glaciers reculent et la région connaît des précipitations irrégulières (des inondations en 2010 ont fait 255 morts), entrecoupées de périodes de longue sécheresse qui coïncident avec la saison des semailles. Les agriculteurs doivent désormais attendre l’été pour voir arriver l’eau de fonte des glaciers. Cette grave pénurie d’eau touche principalement les Ladakhis établis à plus de 3500 mètres d’altitude.
‘Ice Man’
Une pénurie d’eau qui, il y a vingt ans déjà, avait amené l’ingénieur civil à la retraite Chewang Norphel, lui aussi originaire de Leh, à se pencher sur la menace que représente l’évolution des conditions climatiques pour la population locale. Dans des lieux ombragés situés à différentes altitudes, il a fait construire des réservoirs devant agir comme de petits barrages, pour collecter et stocker en hiver l’eau des ruisseaux de montagne. L’objectif de Norphel était de constituer une sorte de glacier artificiel horizontal qui stockerait l’eau sous forme de glace jusqu’au printemps, moment où la glace fondrait. L’eau serait alors canalisée vers les champs afin d’irriguer les cultures (orge, pommes et autres).
Seulement, travailler dans les montagnes à aussi haute altitude et si loin du village s’est avéré exigeant, et une bonne quantité de l’eau s’évaporait avant de pouvoir être utilisée. ‘Ice Man’, comme on le surnomme dans la région, a alors fait appel à l’aide son collègue Sonam Wangchuk. Ce dernier en a fait un défi personnel : comment faire pour collecter l’eau en hiver dans la vallée elle-même, c’est-à-dire à beaucoup plus basse altitude que la solution imaginée par Norphel, et la garder sous forme de glace jusqu’à ce que les paysans en aient besoin au printemps ?
Pyramides de glace dans le désert
Après avoir tourné le problème dans tous les sens, Sonam a l’idée de construire son glacier artificiel sous la forme de stupas, des monuments bouddhistes largement répandus en Asie du Sud-Est. La forme pyramidale de ces stupas permet une moindre exposition au soleil. Avec une telle forme, réussirait-on à retarder la fonte des glaces de plusieurs mois ?
Sonam commence à construire son premier prototype de stupa de glace en 2014, avec l’aide d’un groupe de jeunes du SECMOL (Students’ Educational and Cultural Movement of Ladakh), une organisation qu’il a fondée en 1988 et qui a entre-temps elle-même créé une école explorant les opportunités pour les jeunes de la région. Wangchuk estime en effet que l’éducation et la défense de l’environnement vont de pair. Il veut inciter les jeunes, de l’Himalaya et d’ailleurs, à trouver des solutions écologiques pour les zones d’altitude. Et de préciser : « Ce n’est qu’en éduquant les jeunes et en les sensibilisant aux problèmes de l’environnement en montagne que nous laisserons l’avenir de la Terre entre de bonnes mains ».
Acheminement de l’eau de fonte
Le stupa de glace est la partie majeure du plan de Sonam Wangchuk, mais pas la seule. Il faut aussi construire une canalisation de 2,3 kilomètres entre le glacier et le village de Fiang, où il prévoit d’installer sa pyramide de glace. Un crowdfunding lui permet de récolter 125.000 dollars pour réaliser le projet.
Le plan de Sonam consiste à amener via la canalisation, jusqu’à l’endroit où il veut ériger le stupa de glace, l’eau qui descend des montagnes durant les mois de janvier et février. Une eau dont personne n’a besoin à ce moment-là et qui est donc inutilisée. Arrivée à cet endroit, la canalisation se termine à la verticale. Puisque le point où elle a été collectée se situe plus haut, l’eau de fonte jaillit vers le haut lorsque la canalisation est ouverte. C’est le principe des vases communicants. Cette eau sous pression est libérée pendant la nuit. Elle jaillit alors puissamment, comme dans une fontaine ou un geyser, et se fige quasi instantanément vu les températures de -20, voire -30 degrés Celsius. Les gouttelettes d’eau forment ainsi une cascade d’eau gelée, une pyramide de glace autour d’une structure de troncs d’arbres et de branchages.
« Le procédé n’utilise aucune électricité ni autre forme d’énergie », explique Sonam. « La seule force utilisée pour faire fonctionner le système est la gravité. »
Oasis d’espoir
Le projet a été une réussite. Sonam Wangchuk a construit son premier stupa de glace en 2015. Ce stupa a atteint une hauteur de près de 20 mètres et est resté gelé jusqu’en avril. Il a ensuite fondu lentement sur une période de deux mois, jusqu’à ce qu’en juin, l’eau provenant de la fonte naturelle des glaciers atteigne enfin les champs et prenne la relève. À ce moment-là, le stupa de glace avait quasiment tout à fait fondu. Le stupa de glace de Fiang a fourni un million et demi de litres d’eau pour irriguer une plantation de 5000 peupliers. Ceux-ci ont ainsi pu grandir et devenir une véritable oasis d’espoir.
Avec le soutien de Rolex, Sonam Wangchuk a relevé en 2016 un nouveau défi : la construction de 20 stupas de glace de 30 mètres de haut chacun. Une fois le nouveau système d’irrigation installé, il a ensuite mis en place un ambitieux programme de plantation d’arbres dans le désert, près de l’école.
Application en Suisse
Sonam transforme ainsi en une zone verte cette région que l’on surnomme parfois ‘le troisième pôle’ en raison de ses ressources en glace. Les stupas de glace peuvent cependant être appliqués ailleurs qu’au Ladakh, et l’invention de Wangchuk a suscité un grand intérêt dans de nombreuses régions du monde. Un premier stupa de glace a ainsi été construit dans les Alpes suisses en 2019. Et en 2020, dans l’État indien du Sikkim, l’ingénieur a appliqué la technique pour siphonner un lac glaciaire et réduire ainsi les risques d’inondations.
Sonam Wangchuk se plaît à souligner que la beauté de son concept réside dans sa simplicité. Comme le disait Léonard de Vinci, cet autre grand inventeur : la simplicité est la forme ultime de la sophistication.
Les grottes, ces archives du temps
Les grottes recèlent un royaume caché qui ouvre un nouveau monde aux scientifiques et aux explorateurs. Le spéléologue italien Francesco Sauro s’est donné comme mission de toute une vie la découverte de mystères vieux de plusieurs millions d’années dans les entrailles de la Terre. C’est également dans des grottes qu’il prépare des astronautes à la vie sur une autre planète. Francesco Sauro a reçu en 2014 le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise.
Peur du noir
Le spéléologue italien Francesco Sauro est titulaire d’un doctorat en géologie de l’université de Bologne et a décroché en 2014 un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise. Les endroits les plus profonds, les plus sombres et les plus mystérieux de la planète exercent sur lui une fascination irrésistible, et il s’est ainsi déjà aventuré dans des grottes sous la forêt amazonienne en Amérique du Sud, dans les montagnes d’Europe ou sur des îles lointaines de l’océan Atlantique.
Enfant, des expéditions avec son père dans les grottes des Monti Lessini, les petites Dolomites, dans le nord de l’Italie, le délivrent de sa peur du noir. Il s’intéresse rapidement aux Dolomites proprement dites et aux Alpes italiennes. « La curiosité était plus forte que la peur », se souvient Francesco. « J’ai compris qu’il y avait là, dans les profondeurs, tout un nouveau monde. »
C’est à l’âge de 12 ans que Francesco Sauro entend parler pour la première fois des Prix Rolex à l’esprit d’entreprise. Inspiré par son compatriote Antonio De Vivo, qui avait exploré des grottes au Mexique et avait remporté en 1993 un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, il rejoint l’association italienne d’exploration géographique (spéléologues) ‘La Venta’.
Un monde perdu
Francesco Sauro ne tarde pas à rejoindre des expéditions vers des destinations lointaines. En 2009, il se rend ainsi sur l’Orénoque, un fleuve du Venezuela qui prend sa source dans la Sierra Parima (plateau des Guyanes), près de la frontière avec le Brésil. Il y découvre les tepuis, montagnes tabulaires qui s’élèvent abruptement au-dessus des jungles de Colombie, du Venezuela et du Brésil. Ces tepuis exercent une fascination irrésistible sur Francesco, « pas seulement parce qu’ils sont si beaux, mais aussi parce qu’ils abritent un monde perdu ».
Francesco n’est pas le premier à avoir été séduit par ces merveilleuses formations géologiques. En 1912 déjà, l’écrivain britannique Arthur Conan Doyle (essentiellement connu pour son personnage de fiction Sherlock Holmes) a en effet choisi le Roraima comme cadre de son roman ‘Le Monde Perdu’. Avec ses 2810 mètres, le Roraima est la plus haute montagne tabulaire de la planète, et est partagé entre le Venezuela, le Brésil et le Guyana. ‘Le Monde Perdu’ raconte l’histoire d’une expédition dans cette région, où les explorateurs rencontrent des tribus sauvages, des hommes-singes et des ptérosaures, sortes de reptiles volants préhistoriques et les plus grands animaux volants à avoir jamais vécu sur Terre.
Îles temporelles
Les montagnes tabulaires qui dominent la forêt tropicale du sud-est du Venezuela et du nord du Brésil remontent au temps des dinosaures et constituent une sorte de capsule temporelle. « Les scientifiques considèrent ces montagnes comme des îles temporelles », explique Francesco Sauro. « Elles ont été séparées des basses terres qui les entourent il y a des millions d’années. »
Il en résulte une géologie unique aux paysages spectaculaires. Culminant avec leurs parois abruptes à des altitudes comprises entre 1000 et 2900 mètres, les montagnes tabulaires ressemblent à des forteresses de pierre. Au plus profond de ces dômes rocheux, des grottes sinueuses abritent des formes de vie extraordinaires. En raison de leur inaccessibilité, les tepuis se sont développés comme de gigantesques laboratoires de la nature, car les formes de vie ont pu y évoluer dans un isolement presque total. C’est vrai non seulement pour la faune et la flore vivant en surface et au sommet des montagnes, mais peut-être encore plus pour la faune et la flore des grottes.
En 2009, fasciné par le paysage qui s’étend devant lui, Francesco se demande donc quels secrets il va trouver sous terre. Pour le découvrir, lui et son équipe vont devoir descendre dans des espaces sombres et inexplorés et fouler des endroits où aucun homme n’a posé le pied avant eux. Des défis intimidants les attendent dans les profondeurs de la roche, car ce sont les grottes les plus reculées et probablement les plus anciennes au monde. « Pendant des centaines de millions d’années, l’eau a façonné des formes étranges en surface des tepuis, mais personne n’avait la moindre idée de ce qui s’était passé pendant ce temps au cœur même de ces montagnes. »
Montagne du diable & demeure des dieux
En 2010, Francesco Sauro s’intéresse au célèbre Auyan Tepuy, qui culmine à 2450 mètres au Venezuela et duquel jaillissent les plus hautes chutes du monde (979 mètres) : Salto Angel, du nom de leur découvreur Jimmy Angel. L’Italien commence par étudier des images satellites, cherchant des preuves de l’existence de réseaux de grottes dans la région. Avec son équipe, il délimite ainsi une zone où ils ont pu observer la présence de dépressions (cavités, gorges), de hautes falaises et de formations rocheuses abruptes. « Il était clair que sous cette montagne, il devait y avoir un vide, une zone creuse. Nous avons essayé de trouver un accès, à pied et en hélicoptère, mais cela s’est avéré extrêmement difficile. Le grand plateau tabulaire est enveloppé de nuages presque toute l’année, balayé par des vents violents et arrosé par des pluies fréquentes. »
Ce n’est qu’en 2013 que Francesco et son équipe réussissent à descendre dans la grotte. Parois de quartz rose, sous-sol rouge, cours d’eau gorgés d’acides organiques, phénomènes spéléologiques hors du commun… ce qu’ils voient défie toute imagination. Des stalagmites et stalactites ont été sculptées dans la silice par des colonies de microorganismes qui ont ainsi édifié de véritables gratte-ciels bactériens. Francesco donne au site le nom d’Imawari Yeuta, qui signifie ‘montagne du diable’ en pemón, la langue des peuples indigènes du Venezuela, du Brésil et du Guyana. De nombreuses légendes sur l’existence de grottes sous l’Auyan Tepuy circulaient en effet parmi les tribus locales, mais ces populations indigènes n’avaient jamais réussi à trouver le site, et encore moins à l’atteindre. Elles étaient néanmoins fermement convaincues que c’est là que les dieux avaient élu résidence.
Vingt kilomètres de galeries
Au cœur de la montagne, Francesco Sauro découvre plus de 20 kilomètres de galeries. Pour passer le site au peigne fin, l’équipe de l’expédition suit des protocoles spécifiques, avec l’engagement de ne pas polluer l’environnement de quelque manière que ce soit, et d’impliquer la population locale dans toutes les découvertes.
Contrairement aux fantasmes de Sir Arthur Conan Doyle dans ‘Le Monde Perdu’, Francesco ne découvre ni dinosaures ni fossiles d’animaux préhistoriques. En revanche, il identifie des formations minérales totalement inédites pour la science, comme la rossiantonite, un sulfate de phosphate. L’équipe découvre également des colonies de bactéries inconnues, capables d’extraire l’énergie des sulfates d’origine atmosphérique via des structures poreuses de silice.
L’immense site est riche en possibilités de recherches sur l’évolution de la vie sur Terre dans ses stades et formes les plus primitifs. Tous les organismes présents dans ces écosystèmes, en ce compris des araignées, des insectes et même un chat sauvage dont le squelette date de quelque 5500 ans, ont évolué en dehors de toute influence extérieure.
Grottes formées dans la roche dure
Les tepuis d’Amérique du Sud sont en grande partie constitués de quartzite, une roche composée essentiellement de quartz minéral. Insoluble et imperméable, il est insensible à l’érosion. C’est donc tout le contraire des sols calcaires et argileux dans lesquels la plupart des grottes se sont creusées, car ces sols-là ont été dissous par l’activité des eaux de fonte, de rivière et de pluie.
Mais alors, comment des grottes ont-elles bien pu se former dans cette roche dure qu’est le quartzite ? Francesco Sauro souligne que c’est avant tout une question de beaucoup de temps. « Les tepuis ont une très longue histoire géologique. La formation de ces structures rocheuses remonte à environ 1,7 milliard d’années. Beaucoup plus tard, il y a environ 150 millions d’années, la région a été soulevée par de violents mouvements des plaques tectoniques, consécutifs à la dislocation du supercontinent Pangée qui a également entraîné la formation de l’océan Atlantique. Avant cette dislocation, il n’y avait sur notre planète qu’une seule masse terrestre. »
Avec d’autres lauréats des prix Rolex
En 2014, Francesco Sauro reçoit le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise. Ces prix sont une initiative par laquelle Rolex soutient depuis 1976 des projets qui visent à protéger la planète, à améliorer la vie sur Terre, et à rechercher et préserver le patrimoine culturel et l’environnement.
Le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise a permis à Francesco de lancer encore plus d’expéditions et de rencontrer d’autres lauréats avec lesquels il peut collaborer. C’est ainsi qu’il fait la connaissance du microbiologiste saoudien Hosam Zowawi, autre lauréat 2014 du Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, qui recherche des nouvelles formes de vie permettant de lutter contre la résistance aux antibiotiques. En 2016, le duo entreprend une expédition dans les tepuis et c’est l’occasion pour le saoudien d’étudier des spécimens microbiens rares, capables de (sur)vivre dans l’obscurité grâce à des mécanismes métaboliques inconnus.
Francesco Sauro collabore également avec le français Michel André, expert en acoustique et lauréat du Prix Rolex à l’esprit d’entreprise en 2002. Ensemble, ils essayent de comprendre la signification des sons dans les grottes (où aucun son du monde extérieur ne pénètre), développant ainsi une nouvelle discipline scientifique, la spéléo-acoustique.
Deux îles, un seul habitant
La dernière expédition en date de Francesco Sauro avait pour destination les îles Selvagens, un petit archipel de l’Atlantique Nord situé entre l’île de Madère et les îles Canaries. Composé de deux îles et quelques pointes de rocher, ce petit archipel est à la pointe extrême sud du Portugal. Les îles Selvagens comptent en tout en pour tout un seul habitant : leur gardien. Malgré leur isolement, ces îles sont menacées par les activités humaines. Aujourd’hui, en tant que réserve naturelle, elles bénéficient de la protection du gouvernement portugais.
Depuis des millions d’années, les nombreux affleurements rocheux des îles Selvagens sont un lieu de nidification pour plusieurs espèces d’oiseaux de mer. L’expédition de Francesco Sauro a bénéficié du soutien de la Fondation portugaise pour la science et la technologie (FST). Le spéléologue italien et la microbiologiste Ana Zelia Miller, de l’université d’Evora, ont ainsi emmené une équipe multidisciplinaire explorer les grottes volcaniques de l’endroit. Les scientifiques y ont découvert une vie microbiologique ancienne et inconnue.
Stages pratiques pour astronautes
Des grottes volcaniques comme celles des îles Selvagens offrent un aperçu séduisant de l’avenir. En collaboration avec l’Agence spatiale européenne (ESA), Francesco Sauro utilise ce terrain inhabituel pour entraîner la prochaine génération d’astronautes à vivre dans des environnements non terrestres, comme la Lune et Mars, où les êtres humains doivent se protéger du rayonnement cosmique.
« Il va y avoir dans le futur des expéditions spatiales dont les membres passeront plusieurs mois sur des planètes comme la Lune ou Mars », explique Francesco Sauro. « Les grottes reflètent bien cet environnement, et ce de manière sûre. Elles sont comme de petites planètes. Avec l’obscurité totale qui y règne et le sentiment d’isolement que l’on y ressent, elles sont idéales pour permettre aux astronautes de se préparer aux expériences auxquelles ils peuvent s’attendre dans l’espace. »
Une trentaine d’astronautes prennent part aux programmes d’entraînement. Détail amusant, le temps nécessaire pour atteindre ces destinations lointaines et souterraines sur Terre est plus long que les six à huit heures de vol pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS). L’ESA et d’autres agences spatiales font également appel à l’expertise de Francesco en tant que spéléo-géologue pour localiser les régions de la Lune et de Mars qu’il considère comme les plus propices à la formation et à la présence de grottes. Les futurs visiteurs humains de ces planètes pourraient en effet trouver un abri à long terme dans ces grottes.
Seulement 10% des grottes explorées à ce jour
Grâce en partie au soutien de Rolex, le CV de Francesco Sauro comporte désormais 33 expéditions dans des grottes en différents endroits du monde, dont 10 dans les tepuis du Venezuela et du Brésil. L’Italien prévoit d’étendre son champ d’étude à d’autres grottes de quartzite en Amérique du Sud, notamment une expédition au cœur des tepuis de Chiribiquete dans la forêt amazonienne de Colombie. Le parc national de Chiribiquete est protégé depuis 1989 et a été ajouté en 2018 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
« À ce jour, moins de 10% des grottes du monde ont été explorées, et parmi ces 10%, seulement une centaine d’explorations ont utilisé les méthodes modernes de la biologie moléculaire », observe Francesco (qui a déployé des drones pour effectuer des enregistrements 3D lors de ses dernières expéditions). « Cela signifie que les entrailles de notre planète sont très peu connues et abritent probablement de nombreuses formes de vie uniques, que les êtres humains n’ont jamais rencontrées. »
Un point de référence pour la vie sur terre
Les grottes sont un laboratoire vivant, estime Francesco Sauro. « Elles constituent un petit monde en soi. À chaque pas que vous y faites, vous découvrez quelque chose d’inédit pour l’humanité. Les grottes témoignent de l’histoire géographique de notre planète. Entrer dans une grotte, c’est comme pénétrer dans une sorte d’archive du temps, que nous pouvons transmettre aux générations futures. Les grottes nous donnent un aperçu du passage du temps. Tout y est préservé, à l’abri de toute intervention humaine. Elles représentent un point de référence pour la vie sur Terre. On peut y explorer le passé pour comprendre comment la vie a évolué sur Terre, comment les minéraux se sont constitués, comment les paysages se sont formés, comment le climat a changé. »
Ce dernier point, en particulier, est en train de prouver son utilité pratique. Dans cet environnement unique, la combinaison de la vie, de l’eau et de la géochimie a permis de conserver un enregistrement caché du changement climatique.
Un nouveau monde dans le vieux monde
La Terre ne se résume pas à sa surface et à ce que nous pouvons y observer. Au même titre que les profondeurs des océans, les grottes ouvrent une nouvelle dimension qui nous aide à mieux comprendre le monde. Ce sont les zones les plus originelles de la planète.
Toutes ses découvertes, Francesco veut les partager avec les habitants des régions qu’il explore, s’assurant ainsi de leur aide dans ce contexte. Pour les communautés locales de la forêt amazonienne, les tepuis sont une icône culturelle et religieuse, un patrimoine que Francesco veut conserver et protéger.
Le travail de Francesco Sauro s’inscrit dès lors parfaitement dans le concept de l’initiative Rolex Perpetual Planet, entremêlant harmonieusement découvertes intrépides, vision et compréhension. Dans notre vieux monde familier se révèle un nouveau monde plein de merveilles.
Rolex soutient des personnes et organisations qui recherchent et développent des solutions aux problèmes de la planète et qui ainsi contribuent à rendre le monde meilleur et à préserver la planète pour les prochaines générations. Dans cette série Le Vif met leurs efforts en lumière. Le Vif a réalisé ces articles en toute indépendance rédactionnelle.
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