Ce que racontent les volcans
Les volcans nous confrontent depuis toujours à des questions auxquelles nous n’avons pas les réponses. Le volcanologue écossais Andrew McGonigle étudie les émissions gazeuses des volcans pour tenter de prévoir leurs éruptions. Son collègue français Yves Moussallam, lui, se penche sur une autre question: comment les volcans affectent-ils le climat ? Tous deux ont reçu le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise.
En partenariat avec Rolex
Huit cent millions de personnes vivent à portée d’éruption de l’un des 550 volcans historiquement actifs de la planète, et sont donc sous la menace d’une onde de destruction incandescente. Rien qu’au 20ème siècle, les éruptions volcaniques ont provoqué la mort de quelque 100.000 personnes. Cela fait plus d’un siècle que des scientifiques s’efforcent de prévoir les éruptions volcaniques, une mission qui les a souvent amenés à se rapprocher dangereusement des volcans. Certains y ont laissé la vie.
Des drones à la rescousse
Le volcanologue écossais Andrew McGonigle a reçu un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise en 2008. Rattaché à l’université de Sheffield, il utilise la technologie moderne pour prévoir l’activité des volcans. « Le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise m’a énormément aidé à affiner la technologie sur laquelle je travaillais, et que nous utilisons entre-temps déjà sur plusieurs volcans », explique-t-il. Le soutien de Rolex a permis au volcanologue de construire un drone qu’il fait voler au-dessus des volcans pour y collecter des échantillons d’émissions gazeuses. L’analyse chimique de ces émissions l’aide à prévoir les éruptions volcaniques à venir.
Qu’est-ce qu’un volcan ?
Un volcan est une ouverture à la surface d’une planète, par laquelle sont éjectées des roches en fusion sous forme de cendres, de lave mais aussi de fragments solides. Généralement, ces matières éjectées s’agglomèrent en formant une montagne autour de l’ouverture. C’est la raison pour laquelle les volcans étaient autrefois appelés ‘monts cracheurs de feu’. La plupart des volcans se forment en bordure des plaques tectoniques, ou plaques terrestres. Ces plaques sont des morceaux de la croûte terrestre qui bougent. La Terre compte sept plaques tectoniques principales (africaine, antarctique, australienne, eurasiatique, nord-américaine, pacifique et sud-américaine) et plusieurs autres plus petites. Elles se déplacent lentement, tout au plus de quelques centimètres par an.
La température dans les entrailles de la Terre est extrêmement élevée (environ 6000 degrés Celsius). Lorsque des plaques tectoniques se heurtent ou s’écartent l’une de l’autre, de la roche en fusion (magma) et des gaz s’accumulent dans l’espace libéré. Quand la pression devient trop forte, le magma et les gaz s’échappent avec violence vers la surface. Le volcan entre en éruption. Il y a en moyenne 50 à 60 éruptions volcaniques par an dans le monde. La plupart causent peu de dégâts et se font relativement à l’insu du grand public. En revanche, quand l’éruption est forte et qu’elle a lieu dans une zone densément peuplée, les médias relaient abondamment l’épisode.
Respiration et pouls d’un volcan
En plus des capteurs installés sur ses drones, Andrew McGonigle utilise une technologie basée sur l’appareil photo ultrasensible des smartphones, qui voit les émissions de gaz volcaniques dans un spectre ultraviolet. L’objectif du volcanologue en observant le flux de ces émissions est de détecter le signe avant-coureur d’une éruption volcanique : la présence de lave explosive, remplie de gaz, remontant le long de la ‘gorge’ ou cheminée du volcan. Une colonne éruptive contient les cendres volcaniques brûlantes expulsées par le volcan. Le dioxyde de soufre, en particulier, est annonciateur de catastrophe imminente. Les volcans ont en effet une teneur en soufre particulièrement importante. Ce soufre s’enflamme au contact d’une température d’air très élevée. Andrew McGonigle : « Nous pouvons désormais prendre le pouls d’un volcan. Nous le voyons respirer alors que les bulles de gaz remontent de la colonne magmatique et se dégagent dans l’air. Nous étudions les évolutions et variations de ces vagues de gaz. Cela n’a jamais été fait auparavant. »
Tous les volcans sont différents
Le défi d’Andrew McGonigle consiste à interpréter correctement les modèles d’émissions de gaz volcaniques. La fiabilité de ses prévisions est directement proportionnelle à la justesse de ses analyses. Mais c’est loin d’être évident. « La difficulté, c’est qu’aucun volcan n’est strictement identique à l’autre », explique-t-il. « Il existe différents types d’éruption et de composition chimique. On a par exemple le Stromboli en Sicile qui émet des bulles de gaz constantes et régulières, alors que le Vésuve est actif plus rarement mais a connu en 79 après J.-C. une explosion massive lors de l’éruption plinienne (relatée par Pline le Jeune dans ses lettres) qui a enseveli Pompéi et Herculanum sous la lave. » Conclusion ? « Nous devons donc constituer une grande base de connaissances pour chacune des cinq classes principales de volcans. »
Les cinq formes de volcans
Il existe cinq formes de volcans :
· Les volcans boucliers : ils ont une base large et des flancs en pente douce qui s’élèvent lentement, car la lave s’écoule loin à l’extérieur lors des éruptions. Les plus grands volcans de la planète sont de ce type. Le Mauna Loa à Hawaï en est l’exemple le plus connu, avec un diamètre de 120 kilomètres.
· Les cônes de cendres ou de scories : ils adoptent, comme leur nom l’indique, une forme conique percée d’un cratère en son milieu. Les matières éjectées (scories, débris et surtout petits fragments de roches) s’accumulent autour de l’ouverture du volcan.
· Les stratovolcans ou volcans à dôme : ils sont l’opposé des volcans boucliers. Leur lave ne s’écoule pas loin car elle est de composition plus acide et plus dure que celle des volcans boucliers. Ces volcans ont des flancs abrupts. Le mont Fuji au Japon est un stratovolcan célèbre.
· Les caldeiras : elles se forment dans le cône de grands volcans plus anciens. Le magma utilise souvent encore l’ancienne cheminée du cratère, jusqu’à une certaine profondeur, où plusieurs nouveaux petits volcans se forment alors via des canaux plus petits.
· Les crevasses volcaniques : elles ont peu de relief et se présentent souvent sous la forme de gorges ou de trous dans le paysage.
Le but d’Andrew McGonigle est d’étudier suffisamment de volcans dans le monde entier et dans différents contextes géologiques, de manière à pouvoir identifier les prémices d’un danger pour chaque type de volcan. En d’autres mots, il veut apprendre à distinguer les différentes familles de volcans par la façon dont ils respirent.
Une ceinture de sentinelles
C’est aux abords du Stromboli et de l’Etna, dans le sud de l’Italie, qu’Andrew McGonigle a testé pour la première fois sa technologie sur le terrain. Il a ensuite élargi le périmètre de ses tests aux volcans des Andes chiliennes, du Nicaragua, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de la ceinture de feu du Pacifique (voir plus loin).
Dans le nord du Chili, il a collaboré avec le géologue Felipe Aguilera pour automatiser sa technologie basée sur les capteurs d’un smartphone. L’ambition des deux scientifiques est de construire une ceinture de sentinelles de l’activité volcanique. Andrew McGonigle a l’espoir d’un jour pouvoir installer ses appareils photo sur tous les volcans de la planète, ce qui lui permettrait de les surveiller 24 heures sur 24 et d’activer un système d’alerte susceptible de sauver des vies, même dans des régions très reculées.
Une alerte plusieurs semaines ou mois à l’avance
La technologie développée par Andrew McGonigle avec le soutien de Rolex est abordable et robuste. Si sa méthode s’avère probante et susceptible d’être utilisée en conjonction avec d’autres mesures spécifiques et efficaces pour chaque volcan, le risque de morts dues à des éruptions volcaniques soudaines serait considérablement réduit. Les personnes vivant à proximité de volcans pourraient être alertées plusieurs semaines, voire plusieurs mois à l’avance d’une éruption à venir. « Tout ce qui peut mal se passer dans un environnement volcanique se passera mal, et il n’y a pas de magasin dans le coin où acheter des pièces de rechange », avertit-il.
Des volcans à la lune
Le volcanologue a également été approché par la NASA. L’agence spatiale américaine montre en effet un grand intérêt pour ses capteurs, particulièrement séduite par leur poids ultra léger et leur sensibilité aux rayons ultraviolets. Depuis 2018, McGonigle travaille avec des scientifiques et des ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory de la NASA pour développer un instrument ultra-compact qui pourrait être embarqué à bord d’un véhicule lunaire. Ce dispositif permettrait de rechercher la présence d’eau sur la Lune et d’étudier l’évolution du système solaire. L’instrument équipé des capteurs du volcanologue écossais est actuellement en cours de modification pour être adapté aux vols dans l’espace.
Une mission scientifique et humanitaire
Pour Andrew McGonigle, prévoir les éruptions volcaniques est une mission à la fois humanitaire et scientifique. Servant ce double objectif, cette mission illustre parfaitement l’initiative Perpetual Planet de Rolex. Le chercheur écossais associe une meilleure compréhension des volcans, qui sont l’un des moteurs les plus merveilleux de la planète, à une nouvelle technologie susceptible de sauver des vies et d’écarter une menace naturelle plus ancienne que l’humanité elle-même.
L’influence des volcans sur le climat
Le volcanologue français Yves Moussallam et son équipe s’aventurent courageusement dans l’une des régions les plus reculées et périlleuses de la planète : la ceinture de feu du Pacifique. Le scientifique tente d’y trouver une réponse à un problème urgent qui pourrait contribuer à définir l’avenir de l’humanité : comment les volcans affectent-ils le climat en général, et le réchauffement de la planète en particulier ?
La ceinture de feu
La ceinture de feu (Ring of Fire) est une zone en forme de fer à cheval qui borde l’océan Pacifique. De nombreux séismes et éruptions volcaniques s’y produisent, causés par les forces endogènes (provenant de l’intérieur de la Terre) exercées par les plaques tectoniques. En gros, la zone s’étend de la Nouvelle-Zélande à l’Amérique du Sud, en passant par l’Indonésie, les Philippines, le Japon, l’Alaska, la côte ouest du Canada, les États-Unis, le Mexique et une série de chapelets d’îles.
De l’île de Sumatra à l’île de Florès en Indonésie, la ceinture de feu présente une fosse ou arc volcanique. À cet endroit, la plaque australienne glisse sous la plaque eurasiatique à un rythme d’environ 6 centimètres par an. Sur les 452 volcans (trois quarts du total mondial) que compte cette zone, quelque 128 sont actifs, et 65 sont considérés comme dangereux.
Zones reculées
Plusieurs expéditions ont mené Yves Moussallam dans la ceinture de feu afin d’y étudier les volcans actifs et les monts sous-marins. Le Français et son équipe ont entre autres exploré la Mélanésie, qui possède l’une des dynamiques volcaniques les plus importantes au monde. La Mélanésie, la Polynésie et la Micronésie constituent les trois grands groupes d’îles de l’océan Pacifique qui, avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, forment l’Océanie. La Mélanésie se trouve au nord-est de l’Australie.
Précédemment, Yves Moussallam avait déjà mené une expédition de cinq mois dans la partie sud-américaine de la ceinture de feu, pour mesurer les gaz émis par 20 volcans de haute altitude. Cette fameuse ceinture de feu a rarement, voire jamais, été étudiée. Jusqu’à présent, les prélèvements d’échantillons de gaz volcaniques étaient effectués principalement sur les volcans facilement accessibles dans des pays développés. Or, les données satellites indiquent qu’un tiers des gaz volcaniques de la planète proviennent des volcans mélanésiens. Yves Moussallam : « Nous voulons aller où aucune mesure n’a encore été effectuée, où il y a des volcans très isolés mais dont on sait grâce aux satellites qu’ils sont de très gros émetteurs de gaz et d’aérosols. »
Vent et noix de coco pour naviguer
Yves Moussallam et son équipe ont navigué sur un vaka, un voilier traditionnel polynésien, propulsé par le vent et un biocarburant à base de noix de coco. Depuis leur embarcation, l’équipe de l’expédition a envoyé des drones aériens munis de capteurs scientifiques de pointe. Yves Moussallam a ainsi dirigé le premier laboratoire volcanique mobile et durable au monde pour étudier les volcans situés le long de la ceinture de feu occidentale. Le scientifique français souhaitait particulièrement analyser les émissions des volcans actifs de la république de Vanuatu, un archipel d’Océanie indépendant depuis 1980. Le Vanuatu était auparavant un condominium franco-britannique, connu sous le nom de Nouvelles-Hébrides.
Les volcans refroidissent le climat
Un des objectifs d’Yves Moussallam est de lever le voile sur une grande inconnue de la science : l’impact climatique des gaz et aérosols émis par les volcans. Les émissions volcaniques réduisent le taux de réchauffement global de la planète et contribuent à rafraîchir le climat en réfléchissant le rayonnement solaire et en favorisant la formation de nuages. C’est un processus qui varie dans le temps et qui n’a pas encore été vraiment quantifié. « Depuis la nuit des temps, les volcans façonnent notre planète et son atmosphère », souligne Yves Moussallam. « Recueillir des données en temps réel dans ces régions est essentiel pour comprendre leur rôle dans le changement climatique. »
Une exploration scientifique au quotidien
Au fil du Pacifique, Yves Moussallam s’appuie sur le savoir de son équipage et va à la rencontre des communautés insulaires locales afin de mieux comprendre les manifestations de l’activité volcanique. En retour, il espère apporter aux habitants de ces îles des données qui les aideront également à mieux comprendre les volcans et à mieux prévoir leurs éruptions. D’un point de vue plus général, l’équipe de l’expédition souhaite partager ses aventures et ses découvertes avec le monde entier et lui faire prendre conscience que l’exploration scientifique du monde se fait au quotidien.
Prévenir les menaces
Yves Moussallam a reçu le Prix Rolex à l’esprit d’entreprise en 2019. Avec cette initiative, Rolex soutient depuis plus de quatre décennies des personnalités hors du commun qui, avec courage et conviction, relèvent des défis importants et tentent d’œuvrer à un monde meilleur.
Avec le soutien de Rolex, Yves Moussallam projette encore d’autres expéditions le long de la ceinture de feu, animé par l’urgence de résoudre les grands problèmes de notre époque. « L’humanité a été confrontée à des défis majeurs à de nombreuses reprises au cours de son histoire. À chaque fois, nous avons réussi à les surmonter. Et nous surmonterons ceux qui continueront de se dresser sur notre chemin. Nous devrons le faire, ce n’est pas comme si nous avions le choix. »
Rolex soutient des personnes et organisations qui recherchent et développent des solutions aux problèmes de la planète et qui ainsi contribuent à rendre le monde meilleur et à préserver la planète pour les prochaines générations. Dans cette série Le Vif met leurs efforts en lumière. Le Vif a réalisé ces articles en toute indépendance rédactionnelle.
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