Une victoire de Giorgia Meloni fait craindre pour les droits civiques en Italie
De l’avortement au mariage de personnes de même sexe, les militants des droits civiques en Italie craignent un recul significatif avec la victoire attendue aux législatives de dimanche d’un parti d’extrême droite défendant des « valeurs familiales et traditionnelles ».
Giorgia Meloni, 45 ans, qui a fait campagne sous la devise « Dieu, patrie et famille », pourrait devenir la première femme cheffe de gouvernement si son parti post-fasciste Fratelli d’Italia (FdI) l’emporte conformément aux sondages.
« Oui aux familles naturelles, non au lobby LGBT! Oui à l’identité sexuelle, non à l’idéologie du genre! Oui à la culture de la vie, non à l’abîme de la mort! », a crié une Giorgia Meloni survoltée lors d’un discours en juin.
Elle a par la suite ajusté un peu le tir, affirmant qu’elle « changerait le ton, pas le contenu » de ce discours prononcé lors d’un rassemblement du parti espagnol d’extrême droite Vox.
Une série de célébrités de la mouvance de gauche, dont l’influenceuse Chiara Ferragni, ont tiré la sonnette d’alarme concernant FdI et ses alliés, la Ligue anti-immigrés de Matteo Salvini et Forza Italia, le parti conservateur de Silvio Berlusconi.
« Il ne suffit pas de demander de nouveaux droits, nous devons nous battre pour nous assurer de garder ceux que nous avons déjà », a ainsi lancé jeudi dans le quotidien La Repubblica Pierpaolo Piccioli, directeur créatif de la maison de mode Valentino.
L’Affaire Peppa Pig
La récente attaque d’un haut responsable de FdI contre le dessin animé britannique Peppa Pig, qui a introduit un couple de mères lesbiennes dans un épisode, a suscité malaise et ironie.
Alessia et Eleonora, mères d’un garçon d’un an à Rome, racontent leur désarroi: « Nous faisons les mêmes choses que tous les parents (…) mais nous ne sommes pas reconnus comme une famille en Italie », a confié à l’AFP Alessia, préférant ne pas donner son nom de famille.
Le Parti démocrate (PD, centre-gauche) assure que le mariage homosexuel et l’adoption par des personnes du même sexe sont des priorités, et son leader Enrico Letta que le plus important pour les enfants est « d’être aimé ».
Ils ont besoin « d’un père et d’une mère », a rétorqué Mme Meloni.
Le PD veut aussi donner la nationalité italienne aux enfants nés en Italie de parents migrants, une idée à laquelle la droite s’oppose.
Droit à l’avortement
Les craintes qu’un gouvernement dirigé par Mme Meloni puisse violer des principes fondamentaux de l’UE, comme cela s’est produit en Hongrie et en Pologne, sont probablement « exagérées », estime pour l’AFP Mabel Berezin, sociologue de l’université américaine Cornell.
Les risques pourraient être plus subtils, selon l’ex-commissaire européenne Emma Bonino, cheffe du parti +Europa.
L’avortement est ainsi devenu l’un des sujets les plus controversés de la campagne électorale, après les déclarations de Mme Meloni affirmant vouloir offrir un choix aux femmes hésitant à avorter: « Nous ne toucherons pas à la loi sur l’avortement, nous voulons juste que (les femmes) sachent qu’il y a d’autres options ».
Lire aussi : Le droit à l’avortement, un droit fragile
Giorgia Meloni va probablement tenir parole et ne pas criminaliser l’avortement, estime Mme Bonino, qui a fait de la prison dans les années 1970 en raison de son combat pour le légaliser.
Mais elle craint qu’elle « ne fasse pression pour que la loi (sur l’avortement) soit ignorée« , exacerbant des problèmes qui existent déjà: difficulté à se procurer des pilules abortives ou à trouver des gynécologues disposés à effectuer l’avortement. « Il y a des régions entières où (…) tous les gynécologues sont objecteurs de conscience » et refusent de pratiquer l’avortement, a rappelé Mme Bonino, citant la région des Marches (centre), dirigée par FdI.
Valoriser les femmes
Les partisans de Giorgia Meloni la voient comme un symbole de l’émancipation des femmes: une mère active, vivant en concubinage et sur le point de briser le plafond de verre politique.
Laura Boldrini, ex-présidente de la Chambre des députés, ne pense cependant pas qu’avec Mme Meloni au gouvernement « la vie des femmes va s’améliorer ».
« Mme Meloni n’a jamais parlé d’affirmer les droits des femmes, de valoriser les femmes ou de briser les préjugés dont elles sont victimes », a-t-elle déploré cette semaine.
Giorgia Meloni, « violente » par nature, « a appris à parler de manière rassurante », a analysé Michela Murgia, écrivaine et activiste politique. L’Italie ferait bien de se souvenir de la Meloni « qui semblait possédée » au rassemblement de Vox et pourrait introduire « la même violence dans son pouvoir politique ».
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