Xu Jiayin, le patron déchu d’Evergrande (portrait)
De la pauvreté rurale aux milliards de l’immobilier, Xu Jiayin a surfé sur la vague d’urbanisation accélérée de la Chine pour créer un empire. Son groupe, Evergrande, est désormais au bord de la faillite, menaçant la croissance du pays.
Il a l’exubérance des gens dont la fortune s’est faite au galop et au côté des hommes de pouvoir. De fait, Xu Jiayin, baptisé ironiquement « Belt Xu » après avoir porté une ceinture Hermès (2 500 euros à l’époque) à un congrès du Parti communiste, c’est d’abord le parcours d’un « Petit Chose » devenu magnat de l’immobilier. En 1958, à l’âge d’un an, il perd sa mère. Au Henan, sa province d’origine, la vie est très dure, voire miséreuse. C’est l’époque de la famine du Grand Bond en avant, qui emporte quelque quarante millions de Chinois. Son père, ex-militaire devenu manoeuvre, confie Xu à ses grands-parents, qui l’élèvent dans un cabanon. Son alimentation se résume à des patates douces et des pains cuits à la vapeur. D’où ce dessein, tenace: « A cette époque, mon plus grand souhait était de sortir de la campagne, de trouver un emploi et de pouvoir manger mieux », se souvient-il. En 1978, il est admis à l’Institut du fer et de l’acier de Wuhan et passe ensuite une dizaine d’années dans une aciérie d’Etat. Il finira par en prendre la tête. En 1992, le dirigeant Deng Xiaoping veut relancer les réformes économiques, après la répression de Tiananmen. Xu Jiayin tente sa chance et part pour Shenzhen, avant de fonder Evergrande, en 1996. C’est beau, mais ce n’est pas encore l’heure de gloire. La ville est en plein essor et Evergrande vend aux cadres des petits appartements à bon prix et bien situés.
Ce n’est qu’avec une reprise pleine en entiu0026#xE8;re de notre travail, de notre production, de nos ventes et de nos opu0026#xE9;rations que nous pourrons garantir les droits et intu0026#xE9;ru0026#xEA;ts des propriu0026#xE9;taires d’appartements et assurer le paiement des investisseurs
Sur la relance d’Evergrande, dans une lettre adressu0026#xE9;e u0026#xE0; la presse chinoise, le 21 septembre 2021
La demande de logements neufs explose. Acquérir des terrains n’est pas une mince affaire: le marché reste dominé par l’Etat. Il faut de l’entregent, du talent. Xu Jiayin possède tout cela, mais aussi de la flagornerie. Il a le bon goût de louer le Parti communiste et de se créer des relations bien utiles, notamment avec le frère de l’ex-Premier ministre Wen Jiabao et le frère de l’ancien vice-président Zeng Qinghong.
Au cours des années 2000, le pays connaît une croissance exceptionnelle. Tout sort de terre: des villes, des infrastructures, des usines. Evergrande grandit aussi dans toutes les provinces et ne vend que sur plan, avant que les habitations ne soient construites. Toujours plus mégalo, Xu Jiayin étend ses activités à l’eau, au tourisme, à l’assurance, à la finance, à l’élevage, au football, avec le meilleur club de Chine, Guangzhou Evergrande. En 2019, il investit vingt milliards d’euros dans la voiture électrique. Son ambition: battre Elon Musk sur son propre terrain. Raté. Evergrande, qui a parié sur une hausse continue des prix de l’immobilier et multi- plié les projets à travers tout le pays (à l’arrêt désormais), est à présent surendetté à hauteur de 260 milliards d’euros, soit 2% du PIB chinois. La chute a débuté à la mi-2020. Pour faire rentrer de l’argent, il brade ses appartements. Résultat: ses profits et son cours d’action dégringolent. Pour autant, les experts ne croient pas à une faillite d’Evergrande. Sa dette est partagée entre beaucoup d’investisseurs, les banques chinoises sont solides et Pékin peut stopper l’hémorragie. Le noeud reste l’immobilier. Il représente 15% du PIB, presque 30% en comptant les industries et les productions de matériaux. Le gouvernement veut assainir le secteur. Mais quoi pour le remplacer?
Dates clés
- 2009: Evergrande entre à la Bourse de Hong Kong, devenant la plus grande société immobilière privée de Chine.
- 2017: Xu Jiayin devient l’homme le plus riche de Chine.
- 2020: Evergrande, surendetté, ne peut plus se financer auprès des banques. Un an plus tard, l’entreprise peine à rembourser sa dette de 260 milliards d’euros.
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