«Vladimir, ARRETE»: Trump s’emporte, Kiev saigne, Washington négocie la Crimée. © Getty Images

«Vladimir, ARRÊTE»: Trump s’emporte, Kiev saigne, Washington négocie la Crimée

Alors que Kiev pleure ses morts sous une pluie de missiles russes, Donald Trump hausse le ton face à Vladimir Poutine pour tenter d’imposer un cessez-le-feu controversé: l’abandon de la Crimée à Moscou. Une proposition américaine vécue comme une trahison par l’Ukraine.

Après une nuit d’horreur suite aux bombardements russes sur Kiev, le cauchemar a continué durant la journée en Ukraine. Dans la nuit de mercredi à jeudi, une salve massive de missiles russes s’est abattue sur Kiev, faisant dix morts et soixante-trois blessés. «Vladimir, ARRÊTE!», a clamé Donald Trump sur sa plateforme Truth Social. Cette nouvelle attaque, la deuxième en 20 jours sur la capitale ukrainienne, ravive brutalement l’urgence d’un cessez-le-feu entre Moscou et Kiev. Le timing est mal choisi. En pleine négociation pour un cessez-le-feu, même Donald Trump en retient un goût amer. Sa promesse d’une résolution du conflit en 24 heures semble bien loin.

Alors que les négociations patinent, la question brûlante de la Crimée revient sans cesse au cœur des débats. Considérée par les négociateurs américains comme une possible monnaie d’échange, cette péninsule stratégique annexée par la Russie en 2014 apparaît comme un cadeau diplomatique offert sous couvert d’ingérence américaine dans l’espoir d’obtenir une trêve rapide mais fragile. «On ne sait plus très bien à quoi veulent parvenir les différentes parties. Les Etats-Unis négocient pour une paix durable et rapide, mais actuellement, la priorité est clairement au cessez-le-feu, ce qui est bien différent d’une paix établie. Le contrat est plus facile à rompre», analyse Laetitia Spetschinsky, docteure en relations internationales et spécialiste du conflit russo-ukrainien. Le prix de la Crimée pour ouvrir des négociations semble exagéré. Bien trop élevé. Elle alerte également: «Le retour du sujet de la Crimée au premier plan risque de faire oublier l’un des points essentiels des négociations. L’Ukraine exige que les enfants ukrainiens déportés en Russie leur soient rendus. C’est une condition sine qua non.»

Selon l’initiative «Bring Kids Back UA», plus de 19.500 enfants ukrainiens ont été enlevés et déportés vers la Russie depuis le début de l’invasion en février 2022. Seuls 1.200 d’entre eux ont pu être rapatriés. Un crime majeur qui a valu en mars 2023 un mandat d’arrêt international contre Vladimir Poutine de la part de la Cour pénale internationale. Pourtant, cette question humanitaire reste largement occultée par la diplomatie américaine, obnubilée par l’objectif d’un cessez-le-feu rapide, mais instable, via un éventuel «cadeau» territorial aux Russes. La Crimée.

La Crimée en écran de fumée

Washington, déterminé à jouer un rôle central dans la résolution du conflit, tente d’imposer à Kiev l’idée d’une reconnaissance définitive de la souveraineté russe sur la Crimée. Donald Trump et son vice-président JD Vance multiplient ainsi les déclarations teintées d’ultimatums. «Nous avons présenté une proposition très explicite aux Russes et aux Ukrainiens. Il est temps pour eux de dire oui, ou pour les Etats-Unis de se retirer de ce processus», insiste JD Vance. Cette offre prévoit notamment la reconnaissance par Kiev de l’annexion russe en échange d’un retrait russe des territoires de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia, ainsi qu’une renonciation ukrainienne définitive à toute adhésion à l’OTAN.

Cette proposition, pour Volodymyr Zelensky, est tout simplement «absurde» et contraire aux intérêts stratégiques ukrainiens. «L’Ukraine fera tout ce que ses partenaires exigent, mais ne cédera jamais sur la Crimée», affirme-t-il fermement. Trump hausse le ton, accusant Zelensky de prolonger les tueries: «Zelensky peut faire la paix maintenant, ou bien continuer à se battre encore trois ans avant de perdre tout le pays.» Une pression qui s’apparente à un «harcèlement diplomatique».

Zelensky exige quant à lui un cessez-le-feu «immédiat, complet et inconditionnel» avec un retour de l’Ukraine à ses frontières d’avant 2014, soutenu par les récentes victoires ukrainiennes en mer Noire. Pour la spécialiste en relations internationales: «Céder la Crimée une fois pour toutes n’est donc pas synonyme d’une paix durable. Ce serait totalement absurde et à contre-courant. Les Ukrainiens n’ont aucun intérêt à reconnaître la souveraineté de la Russie sur la péninsule annexée. En ce moment, les forces maritimes de l’Ukraine gagnent en influence en mer Noire. Elles sont en position de force. La flotte russe a quitté la côte de Sébastopol et s’est retranchée à Novorossiisk. La seule victoire dont les Ukrainiens peuvent se réjouir actuellement est sur le plan maritime. Stratégiquement, c’est le pire moment pour céder la Crimée

Déportation d’enfants, le véritable enjeu?

Pendant que les Etats-Unis et la Russie focalisent le débat international sur la Crimée, les déportations d’enfants ukrainiens continuent. Sous-médiatisées, elles sont éclipsées par les débats territoriaux concernant la Crimée. Lors des récents pourparlers internationaux, l’Ukraine a affirmé que le retour de ces enfants était une condition non négociable avant toute autre discussion, une revendication soutenue par l’initiative «Bring Kids Back UA», codirigée par l’Ukraine et le Canada.

Cette initiative appelle à une pression constante sur la Russie, des sanctions renforcées contre Moscou et des mécanismes internationaux neutres pour garantir le retour des enfants. Mercredi dernier, en signe de solidarité, une centaine de dirigeants internationaux, européens et canadiens ont symboliquement porté un sweat-shirt bleu pour alerter l’opinion mondiale sur ce crime majeur. Parmi eux figuraient des personnalités politiques belges, témoignant d’une solidarité internationale indispensable.

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