Un combattant de l'EI à Mossoul en juin 2014. © Reuters

Vivre au quotidien sous l’autorité de l’État islamique

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Un journaliste de la BBC a vécu pendant plusieurs mois dans la ville de Mossoul avec une caméra cachée. Ses images montrent ce que vivent les gens au quotidien dans la deuxième ville d’Irak (dont la population était estimée à 1.2 million d’habitants en 2005) sous la domination de l’EI.

Contrôle des femmes

Les vidéos tournées durant plusieurs mois l’année dernière montrent comment les femmes sont obligées de se couvrir de vêtements noirs de la tête au pied. Elles n’ont pas, non plus, le droit de quitter leur maison sans être accompagnées d’un homme. Dans la première vidéo de la BBC, on voit un homme réprimander une femme parce qu’elle ne porte pas de gants. Certains hommes ont même été fouettés parce que leur femme n’en portait pas, selon un témoignage. Le prix des vêtements permettant de se couvrir entièrement a terriblement augmenté, ce qui place les familles avec de nombreuses filles en grandes difficultés. Certaines femmes refusant de se couvrir intégralement choisissent de rester chez elles, mais elles finissent par céder quand l’envie de sortir devient trop forte.

Persécution des minorités

De nombreuses maisons appartenant à des communautés minoritaires (surtout des chrétiens) ont été confisquées par l’EI, selon la BBC. Les maisons ont été marquées d’un « N », comme Nasrani, un mot utilisé pour désigner les chrétiens. On peut ainsi voir des quartiers résidentiels populaires entièrement vides. Autrefois, 60.000 chrétiens vivaient à Mossoul. Aujourd’hui, la plupart ont pris la fuite.

Intimidation, punition et torture

Des mosquées et des sanctuaires ont été détruits par l’EI. Les habitants parlent d’une punition brutale pour quiconque contredit l’interprétation djihadiste de la loi islamique.

La « loi du Califat » est appliquée dans toute la ville. La peine minimale est la flagellation. Elle est appliquée pour des fautes comme le fait de fumer. « Le vol est puni par l’amputation d’une main. L’adultère d’un homme en le jetant du haut d’un toit et l’adultère des femmes par la lapidation à mort. Les peines sont exécutées en public pour intimider la population qui est contrainte de regarder » témoigne un homme interrogé par la BBC.

Ceux qui sont jetés en prison sont torturés, mais lorsque certains sont libérés, ils choisissent de ne pas raconter ce qu’on leur a fait, de peur de représailles.

Une vie quotidienne bouleversée

Dans la ville, il y a une pénurie de pétrole, la pollution s’est généralisée, les constructions ont été arrêtées et de nombreuses écoles ont fermé. Pour pallier au manque de ressources énergétiques, certains ont décidé de ramasser du bois pour faire du feu, mais l’EI a interdit de couper les arbres. L’eau manque également, car elle est polluée par les déchets de la ville. Le ramassage a en effet été stoppé, montre une vidéo de la BBC.

Pour la plupart, communiquer avec le reste du monde est presque impossible puisque les rares connexions internet qui fonctionnent sont extrêmement chères.

L’EI contrôle tout. Les hôpitaux sont exclusivement réservés à leurs membres, les loyers leur sont versés et ils prennent un quart du salaire de chaque travailleur. Même les imams ont été remplacés dans les mosquées par des membres de l’EI. La plupart des croyants ont donc cessé de s’y rendre, raconte un habitant.

Endoctrinement et surveillance

Les militants utilisent des méthodes sophistiquées pour contrôler la ville et ses habitants : des vidéos de propagande diffusées dans les lieux publics, des militants prêchent leur « bonne parole » jusque dans les bus, et les écoles servent de lieu d’endoctrinement pour les enfants. L’utilisation des crayons et des marqueurs de couleur a par ailleurs été interdite. « L’objectif de cette organisation est de planter les graines de la violence, la haine et le sectarisme dans l’esprit des enfants », affirme un habitant.

Tactique et logistique

Les combattants paradent dans les rues avec de l’artillerie lourde volée à l’armée irakienne. Ils cachent leurs véhicules militaires dans les zones civiles pour les protéger des bombardements des Américains et de leurs alliés. « L’EI sait que l’armée va essayer de reprendre Mossoul, ils ont donc pris des précautions. Ils ont détruit la ville en creusant des tunnels, construit des barricades, enterré des mines et des bombes et parsemé la ville de tireurs d’élite, ce qui rendra la tâche très difficile à l’armée », selon un témoin.

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