Violences en Turquie: et si le chef historique du PKK avait la solution ?
La Turquie le contraint au silence depuis sa cellule. Pourtant, le chef historique kurde et initiateur du cessez-le-feu avec Ankara, Abdullah Öcalan, est peut-être le seul à pouvoir mettre un terme aux combats entre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et l’armée.
Emprisonné depuis seize ans sur l’île-prison d’Imrali (nord-ouest), au large d’Istanbul, le fondateur du PKK, âgé de 66 ans, vit reclus. Depuis avril, les autorités turques n’autorisent plus la délégation d’avocats pro-kurdes par laquelle Öcalan transmet habituellement ses messages aux rebelles à se rendre au chevet du leader historique. Pourtant, c’est Öcalan, surnommé « Apo » ou « Serok » (« le chef » en kurde), qui a appelé en mars 2013 ses troupes à un cessez-le-feu pour permettre aux discussions qu’il menait alors avec Ankara d’aboutir à un règlement pacifique du conflit kurde, qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984. Un cessez-le-feu qui a volé en éclat en juillet, lorsqu’Ankara a lancé une « guerre contre le terrorisme » visant simultanément le PKK et les jihadistes de l’organisation Etat islamique (EI), le long de sa frontière avec la Syrie et l’Irak. Dans les faits, les bombardements ciblent essentiellement les bases arrières des rebelles du PKK en Irak. « Il est impossible de parler d’un processus de paix avec un gouvernement qui mène une propagande d’un côté, et isole Öcalan de l’autre », a réagi auprès de l’AFP l’avocat Idris Baluken, membre de la délégation du Parti démocratique du peuple (HDP, pro-Kurdes) qui, jusqu’à avril, était autorisée à rencontrer Öcalan. « Pour que Öcalan prenne part à ces négociations, encore faut-il qu’il puisse parler et se faire entendre quand il le souhaite », a-t-il ajouté, racontant que jusqu’alors, les rencontres avec Öcalan se déroulaient sous l’oeil inquisiteur de trois militaires turcs.
« Nous avons besoin de le voir »
Au silence du leader kurde s’ajoutent depuis plusieurs semaines des rumeurs persistantes malgré les démentis officiels sur la dégradation de son état de santé. « Le gouvernement nous dit qu’il va bien mais comment peut-on être certain qu’il ne nous ment tant qu’on ne le verra pas? Nous avons besoin de le voir! », s’insurge Idris Baluken, qui s’inquiète des allergies chroniques dont souffre le prisonnier le plus célèbre de Turquie et qui, selon lui, ne sont pas correctement traitées. Depuis qu’il est détenu, « Apo » a écrit 15 livres et passe le plus clair de son temps à étudier des thèses académiques dans sa chambre double de 12 m². Sa radio lui permet d’écouter une station d’information proche du gouvernement, et sa télévision lui assure la diffusion des 12 principales chaînes. Cinq heures par semaine, il est autorisé à faire du sport aux côtés de cinq autres détenus. La Cour européenne des droits de l’Homme a épinglé la Turquie l’an passé dénonçant des conditions « inhumaines » de détention. Une critique que le président turc Recep Tayyip Erdogan a balayé d’un revers de main affirmant que les autorités « avaient fait ce qu’il fallait faire ». « Nous n’allons tout de même pas le loger dans une villa ! », avait-il ironisé.
Influence sur le PKK affaiblie
Pour Nigar Goksel, analyste de l’International Crisis Group, l’incapacité d’Öcalan à communiquer a considérablement diminué son influence sur le PKK, qui s’est retranché dans les monts Qandil en Irak. C’est au cours de son procès en 1999 que les Turcs ont entendu pour la dernière fois la voix du leader marxiste-léniniste, avant qu’il soit condamné à mort, peine commuée à la prison à vie. « Pour la paix et la fraternité, je suis prêt à servir l’Etat turc, et je crois que pour cela je dois vivre », avait-il alors déclaré. Selon Gareth Jenkins, membre de l’Institut d’étude sur l’Asie du Centre et le Caucase, si Öcalan pouvait faire une déclaration ce serait sans doute pour « appeler de nouveau au cessez-le-feu ». Et, affirme cet expert, « s’il pouvait exprimer ses opinions librement, parler à la télévision, tous l’écouteraient
Avec AFP
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