Franklin Dehousse
Vers une forte tension européenne en 2023? (chronique)
L’impact accru de la guerre en Ukraine et la perspective des élections de 2024 laissent présager une année 2023 difficile pour l’Union européenne.
L’année 2023 sera difficile pour l’Europe, qui mettra ses besoins stratégiques en contradiction avec son calendrier électoral. D’un côté, sauf divine surprise en Russie, la guerre en Ukraine pèsera plus lourdement. Elle étendra aussi son impact à de multiples secteurs. De l’autre, la perspective des élections de 2024 entravera toute action à long terme des dirigeants et partis, surtout préoccupés par leur avenir personnel.
La prolongation de la guerre ukrainienne pèsera au moins à quatre égards.
1. Le matériel militaire. Beaucoup de matériel a été transféré (mais surtout par les pays de l’Est et du Nord). Cela reste insuffisant pour protéger l’Ukraine, mais suffit pour vider les arsenaux. Peu d’Etats ont conscience des mesures nécessaires. A titre d’illustration, le célèbre réarmement allemand demeure une vaste blague, à l’exception d’une commande de F35 américains (qui ne serviront en rien à l’Ukraine). A terme, c’est intenable.
2. Les finances. L’Ukraine est ruinée et a besoin de cinq milliards de dollars par mois pour survivre. L’Union européenne devrait en assumer au moins trois, soit 36 milliards sur l’année. Il faudra les trouver.
3. Les réfugiés et migrants. Les bombardements russes de terreur vont détruire davantage l’économie ukrainienne, et aussi aggraver la crise migratoire en Europe. A la vieille fracture migratoire Nord-Sud s’ajoute maintenant une nouvelle, Ouest-Est. Gérer sur la durée les afflux de populations, par exemple en Pologne ou en Slovaquie, va devenir un défi.
4. L’ énergie. En catastrophe, l’Union (et spécialement l’Allemagne et les pays de l’Est) ont dû réorienter leur système énergétique. Des investissements colossaux sont réalisés afin de se procurer du gaz non russe. Ils devront être liquidés par la suite pour lutter contre le changement climatique. En clair, les besoins de sécurité à court terme hypothèquent le besoin climatique à moyen terme, à un coût monumental à terme.
Pour affronter ces défis existentiels, l’Europe ne pourra se reposer que sur des institutions dysfonctionnelles. D’une part, le système institutionnel demeure trop lourd, comme confirmé par les blocages récurrents de la Pologne et de la Hongrie. Il y en aura d’autres.
D’autre part, les dirigeants se révèlent médiocres. Tant la Commission que le Conseil européen sont minés par le conflit permanent entre leurs présidents. Ursula von der Leyen est à la recherche d’un second mandat – ce qui explique sa servilité monumentale envers l’ Allemagne, pourtant fort minoritaire dans le débat sur le plafond du prix du gaz. Charles Michel est à la recherche d’un mandat quelconque – ce qui explique ses gesticulations médiatiques permanentes. Leur seul grand titre de gloire jusqu’ici demeure commun: la célèbre guerre du fauteuil à Ankara.
Quant au Parlement européen, la présidente Metsola, tout à fait manipulée par les grands groupes politiques, semble incapable de gérer le Qatargate, la plus grande crise de son histoire. A la fin de l’année, le quotidien italien Il Foglio annonçait qu’elle avait décidé de nommer comme chef de cabinet… son beau-frère, projet abandonné en vitesse après sa révélation. Un autre beau symbole à côté de l’affaire Eva Kaïli.
Dans ce climat délétère, la pression des élections européennes de 2024 sera maximale.
Dans ce climat délétère, la pression des élections de 2024 sera maximale. A la suite des exigences intenses de la guerre, elle devrait provoquer encore plus de théâtre… très probablement compensé par encore moins d’action. Pourvu que Vladimir Poutine reste, lui aussi, mauvais.
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