UE: tentative d’accord sur la difficile réforme du système migratoire
Les eurodéputés et les représentants des Etats membres tentent de se mettre d’accord sur une réforme de la politique migratoire européenne.
Les difficiles négociations sur la réforme de la politique migratoire européenne entre les eurodéputés et représentants des Etats membres se poursuivent mardi pour tenter d’arracher un accord politique sur ce dossier ultra-sensible, selon des sources proches des pourparlers.
Alors que le début de la séance de discussions lundi a coïncidé avec la Journée internationales des migrants, la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a estimé qu’un accord permettrait « une immigration plus sûre et mieux gérée, ce qui est dans l’intérêt de tous ».
Mais une cinquantaine d’ONG, dont Amnesty International, Oxfam, Caritas et Save the Children ont écrit une lettre ouverte aux négociateurs pour les alerter sur le « risque majeur » de voir ce « Pacte sur la migration et l’asile » aboutir à « un système non fonctionnel, coûteux et cruel« .
Les pourparlers, qui ont commencé lundi après-midi, étaient toujours en cours mardi vers 01H00 sur l’un des textes de ce pacte, a-t-on appris de sources proche des négociations. L’examen des quatre autres devait reprendre plus tard dans la matinée et à la mi-journée.
Ce pacte, présenté par la Commission européenne en septembre 2020, est une nouvelle tentative de refonte des règles européennes, après l’échec d’une précédente proposition en 2016 dans la foulée de la crise des réfugiés.
L’objectif est une adoption finale de l’ensemble des textes avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l’immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d’extrême droite et populistes.
Filtrage des migrants
La réforme discutée à Bruxelles garde la règle actuellement en vigueur selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux migrants, un système de solidarité obligatoire est organisé en cas de pression migratoire.
Les autres Etats membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier ou matériel.
L’une des questions en discussion est celle des relocalisations obligatoires après un sauvetage de migrants en mer, point important pour l’Italie et sur lequel le Parlement insiste mais qui rencontre les réticences d’autres Etats membres.
La réforme prévoit aussi un filtrage des migrants aux frontières extérieures de l’UE et une procédure accélérée pour les moins susceptibles d’obtenir l’asile afin de les renvoyer plus rapidement vers leur pays d’origine ou de transit.
Les eurodéputés veulent, à la différence des Etats membres, que les familles avec enfants de moins de 12 ans soient exclues d’une telle procédure, qui impliquera vraisemblablement une détention dans des centres situés près des frontières ou des aéroports.
Autre texte en pourparlers, un règlement sur les situations de crise et de force majeure, destiné à organiser une réponse en cas d’afflux massif de migrants dans un Etat de l’UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016.
Il prévoit là encore une solidarité obligatoire entre les Etats membres et la mise en place d’un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d’asile que les procédures habituelles, avec un allongement possible de la durée de détention aux frontières extérieures du bloc.
Les discussions portent sur la durée possible de cette procédure, que le Parlement souhaite réduire par rapport à celle préconisée par le Conseil (Etats membres).
Hausse des demandes d’asile
L’UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières, ainsi que des demandes d’asile. Sur les onze premiers mois de l’année 2023, l’agence Frontex a enregistré plus de 355.000 traversées des frontières extérieures de l’UE, soit une hausse de 17%. Les demandes d’asile quant à elles pourraient atteindre plus d’un million d’ici la fin 2023, selon l’Agence de l’UE pour l’asile (EUAA).
Stephanie Pope, experte des questions migratoires au sein de l’ONG Oxfam, estime que la réforme proposée ne permet pas un système équitable dans l’accueil des demandeurs entre les pays de l’UE, et critique la procédure aux frontières.
« Cette proposition interdit dans les faits aux personnes de demander l’asile, accélère les expulsions, place les familles et les enfants en détention et risque de provoquer des refoulements« , a-t-elle averti dans un communiqué.
Elle a déploré « un modèle directement emprunté aux îles grecques, où l’UE a injecté des millions d’euros d’argent des contribuables européens dans des centres semblables à des prisons ».