Soupçons de corruption au Parlement européen: ce que l’on sait
Dimanche, quatre personnes, dont la vice-présidente grecque du Parlement européen Eva Kaili, ont été inculpées et écrouées dans le cadre d’une enquête ouverte cet été par le juge financier Michel Claise sur des soupçons de corruption par le Qatar au sein du Parlement européen. L’opération a provoqué une onde de choc à Bruxelles.
L’affaire de corruption présumée éclate en plein Mondial de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs. Au cœur de l’enquête: les agissements de l’état du Golfe soupçonné d' »influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants« , a souligné le parquet fédéral.
Doha a démenti de son côté être impliqué dans des tentatives de corruption. « Toute allégation de mauvaise conduite de la part de l’Etat du Qatar relève d’informations gravement erronées« , a affirmé un responsable du gouvernement qatari. L’État du Qatar agit en pleine conformité avec les lois et réglementations internationales, souligne la représentation qatarie de l’UE à Bruxelles.
Des sacs de billets
Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen depuis cette année et responsable, entre autres, des relations avec le Moyen-Orient, n’a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire, car l’infraction qui lui est reprochée a été constatée « en flagrant délit », a expliqué une source judiciaire. Cette source a confirmé des informations de presse selon lesquelles des « sacs de billets » ont été découverts dans l’appartement de l’élue socialiste grecque.
Eva Kaili s’était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l’émirat dans ce secteur. « Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait aussi affirmé la Grecque le 22 novembre à la tribune du Parlement européen.
Samedi, la présidente du Parlement européen Roberta Metsole lui a retiré son mandat. « À la lumière des enquêtes judiciaires en cours menées par les autorités belges, la présidente Metsola a décidé de suspendre avec effet immédiat tous les pouvoirs, devoirs et tâches qui ont été délégués à Eva Kaili en sa qualité de vice-présidente du Parlement européen », a annoncé son porte-parole. L’Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d’argent annonce également qu’elle gèle tous les avoirs d’Eva Kaili.
Vendredi dernier, six suspects ont été interpellés, au terme d’au moins 16 perquisitions à Bruxelles, parmi lesquels l’ex-eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, lui aussi Italien et Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D, compagnon d’Eva Kaili. Le propre père d’Eva Kaili aurait lui-même été inquiété dans l’enquête, surpris en train de transporter une grosse somme en liquide « dans une valise ».
L’ex-eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri, désormais à la tête de l’ONG Fight Impunity, aurait lui aussi été écroué dimanche. Il comptait comme Eva Kaili parmi les six personnes interpellées vendredi à Bruxelles, au terme d’au moins seize perquisitions. D’après Knack et Le Soir, les enquêteurs ont retrouvé 600 000 euros en liquide à son domicile.
Knack et Le Soir ont appris de sources bien informées que Pier-Antonio Panzeri est la principale cible des enquêteurs. Ils supposent qu’il est le « chef d’orchestre » et enquêtent pour savoir s’il ordonne aux assistants des députés européens, à la demande du Qatar, ce qu’ils doivent faire.
Interpellations en Italie
En Italie, la femme et la fille de Pier Antonio Panzeri ont également été interpellées dans le cadre de l’enquête. Elles auraient joué un rôle actif dans les affaires présumées illégales de Pier Antonio Panzeri. Des pots-de-vin auraient permis à la famille de faire construire une ville dans les Alpes italiennes et d’organiser une fête de famille fastueuse dont l’organisation aurait coûté 100.000 euros.
La femme et la fille de l’ancien eurodéputé, qui contestent les accusations, ont été placées sous mandat d’arrêt par un juge d’instruction de Brescia. La police italienne a agi sur base d’un mandat d’arrêt européen, selon Politico.
Perquisition chez Marc Tarabella
Samedi soir, une perquisition a eu lieu chez le député européen PS Marc Tarabella. Interrogé par Knack et Le Soir, le Belge dément avoir reçu des cadeaux du Qatar. « Probablement savaient-ils que je les aurais dénoncés sur le même ton que mes violentes sorties lors de l’attribution de la Coupe du monde par la Fifa il y a 10 ans. » « Je le répète, il eût été plus confortable et populaire même de continuer à appeler au boycott mais comme beaucoup d’autres, nous avons pris le parti de travailler à ce que la situation des travailleurs là-bas s’améliore », ajoute-t-il.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a jugé « très préoccupantes » les « graves accusations » portées contre Eva Kaili. « Ces informations sont très préoccupantes », a-t-il déclaré à son arrivée pour une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. « Nous ferons tout ce qui est notre pouvoir pour coopérer avec la justice », a tweeté Roberta Metsola.
« La démocratie européenne est attaquée »
« La démocratie européenne est attaquée », a affirmé lundi la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, faisant part de sa « fureur, colère et tristesse » au sujet du scandale de corruption présumée, par le Qatar, d’une eurodéputée grecque.
« Il n’y aura aucune impunité (…) rien ne sera mis sous le tapis », a-t-elle promis, en annonçant une « enquête interne pour examiner tous les faits liés au Parlement » européen et faire en sorte que l’institution se réforme.
Une perquisition pour saisir des données informatiques
Une perquisition de plus a eu lieu, lundi, dans l’enquête du parquet fédéral belge au sujet de parlementaires européens suspectés d’avoir été corrompus par des autorités qataries. La perquisition a eu lieu au Parlement européen et avait pour but de saisir certaines données informatiques, selon le parquet fédéral. Six personnes ont été interpellées dans ce dossier depuis vendredi, dont quatre sont sous mandat d’arrêt, pour des délits présumés d’organisation criminelle, de corruption et de blanchiment d’argent. L’une de ces personnes est la vice-présidente grecque du Parlement européen, Eva Kaili.
« Depuis vendredi, avec l’appui des services de sécurité du parlement européen, les moyens informatiques de dix collaborateurs parlementaires ont été gelés, afin d’éviter que des données nécessaires à l’enquête ne puissent disparaître », a expliqué lundi soir le parquet fédéral. « La perquisition, ce jour, au parlement européen, avait donc pour objet de saisir ces données ».
Des perquisitions ont également eu lieu dimanche en Italie, avec l’appui d’Eurojust, l’Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne. Au total, depuis le début des opérations, 20 perquisitions ont été menées, dont 19 dans des résidences et des bureaux et une au Parlement européen.
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