Mercosur: un accord « ambitieux et équilibré » a été trouvé, annonce Ursula von der Leyen
Ce vendredi, Ursula von der Leyen a annoncé qu’un accord entre l’Union européenne et les quatre pays du Mercosur avait été trouvé. Celui-ci marque un « jalon historique », a-t-elle commenté. CNCD-11.11.11 craint le pire et appelle la Belgique à « voter contre la ratification de cet accord ».
Un accord politique a été conclu entre l’UE et les quatre pays fondateurs du Mercosur, a annoncé la présidente de la Commission européenne, présente à Montevideo pour un « sommet Mercosur ».
« Aujourd’hui marque un véritable jalon historique« , s’est réjouie Ursula von der Leyen, parlant d’un accord « ambitieux et équilibré« . L’accord de libre-échange, très controversé, permettra de créer « un marché de plus de 700 millions de consommateurs« , a souligné l’Allemande.
Les quatre pays concernés sont l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Si l’accord politique est une étape cruciale, elle ne signifie que le début du processus, comme l’a encore rappelé, vendredi midi, un porte-parole de la Commission européenne. Celle-ci a négocié au nom des États membres, mais elle doit encore déterminer la base légale pour la suite du processus, entre autres la ratification du texte, qui pourrait inclure une validation État membre par État membre pour l’intégralité de l’accord, ou pour une partie seulement si ce dernier est « scindé » en deux textes.
Quoi qu’il en soit, le texte doit encore passer par le Conseil de l’UE et le Parlement. Or, il y a de profonds désaccords entre les 27 au sujet des éventuels bénéfices de ce « partenariat ». Ces derniers mois, c’est surtout la France qui a exprimé son opposition au texte « en l’état », promettant d’essayer de rassembler une minorité de blocage parmi les 27. L’Italie et la Pologne font également partie des opposants à l’accord.
Des normes incompatibles avec celles de l’UE
Le projet de traité est discuté depuis 1999. Il vise, sur le plan commercial, à supprimer la majorité des droits de douane entre l’Union européenne et le Mercosur. Côté européen, il permettra d’exporter davantage (et à moindres frais) des voitures, machines, produits pharmaceutiques, entre autres. Dans l’autre sens, et c’est ce qui inquiète fortement les agriculteurs, entre autres de Wallonie, il ouvrira grand les portes de l’Europe au bœuf argentin, au soja brésilien, au sucre, poulet, maïs et autres produits agricoles venus de l’autre côté de l’Atlantique. Et cela alors que les normes, par exemple en matière d’utilisation de pesticides ou d’antibiotiques, n’y sont pas comparables avec celles de l’UE.
Les associations de défense de l’environnement mettent quant à elles en garde contre la contribution de certaines cultures à la déforestation sur le continent américain, enjeu de taille pour la lutte contre le réchauffement climatique.
« Nous vous avons entendus vos inquiétudes, et nous y travaillons », a assuré Ursula von der Leyen en conférence de presse, disant s’adresser aux agriculteurs. « Cet accord contient des garde-fous robustes, pour protéger vos sources de revenu« . Et d’ajouter: « 60.000 entreprises européennes exportent actuellement vers le Mercosur, la moitié étant des PME (…) Cela va créer des opportunités commerciales énormes. »
Des modifications apportées à l’accord de 2019
L’accord politique annoncé vendredi est en réalité une mise à jour d’un accord déjà bouclé en 2019, mais qui avait été remis sur le métier. Il prévoyait, et prévoit toujours, d’éliminer plus de 90% des droits de douane, de part et d’autre. Les tarifs convenus varient d’un secteur à l’autre, et des « secteurs sensibles« , dans le domaine agricole, font l’objet de mesures particulières. Pour le bœuf par exemple, l’accord prévoit une limitation d’importation depuis le Mercosur à 99.000 tonnes de viande (dont 45% de viande surgelée) à un tarif douanier de 7,5%. Un volume à tarif préférentiel qui équivaut à 1,6% de la production européenne, selon la Commission.
La plus grosse partie de l’accord de 2019 est maintenue. Là où des changements ont été introduits, c’est par exemple dans la prise en compte de l’Accord de Paris sur le climat, et dans l’ajout d’engagements concrets, selon la Commission, pour éviter la déforestation et encourager un droit du travail plus vertueux. Aux yeux de l’exécutif européen, les États membres qui disent s’opposer au texte « en l’état », « renvoient au texte de 2019 », indique vendredi une source proche. « Ils ne connaissent pas encore le texte actuel. Mais on est confiant, car il y a des changements évidents« .
Le texte complet devrait être rendu public par la Commission dans les prochains jours, probablement début de semaine prochaine. Suivront plusieurs mois de traduction et de toilettage juridique, avant qu’il ne passe au Conseil de l’UE et au Parlement. La majorité nécessaire au Conseil dépendra de la décision de la Commission de scinder ou non l’accord, pour la suite de son parcours. La Bolivie, qui n’a pas encore pleinement intégré le Mercosur, devra, elle aussi, négocier avec l’UE, en temps voulu, si elle souhaite bénéficier du libre-échange, indique une source bien informée.
Le CNCD-11.11.11 dénonce « un scandaleux manque de transparence »
Le manque de transparence de l’accord de libre-échange finalisé entre l’Union européenne et les pays du Mercosur est « un scandale vu la contestation autour de cet accord et le besoin induit de contrôle démocratique et parlementaire », réagit vendredi le CNCD-11.11.11 après l’annonce de la présidente de la Commission européenne.
« L’Union européenne doit être cohérente. Alors qu’elle veut réduire son empreinte carbone et l’impact environnemental de son agriculture, elle ne peut conclure un accord de commerce qui augmenterait la déforestation et les trajets parcourus par nos aliments, ainsi que la fragilité des petites et moyennes fermes européennes », relève Lora Verheecke, chargée de recherche sur le commerce au CNCD.11-11-11.
Après l’annonce de Mme von der Leyen, l’accord « va maintenant entamer un parcours incertain de signature et de ratification », pointe l’ONG. Le CNCD-11.11.11 craint que la Commission tente d’outrepasser le soutien des États membres et des parlements nationaux en isolant l’accord de commerce, de manière à obtenir une ratification à la majorité qualifiée du Conseil, puis par le seul Parlement européen. L’ONG appelle dès lors la Belgique « à refuser cette manœuvre contraire au mandat de négociation de la Commission et, quoi qu’il arrive, à voter contre la ratification de cet accord, rejeté par de vastes secteurs de la société civile ».