La présidente de la Commission européenne

Discours sur l’état de l’Union: Ursula von der Leyen plaide pour une « Union complète à 30 et plus » (vidéo)

Dès 9h, la présidente de la Commission entame le dernier discours sur l’état de l’Union de cette législature, à 9 mois des élections européennes.  

Compléter notre Union » est dans l’intérêt stratégique et sécuritaire de l’Europe, a estimé l’Allemande.
Elle a relevé que l’Ukraine, qui a obtenu le statut de pays candidat, a déjà réalisé de grandes avancées en vue de son intégration. « Et nous avons vu la détermination d’autres pays candidats à se réformer. »

L’État de droit et les droits fondamentaux doivent toutefois continuer à former le socle de l’UE, selon la présidente de l’exécutif européen. Pour ce faire, elle propose d’ouvrir les rapports de la Commission sur l’État de droit aux pays candidats à l’adhésion. Ces rapports recensent les progrès réalisés ainsi que les sujets de préoccupation, et formule des recommandations aux différents pays.

« La question n’est pas de choisir entre approfondir l’intégration ou élargir l’Union », a également signalé Ursula von der Leyen, pour qui il faut faire les deux. « Nous avons prouvé que nous pouvons être une Union géopolitique et que nous pouvons avancer rapidement lorsque nous sommes unis. Et je suis convaincue que l’équipe Europe fonctionnera également à 30 et plus ».

Pour Mme von der Leyen, l’élargissement de l’UE passera par la modification des traités « si et lorsque ce sera nécessaire ». Mais les institutions ne doivent pas attendre de modifier les traités pour avancer, a-t-elle souligné. « Nous pouvons adapter plus rapidement que cela notre Union en vue de son élargissement. » Elle a appelé à répondre dès maintenant aux questions concrètes sur le fonctionnement pratique d’une Union de plus de 30 pays, en particulier sur la capacité d’action de cette Union à 30.

La Commission commencera à travailler sur une série d’examens pré-élargissement des politiques afin de déterminer si et comment chaque domaine politique doit être adapté, a-t-elle annoncé. Quelles seront les nouvelles configurations du Parlement et de la Commission; quel sera l’avenir du budget de l’UE; comment garantir des engagements crédibles en matière de sécurité?, a énuméré Ursula von der Leyen. « Ce sont des questions que nous devons aborder aujourd’hui si nous voulons être prêts pour demain. Et la Commission jouera son rôle », a-t-elle assuré, annonçant que l’exécutif présenterait ses idées au débat des dirigeants de l’EU sous la présidence belge au premier semestre 2024.

Garantir « une transition juste et équitable »

Ursula von der Leyen a également souligné sa volonté de « garder le cap » sur le Pacte vert tout en garantissant « une transition juste et équitable », alors que les règlementations environnementales de l’UE font l’objet de résistances croissantes. « Quand il est question du Pacte vert pour l’Europe, nous gardons le cap, nous restons ambitieux, nous ne dévions pas de notre stratégie de croissance. Et nous aurons toujours à coeur de garantir une transition juste et équitable« , a-t-elle dit lors de son discours sur l’état de l’Union devant les députés européens à Strasbourg.

« Nous continuerons à soutenir l’industrie européenne tout au long de cette transition. Nous avons commencé par un train de mesures – allant du règlement pour une industrie +zéro net+ au règlement sur les matières premières critiques », a-t-elle détaillé.

Elle a par ailleurs annoncé une série de mesures à venir en faveur de l’énergie éolienne, insistant sur la nécessité d’accélérer la délivrance des permis. La responsable allemande chrétienne-démocrate a aussi tenu à « rendre hommage » aux agriculteurs, reconnaissant qu’ils « sont soumis à l’impact croissant, sur leur travail et leurs revenus, de l’agression russe contre l’Ukraine, du changement climatique, avec les sécheresses, les incendies et les inondations que celui-ci provoque, mais aussi de nouvelles obligations ».

« Nous avons besoin de davantage de dialogue et de moins de polarisation. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons engager un dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture dans l’UE. Je suis et demeure convaincue que l’agriculture et la protection de la nature peuvent aller de pair », a-t-elle ajouté.

L’UE a adopté une grande partie du Pacte vert, ambitieux plan visant à sabrer les émissions carbone du bloc, érigé en priorité par la Commission.Mais ce dernier reste inachevé: 37 textes restent en négociations, dont certains -« restauration de la nature », encadrement des pesticides…- suscitent l’opposition de la droite et de l’extrême droite, qui dénoncent un « fardeau » réglementaire imposé aux agriculteurs et entreprises.

Ouverture d’une enquête antisubventions sur les véhicules électriques chinois

Dans ce discours, le dernier de ce type sous cette législature, Mme Von der Leyen est revenue sur les quatre années écoulées depuis la mise en place de son équipe. Elle a aussi envisagé les 300 prochains jours avant les élections, soulignant la nécessité de faire aboutir plusieurs dossiers en cours, dont le pacte sur la migration et l’asile.

L’Allemande s’est attardée sur les défis auxquels fait face l’industrie européenne, dont la concurrence inéquitable de la Chine. « Nous n’avons pas oublié combien notre industrie solaire avait pâti des pratiques commerciales déloyales de la Chine », a-t-elle rappelé, en se tournant vers un autre secteur menacé. « Les marchés mondiaux sont aujourd’hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché, dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives. Cela fausse notre marché. Je vous annonce donc aujourd’hui que la Commission ouvre une enquête antisubventions sur les véhicules électriques en provenance de Chine. L’Europe est ouverte à la concurrence. Pas à un nivellement par le bas », a-t-elle dit. Les dossiers de concurrence ont été repris il y a peu par le commissaire belge Didier Reynders.

Pour autant, L’UE doit maintenir ses lignes de communication ouvertes et poursuivre son dialogue avec la Chine, a confirmé la cheffe de l’exécutif européen. « Parce qu’il y a aussi des sujets sur lesquels nous pouvons et devons coopérer. Réduction des risques, pas découplage – ce sera mon approche envers les dirigeants chinois lors du sommet UE-Chine qui se tiendra plus tard cette année. »

La question de la migration au centre du discours d’Ursula Von der Leyen

Ursula von der Leyen était attendue au tournant en ce qui concerne la migration. « La migration doit être gérée, cela nécessite de la force, un travail de longue durée. C’est l’issue d’un nouveau Pacte sur la migration et l’asile, a annoncé la présidente de la Commission européenne. Avec le pacte nous avons trouvé un nouvel équilibre entre la protection des frontières et la protection des personnes, entre souveraineté et solidarité, entre sécurité et humanité. »

La présidente de la Commission a donc appelé le Parlement et le Conseil européen à adopter le Pacte sur la migration et l’asile. « Notre travail sur la migration se fonde sur la conviction que l’unité est à notre portée. Un accord sur le Pacte n’a jamais été aussi proche : le Parlement et le Conseil ont une occasion historique de le faire aboutir montrant que l’Europe peut gérer des migrations avec efficacité et compassion, finissons le travail », a-t-elle poursuivi. Mardi, cet accord a suscité beaucoup de critiques dans l’hémicycle, mais la famille politique de Mme Von der Leyen, le Parti populaire européen (PPE) de Manfred Weber, a plaidé sa mise en œuvre pleine et correcte, et la conclusion d’autres accords de ce type avec les pays tiers.

Ce pacte migratoire, présenté en septembre 2020 par la Commission, prévoit notamment un système de solidarité entre Etats membres dans la prise en charge des réfugiés et un examen accéléré des demandes d’asile de certains migrants aux frontières, afin de les renvoyer plus facilement vers leur pays d’origine ou de transit si leur demande est rejetée.

Des négociations sont actuellement en cours entre eurodéputés et représentants des Etats membres pour trouver un compromis final sur plusieurs volets de cette épineuse réforme, alors que les demandes d’asile sont en hausse dans l’UE. La présidente de la Commission a rappelé qu’un partenariat avait été signé en juillet avec la Tunisie pour tenter notamment de réduire les arrivées de migrants en provenance de ce pays. « Nous voulons maintenant travailler sur des accords similaires avec d’autres pays », a-t-elle ajouté.

Elle a par ailleurs estimé qu’une « nouvelle législation » était nécessaire pour lutter contre les passeurs, dont la manière d’opérer « évolue sans cesse ». « Et nous devons travailler avec nos partenaires pour lutter contre ce fléau mondial qu’est la traite des êtres humains« , a-t-elle poursuivi, annonçant l’organisation d’une « conférence internationale sur la lutte contre la traite des êtres humains ».

La présidente a par ailleurs à nouveau appelé à intégrer « sans plus de retard » la Bulgarie et la Roumanie dans l’espace Schengen.

La pénurie de main d’oeuvre et de compétences

L’accès au marché du travail pour les jeunes et pour les femmes, l’arrivée de l’intelligence artificielle, la nécessité d’une immigration de main-d’œuvre qualifiée, le manque de solutions d’accueil pour les enfants des travailleurs, etc.: tous ces défis seront au cœur l’an prochain, « avec la présidence belge, d’un nouveau sommet des partenaires sociaux à Val Duchesse« , a annoncé Mme Von der Leyen.

« Cela fait presque quarante ans que Jacques Delors convoquait la réunion de Val Duchesse, qui a vu naître le dialogue social européen. Alors que notre monde se transforme plus vite que jamais, les partenaires sociaux doivent de nouveau être au cœur de notre avenir« , a-t-elle plaidé.

Le budget et l’IA aussi au programme

La présidente de la Commission a pointé les « forts vents contraires » assombrissant la conjoncture économique: les pénuries de main d’œuvre –« goulets d’étranglement de la compétitivité », mais surtout la persistance d’une « inflation forte »: le retour à l’objectif d’une inflation à 2% en zone euro « prendra du temps », a-t-elle reconnu –elle s’élevait à 5,3% en août.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a plaidé mercredi pour la création d’un « panel mondial » d’experts afin d’évaluer les risques de l’intelligence artificielle pour l’humanité, sur le modèle du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

« Des centaines de développeurs, d’universitaires et d’experts de premier plan dans le domaine de l’IA nous ont récemment alertés » sur le risque d’extinction de l’humanité, a rappelé la présidente de l’exécutif européen. Réduire ce risque « devrait être une priorité mondiale, au même titre que d’autres risques menaçant la société tout entière, comme les pandémies et la guerre nucléaire », a-t-elle estimé.

L’intelligence artificielle « évolue plus rapidement que ses concepteurs eux-mêmes ne l’avaient prévu. Il nous reste donc peu de temps pour orienter cette technologie de manière responsable », s’est-elle inquiétée, appelant à mettre en place un « nouveau cadre mondial pour l’IA, reposant sur trois piliers: des garde-fous, une gouvernance et l’orientation de l’innovation ».

« Nous devrions œuvrer de concert avec nos partenaires pour avoir tous la même compréhension de l’impact de l’IA dans nos sociétés », a-t-elle dit, citant « la contribution inestimable du GIEC pour le climat, ce panel mondial qui fournit aux décideurs politiques les données scientifiques les plus récentes ». « Je pense que nous avons besoin d’un organe similaire pour l’IA, en ce qui concerne ses risques et ses avantages pour l’humanité. Cet organisme réunirait des scientifiques, des entreprises technologiques et des experts indépendants. Nous pourrons ainsi élaborer une action rapide et coordonnée au niveau mondial », a déclaré Mme von der Leyen.

La diffusion sur les réseaux sociaux de fausses images, plus vraies que nature, créées à partir d’applications comme Midjourney, a alerté sur les dangers des systèmes d’intelligence artificielle pour la démocratie. Le potentiel de ces technologies, qui peuvent aussi rédiger des dissertations, composer de la musique ou faciliter des diagnostics médicaux, fascine autant qu’il inquiète. L’UE espère conclure avant la fin de l’année le premier règlement au monde visant à encadrer ces innovations. Il n’entrera cependant pas en application avant 2026.

La future législation devrait notamment interdire les applications de surveillance de masse des citoyens, et imposer des normes à une liste de services considérés à risque. Elle fait actuellement l’objet de négociations entre les 27 pays membres de l’UE et le Parlement européen. « Notre législation sur l’IA est déjà un modèle pour le monde entier. Nous devons maintenant adopter les règles dès que possible et passer à leur mise en œuvre », a demandé Mme von der Leyen.

À neuf mois des élections, qui auront lieu le 9 juin 2024, la prise de parole d’Ursula von der Leyen pourrait avoir des teintes électorales, même si elle-même n’a pas levé le voile sur sa volonté ou non de rempiler pour un mandat supplémentaire à la tête de la Commission européenne. Celle qui avait été désignée comme « joker » après les élections de 2019 serait aujourd’hui plébiscitée par de nombreux États membres, selon une source diplomatique.

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