Franklin Dehousse

Les élections polonaises, symbole du malaise européen (chronique)

Franklin Dehousse Professeur à l'ULiège

Les diverses élections nationales avant les élections européennes présentent toujours un intérêt. Elles annoncent souvent des tendances lourdes. On peut le dire des récentes élections aux Pays-Bas et en Espagne, ainsi que de la campagne électorale en Pologne.

Les deux premiers scrutins présentent des similarités. L’électorat s’est montré très versatile. Dans les deux pays, l’extrême droite a plutôt subi un tassement (néanmoins, elle a le vent en poupe dans d’autres pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche ou la Suède). Surtout, les mesures climatiques prises par l’Union européenne ont subi des campagnes hostiles (à propos du transport automobile en Espagne, de l’agriculture aux Pays-Bas).

La Pologne, où les élections législatives auront lieu le 15 octobre prochain, présente des traits en partie différents. Le débat sur les mesures climatiques y fait rage aussi, car elles impliquent un abandon de la production importante de charbon local. Pour le reste, le comportement de Droit et justice (PIS), parti au pouvoir, évoque beaucoup celui de Donald Trump. Attaques systématiques contre les migrants (sauf ceux d’Ukraine), exaltation des campagnes contre les villes («marécages de toutes les déviances sexuelles et culturelles»), trucage du processus électoral (par la contestation de certains candidats), médias biaisés, contestation permanente de l’indépendance des juges.

Les attaques contre l’Union européenne constituent un axe majeur de cette propagande. L’Europe veut voler l’emploi des mineurs de l’industrie du charbon. L’Europe promeut l’homosexualité et l’avortement. L’Europe impose les migrations de populations musulmanes. L’Europe va priver les braves Polonais de cueillir les champignons dans les bois. Et bien sûr, Bruxelles est le paradis des corrompus cosmopolites contre les purs Polonais. En synthèse, l’Union européenne est régie de façon stupide par des gestionnaires amoraux, et la Pologne de manière géniale par des parangons de vertu (une présentation à l’encontre des sondages, qui indiquent que les populations ont plus confiance dans les institutions européennes, même déficientes, que dans les institutions nationales). Si l’Union nuit tant à la Pologne, on se demande comment celle-ci a tellement progressé depuis son adhésion en 2004.

Par sa propagande mensongère, le PIS nuit en réalité de façon considérable aux intérêts de la Pologne. Son obstination à créer une justice corrompue fait perdre beaucoup d’argent européen au pays. Son nationalisme débridé incite les contribuables européens à se demander pourquoi ils doivent soutenir un gouvernement qui monopolise leur argent pour ses amis. Surtout, si les Russes finissent victorieux en Ukraine, il ne manquera pas de gens en Europe de l’Ouest pour se demander, comme en 1939, s’il faut «mourir pour Dantzig». La solidarité européenne ne peut aller en sens unique. Ceux qui la refusent aujourd’hui aux autres s’exposent à se la voir refuser demain. Contrat attristant pour les amoureux d’un grand pays européen.

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