Le Parlement européen adopte une première législation encadrant l’intelligence artificielle
Le Parlement européen a adopté l’AI Act, la première législation mondiale visant à réguler les usages de l’IA, comme ChatGPT. La Commission avait proposé le cadre réglementaire de l’IA en 2021 dans le but de faire de l’Europe une plaque tournante d’une intelligence artificielle « digne de confiance ».
Le Parlement européen a définitivement adopté mercredi la toute première législation visant à encadrer les technologies de l’intelligence artificielle dans l’UE. La création de cette loi est « le début d’un long voyage », a déclaré l’un des députés en charge du dossier.
Adopté à 523 voix pour, 46 contre et 49 abstentions, le règlement vise à protéger la sécurité et le respect des droits fondamentaux des risques liés à l’IA, tout en encourageant l’innovation dans l’UE. La Commission avait proposé le cadre réglementaire de l’IA en 2021 dans le but de faire de l’Europe une plaque tournante d’une intelligence artificielle « digne de confiance ».
Depuis lors, les larges possibilités offertes par cette technologie ont été découvertes par le grand public à travers des applications génératives telles que Chat GPT. Mais aussi les risques de manipulation de l’opinion et les dangers pour la démocratie qu’elle peut apporter. Des règles s’imposeront à tous dans le domaine de l’IA générative (qui crée du contenu), pour s’assurer de la qualité des données utilisées dans la mise au point des algorithmes et pour vérifier qu’ils ne violent pas la législation sur les droits d’auteur. Les développeurs devront par ailleurs s’assurer que les sons, images et textes produits seront bien identifiés comme artificiels. Les systèmes jugés à « haut risque » – dans des domaines sensibles comme les infrastructures critiques, l’éducation, les ressources humaines, le maintien de l’ordre… – seront soumis à une série d’obligations comme celles de prévoir un contrôle humain sur la machine, l’établissement d’une documentation technique, ou encore la mise en place d’un système de gestion du risque.
L’utilisation des systèmes d’identification biométrique par les services de maintien de l’ordre sera en principe interdite, sauf dans des situations clairement énumérées. Ces systèmes pourront être utilisés pour la prévention d’une attaque terroriste ou la recherche d’une personne disparue, par exemple. Pour l’un des rapporteurs du Parlement européen sur ce dossier, Dragos Tudorache (Renew, Roumanie), la loi sur l’IA n’est que « le début d’un long voyage ». L’impact de ces technologies est difficile à prédire, a-t-il déclaré, alors que l’IA ouvre des perspectives comparables à un « nouveau monde ».
Un eurodéputé PTB vote contre le texte, la délégation N-VA s’abstient
Pour Brando Benifei (S&D, Italie), le Parlement européen ne doit pas se reposer sur ses lauriers, mais plutôt plancher dès la prochaine législature sur des règles sectorielles, comme l’utilisation de l’IA sur le lieu de travail. La plupart des eurodéputés belges ont voté en faveur de la législation. Seul Marc Botenga (PTB) a voté contre, tandis que la délégation N-VA s’est abstenue. « Nous ne devons pas avoir peur de l’IA, mais nous devons réguler ses risques », a déclaré le député germanophone Pascal Arimont (CSP), qui a contribué aux travaux au sein de la commission juridique du Parlement. Il s’est félicité que les systèmes d’IA de « score social », comme ceux utilisés en Chine pour évaluer le comportement social des citoyens, soient clairement interdits en Europe.
Les Etats membres doivent encore adopter le texte
Après le feu vert définitif du Parlement, les Etats membres réunis au Conseil devront encore officiellement adopter le texte. Il entrera en vigueur de manière progressive. Les dispositions concernant l’IA générative seront valables après 12 mois. Le Parlement européen et le Conseil étaient parvenus à un accord politique intermédiaire en décembre dernier, avant que plusieurs Etats membres n’expriment des réticences. Pour la France, l’Allemagne et l’Italie, des règles trop strictes compromettaient la compétitivité européenne. La situation a finalement été dénouée grâce à une série de compromis, notamment sur l’utilisation de l’identification biométrique par les forces de l’ordre dans des cas définis.
Le texte a été critiqué par des associations de défense des droits humains, dont Amnesty International. La législation ne protège pas suffisamment les droits humains, plaide l’organisation, qui se dit déçue que l’UE ait choisi de protéger les intérêts de l’industrie et des services répressifs. Selon Amnesty, les règles n’offrent qu’une protection limitée aux personnes marginalisées, dans le contexte de la migration, notamment. Amnesty International regrette aussi que la loi sur l’IA n’ait pas banni l’exportation de technologies européennes présentant des risques pour les droits humains, les mêmes technologies qui seront interdites ou strictement limitées dans l’UE.