La Commission propose de prolonger l’autorisation du glyphosate jusqu’en 2033, la Vivaldi divisée
La Commission européenne propose de prolonger l’autorisation du glyphosate, le principe actif d’herbicides controversés pour leurs potentiels effets cancérigènes, sous conditions jusqu’à la fin 2033. Son projet a été publié ce mercredi et sera discuté par les États membres vendredi.
La Commission européenne pense à prolonger l’autorisation du glyphosate, qui court actuellement jusqu’au 15 décembre prochain. Le principal producteur d’herbicides au glyphosate, Bayer (propriétaire de Monsanto qui commercialise le Roundup), assure que ses produits sont inoffensifs pour la santé humaine, ce que contredisent certaines études, tandis que les organisations environnementales plaident pour le principe de précaution.
En juillet dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait rendu un rapport très attendu, dans lequel elle n’identifiait pas de domaine de « préoccupation critique » du glyphosate chez les humains, les animaux et l’environnement.
Une utilisation sous conditions
Dans sa proposition, la Commission soumet l’utilisation du glyphosate à plusieurs conditions, dont des mesures d’atténuation du risque lors de pulvérisations. On parle ici de « bandes tampons » de 5 à 10 mètres et d’équipements permettant de réduire drastiquement les « dérives de pulvérisation ». De même, la Commission fixe des niveaux-limites pour certaines « impuretés » issues du glyphosate.
L’EFSA avait aussi relevé « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate, et reconnaissait que le manque de données empêchait toute analyse définitive. Pour y répondre, la Commission propose que les États membres soient tenus d’examiner les « co-formulants » (autres composants présents dans les herbicides autorisés) et d’évaluer l’exposition des consommateurs aux « résidus pouvant être présents dans les cultures successives cultivées en rotation ».
De même, les États sont appelés à prêter attention à l’impact sur les petits mammifères, en envisageant « si nécessaire » des mesures d’atténuation ou des restrictions. S’ils identifient des effets indirects potentiels sur la biodiversité, ils devront examiner si d’autres méthodes de protection des cultures sont possibles, et pourront là aussi adopter des restrictions.
Enfin, ils devront veiller à la protection des eaux souterraines susceptibles d’être exposées via l’infiltration comme aux eaux de surface, notamment celles utilisées pour le captage d’eau potable. En revanche, l’usage pour la dessiccation (épandage de glyphosate pour sécher une culture avant la récolte) est désormais interdit.
Le glyphosate, une matière fédérale et régionale
Un vote sur le projet de renouvellement pourrait intervenir lors de la réunion d’un comité ad hoc (« Scopaff ») les 12 et 13 octobre prochains, indiquait ce mercredi le ministre de l’Agriculture David Clarinval (MR), en commission de la Chambre. Le gouvernement fédéral est divisé sur la question, qui relève aussi du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit). Le comité ministériel restreint (« kern ») devrait y revenir le 6 octobre.
En Belgique, la mise sur le marché du glyphosate est de compétence fédérale et son utilisation de compétence régionale. Ainsi, en Région bruxelloise, les pesticides contenant du glyphosate ont été interdits en 2016 pour les professionnels et les particuliers, tandis qu’en Wallonie, l’utilisation du glyphosate est interdite pour les particuliers depuis le 1er juin 2017. En 2018, la vente de glyphosate a été interdite aux particuliers sur tout le territoire belge.
Pour le ministre Clarinval, la chose est entendue: « vu que l’évaluation scientifique montre qu’un usage sûr de la substance est possible, il n’est pas utile d’appliquer ici le principe de précaution. Car l’évaluation scientifique intègre une marge de sécurité suffisante », a-t-il répondu à des questions de Barbara Creemers (Ecolo-Groen), Daniel Senesael (PS), Josy Arens (Les Engagés) et Séverine de Laveleye (Ecolo-Groen). « Les préoccupations soulevées par l’EFSA ne sont certainement pas exceptionnelles et sont similaires à celles qui ont été acceptées pour d’autres substances actives dans le passé », a-t-il ajouté, notant que des critères d’évaluation clairs, tels que le potentiel endocrinien, cancérigène et génotoxique, avaient été étudiés de manière approfondie dans le cadre des essais réglementaires.
« Tout pour que la Belgique vote contre la prolongation de l’autorisation »
La vice-Première ministre Groen Petra De Sutter a pris le contre-pied, en réclamant une « interdiction totale » du glyphosate. « Il y a de fortes indications d’une responsabilité du glyphosate dans des problèmes de santé. Ses effets néfastes ne peuvent être exclus. Dans de tels cas, il faut toujours donner priorité à la santé« , a-t-elle réagi dans un communiqué.
Elle affirme que les mutualités, les associations de malades de Parkinson et du cancer, les organisations environnementales mais aussi des organisations agricoles appellent à l’interdiction. « De plus en plus d’académiques font le lien avec notre santé et l’environnement. Le Conseil supérieur de la Santé plaide depuis longtemps pour une sortie progressive du glyphosate« .
Cette substance a aussi un impact sur la biodiversité, en particulier les abeilles et autres pollinisateurs, relève-t-elle. « Nous ferons tout pour que la Belgique vote contre la prolongation de l’autorisation« , conclut la chef de file Groen au gouvernement fédéral. « Avec ce revirement, la Commission donne un coup de canif supplémentaire au Pacte Vert initié par sa présidente. Elle va aussi à l’encontre de la volonté de 60% des citoyens européens qui souhaitent interdire cette substance », a dénoncé l’eurodéputée belge Saskia Bricmont (Ecolo). « La Belgique et l’UE se sont engagées à diminuer leur usage de pesticides de plus de 50% d’ici 2030. Renouveler l’autorisation du glyphosate serait un non-sens », a ajouté la députée fédérale Séverine de Laveleye (Ecolo).