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Devoir de vigilance : les pays de l’UE donnent leur feu vert

Les pays de l’Union européen ont donné leur feu vert au devoir de vigilance des entreprises. Le Parlement européen doit encore valider le texte.

Les Etats membres de l’Union européenne ont finalement donné leur feu vert à des règles de vigilance que devront observer les entreprises pour protéger les droits humains et l’environnement lors de la fabrication d’un produit.

Un pré-accord avait été conclu entre les pays de l’UE et le Parlement européen mi-décembre, mais les discussions avaient capoté au moment de confirmer l’accord au Conseil. L’Italie et l’Allemagne bloquaient. La présidence belge du Conseil, qui coordonne les travaux, avait retiré le point de l’ordre du jour faute de majorité suffisante pour pouvoir le faire adopter.

Une nouvelle tentative a permis de faire adopter le texte au Conseil vendredi, moins de trois mois avant la fin de la législature. Lors du vote, neuf États membres se sont abstenus, tandis qu’un pays a exprimé une « réserve d’étude », selon une source européenne. Le Parlement devra encore valider le texte lors de sa dernière session plénière en avril.

Une unité de contrôle dans chaque pays

La réforme introduit la notion de « devoir de vigilance » pour les entreprises. Elles seront tenues de surveiller leur impact sur les droits humains et sur l’environnement tout au long de leur processus de production. L’objectif est de lutter contre le travail des enfants, l’esclavage, l’exploitation du travail, la pollution, la déforestation, la consommation excessive d’eau ou les dommages causés aux écosystèmes.
Le seuil à partir duquel les règles s’appliquent constituait une pierre d’achoppement, pour la France notamment. Au bout du compte, les règles s’appliqueront aux entreprises de plus de 1.000 employés dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 450 millions d’euros, soit un champ d’application resserré par rapport au pré-accord de décembre. De plus, l’application des mesures se fera de manière progressive.

En Belgique, une quarantaine d’entreprises seront concernées en 2027 et jusqu’à 200 en 2029. Le ministre belge de du Travail et de l’Economie Pierre-Yves Dermagne l’a détaillé dans un communiqué, au nom de la présidence belge. Les fournisseurs des entreprises visées tombent aussi sous le coup de la loi et devront se conformer aux mesures. « La nouvelle règlementation rend les multinationales responsables de leurs actes, partout où elles sont actives », a résumé le ministre Dermagne.

En ce qui concerne les obligations environnementales, les entreprises devront adopter un plan garantissant que leurs activités sont conformes à l’objectif de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C. Des sanctions sont prévues en cas de manquements.

Dans chaque pays européen, une unité de contrôle sera chargée de surveiller le respect de ces obligations à l’aide d’inspections, d’enquêtes et d’amendes allant jusqu’à 5% du chiffre d’affaires de la société concernée. Les entreprises seront aussi responsables civilement avec, le cas échéant, un droit à des dommages-intérêts pour les victimes.

Réactions mitigées

Le feu vert du Conseil au devoir de vigilance a suscité de nombreuses réactions. La coalition Corporate Accountability (CNCD-11.11.11, syndicats, société civile) a regretté que la réforme ait été atténuée au cours du processus de décision: « Les États membres ont ainsi obtenu l’exemption d’obligations pour le secteur financier, l’action climatique exigée des entreprises est dérisoire et une série de normes environnementales et de droits humains se trouvent hors du champ d’application de la directive. » La coalition salue toutefois « une étape dans le long combat que mène la société civile contre les abus des entreprises ».

Amnesty International se dit à la fois soulagée que la législation ait survécu et déçue qu’elle ait été érodée au fil des négociations. « Dans sa forme actuelle, la directive n’est pas à la hauteur des aspirations initiales », affirme l’ONG.

Du côté du monde patronal, l’impact sur les entreprises est jugé « énorme », comme le souligne la Fédération des entreprises de Belgique. La directive va à l’encontre de l’idée d’une réduction des charges administratives et engendre des « incertitudes juridiques ».

Depuis le Parlement européen, le groupe des Verts-ALE a dénoncé une « pression des lobbies » et les « menaces de rejet de plusieurs Etats membres dont la France » ayant abouti à un texte largement affaibli. L’identification de certains secteurs à « haut risque » comme le secteur du textile, l’agriculture ou le secteur de la construction, pour lesquels le seuil devait être abaissé à 250 salariés, a notamment été abandonnée. Pour l’eurodéputée belge Sara Matthieu (Ecolo-Groen, Verts), la directive n’en aura pas mois un impact positif sur la vie de « millions de personnes dans le monde ».

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