Union européenne: pourquoi la présidence belge sera «courte» mais intense
Fin de mandat du Parlement oblige, l’essentiel devra être réalisé en trois mois. Suivra un travail prospectif sur les réformes internes.
A partir du 1er janvier 2024, la Belgique assume la présidence du Conseil de l’Union européenne pour un semestre. Entre le 6 et le 9 juin, auront lieu les élections européennes. Qu’espérer de cette présidence? Eléments de réponse avec Ramona Coman, professeure de sciences politiques à l’Institut d’études européennes de l’ULB.
Une présidence en fin de mandat du Parlement et de la Commission n’est-elle pas un handicap?
C’est une présidence courte. Si officiellement, c’est une présidence d’un semestre, l’essentiel du travail doit se faire dans les trois premiers mois, soit avant le début des élections européennes. Car, à partir d’avril, les députés seront en campagne. Cela présente également des avantages. Une présidence à la fin de la législature du Parlement européen signifie que beaucoup de dossiers sont bien avancés dans le processus législatif et que la Belgique a la chance de pouvoir en conclure un grand nombre. Cela veut dire aussi que les dossiers les plus complexes restent à régler. Pour la présidence belge, selon les chiffres du Parlement, il reste un peu plus de deux cents dossiers législatifs en cours, 157 sont en première lecture au Parlement, 68 sont en attente d’une décision au sein du Conseil. Pendant ces trois mois, la présidence belge intensifiera donc les relations de travail avec le Parlement, la Commission et le Conseil pour arriver à des compromis. Pour conclure, je dirais que ce contexte est plutôt une opportunité pour la Belgique. J’ai trouvé très intéressant que la présidence belge propose un programme en deux temps: trois mois très intenses de travail législatif et, lors des trois derniers mois, un travail un peu plus prospectif sur l’avenir de l’Union européenne.
Quels sont les dossiers les plus urgents à régler par la présidence belge?
On peut citer, comme priorités, le pacte sur la migration et l’asile, le budget, et la gouvernance économique. Au Parlement européen, figurent aussi un certain nombre de dossiers qui sont d’un grand intérêt pour tous les citoyens: l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la migration… La transition juste, liée au climat et à l’énergie, pour laquelle la présidence belge souhaite maintenir le cap et poursuivre le travail lancé par la Commission est un autre projet important. La présidence belge met également en avant une série de dossiers à dimension sociale, comme l’accès au logement pour tous, la lutte contre la pénurie de médicaments, le lien entre la transition écologique et la transition sociale.
La montée en puissance des partis d’extrême droite peut-elle peser sur le débat politique, notamment le pacte pour l’asile et la migration?
Il faut prendre avec prudence les sondages sur les élections européennes. Mais, on l’a vu lors des législatives aux Pays-Bas, certains partis sont en pleine ascension politique. La menace de la montée des partis d’extrême droite et de droite radicale peut effectivement avoir un rôle dans la négociation à propos du pacte sur la migration et l’asile. Ce thème est très politisé, très débattu et est à l’agenda politique de tous les Etats membres. L’objectif est de conclure rapidement la discussion sur le pacte. Par conséquent, je suppose que la Belgique mettra tout en œuvre pour réaliser un accord à l’échelon européen pendant sa présidence.
Une présidence en fin de législature du Parlement signifie que beaucoup de dossiers sont bien avancés.
Le Premier ministre, Alexander De Croo, a déclaré qu’il y avait «des mesures moins conflictuelles [que l’extension du vote à la majorité qualifiée] qui permettent de faire des progrès» sur les réformes internes. Quelles pourraient être ces mesures?
L’idée est de voir comment on peut réformer l’Union européenne sans avoir recours à la procédure ordinaire de révision des traités prévue à l’article 48 qui fixe les modalités spécifiques. Une procédure très contraignante qui exige la ratification par tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Je pense que le Premier ministre a voulu dire qu’il faudrait réfléchir à la façon d’utiliser les procédures simplifiées, les clauses passerelles et la procédure de révision simplifiée, existant dans les traités, ce qui permettrait d’avancer sur beaucoup de dossiers. Ces procédures ont été sous- exploitées jusqu’à maintenant par les institutions européennes. Procéder de cette manière serait peut-être une approche plus pragmatique et plus réaliste. Mais il faut rappeler que la Belgique a une vision très ambitieuse en ce qui concerne les réformes internes de l’Union européenne. Par exemple, avec un groupe d’Etats, elle soutient le passage du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Pour sa présidence de l’Union européenne, elle adopte une vision plus pragmatique. En se focalisant sur les mesures moins conflictuelles pour avancer sans procéder à une révision ordinaire des traités, elle peut jouer un rôle important. En quelque sorte, elle préparera, par ce travail prospectif, les conclusions du Conseil européen de juin 2024 sur l’avenir de l’Union. Elle pourra terminer sa présidence avec des propositions concrètes.
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Entre une Hongrie qui conteste de plus en plus certaines orientations de l’Union européenne et la Pologne qui s’est dotée d’un nouveau gouvernement proeuropéen, le contexte sera-t-il plus ou moins apaisé pendant cette présidence?
Le changement de gouvernement en Pologne est important en ce sens qu’il accroît la cohésion entre les Etats membres du Conseil européen sur la question du respect des valeurs communes. Les divisions sont inéluctables. Chaque Etat essaie, à juste titre, de défendre ses intérêts. Mais défendre ses propres intérêts n’empêche pas de réfléchir à des positions européennes communes. C’est l’essence même de l’intégration européenne. Lors du sommet des 14 et 15 décembre, on a tout de même pu observer que, malgré la non-participation à la prise de décision de la Hongrie, toutes les capitales ont marqué leur accord pour cette décision historique d’élargir l’Union à trois nouveaux Etats – l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie – et de continuer le processus avec les pays des Balkans.
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