Une vie à décrire la guerre et à soigner ses séquelles
On ne sort pas tout à fait indemne de la lecture du livre du grand reporter Jean-Paul Mari, Oublier la nuit (1). Parce qu’il l’entame avec le choc qu’il a subi à l’âge de 11 ans à la suite de l’assassinat de son père, en 1962, à Alger, sous les tirs des indépendantistes du FLN, le Front de libération nationale. Parce qu’il mettra «toute une vie d’adulte pour trouver un sens à ce chaos primaire». Et parce que, la guerre étant devenue son terrain d’enquête, il explorera dans ses reportages les tréfonds les plus abjects de la violence humaine.
Avec Oublier la nuit, on voit redéfiler quarante ans d’actualité tragique: guerres civiles algérienne et libanaise, conflit israélo-palestinien, guerre américaine en Irak, génocide au Rwanda où l’auteur a «vu l’enfer» et a frôlé comme jamais la mort parce que des miliciens hutus avinés le soupçonnaient d’être belge. On découvre l’indifférence coupable qu’inspirent ses reportages prémonitoires sur la montée du fondamentalisme musulman, au Proche-Orient et en France, ou sur le fléau de la pédophilie, en Thaïlande, aux côtés de la militante belge Marie-France Botte.
Jean-Paul Mari n’élude pas ses propres failles, la diffusion de l’interview d’un faux garde du corps de Saddam Hussein ou les effets sur ses relations familiales et professionnelles du stress traumatique postconflit. On discerne tout de même dans ce sombre tableau des sources de lumière, à travers des rencontres: Shimon, le militaire israélien défiguré, Aziz, le réfugié guinéen sorti de l’enfer des tortures de Libye, Klaus, le capitaine allemand de l’Aquarius, sauveteur de migrants en Méditerranée, ou Jeanne, l’aide-soignante harassée au temps du Covid mais qui a trouvé une utilité à son existence. Permettre la prise de parole de tous ces témoins aura donné la sienne au grand reporter de L’Obs.
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