Mélanie Geelkens
Une sacrée paire | « Ainsi meurent-elles dans les polars. Anonymes, banales. Mais belles. Apparemment, c’est important pour se faire occire littérairement »
C’était le premier livre sous confinement. Le premier d’une longue série, parce qu’il n’y a de toute façon pas tant d’autres loisirs auxquels s’adonner en ce moment (le ménage n’est pas un loisir).
L’histoire d’un inspecteur-chef québécois et d’une fille en robe rouge trop voyante, retrouvée le cou brisé dans un jardin. Couic. Pas mal, franchement (1). Pas mal cliché, aussi. Parce qu’à bien y réfléchir (pas grand-chose d’autre à faire, ces temps-ci), ils semblent tous écrits dans le même moule, les romans policiers. Un flic, de préférence génialement torturé, et une victime, généralement féminine.
Non ? Si. Presque. Fallait bien s’occuper, alors toutes les quatrièmes de couverture alignées dans la bibliothèque ont été relues, classées et vérifiées. Puis c’était l’occasion de passer les poussières (a-t-il déjà été mentionné que, pour l’instant, il n’y avait de toute façon pas grand-chose d’autre à faire ?). Bon, quatre mètres d’étagères, c’est pas les Chiroux ou les Riches-Claires. Juste un petit échantillon, sans prétention, de polars. Alors voilà. Sur les 61 ouvrages identifiant clairement un représentant des forces de l’ordre, 41 d’entre eux étaient des hommes. Parfois secondés d’une femme. Comme Thomas Lynley et Barbara Havers, Cormoran Strike et Robin Ellacott, Oliver von Bodenstein et Pia Kirchhoff (2). Des petites malignes, cela dit. Des futées. Mais les boss, les gradés, les leaders, c’est eux.
Puis ensuite, du côté des victimes, le bilan se révèle assez partagé. 48 tués pour 50 exécutées. Quasi la parité, faudrait pas chicaner. Mais pas l’égalité de statut. Autant savoir : pour se faire flinguer, dans un policier, mieux vaut être haut placé dans la richesse ou la société : » riche homme d’affaires « , » homme d’affaires » (tout court, mais il ne faisait sans doute pas la manche, avant de se ramasser une balle), » richissime homme d’affaires « , » riche médecin « , » écrivain célèbre « , » puissant chef de gang « , » riche ermite « , » diplomate « , » professeur d’histoire « , » archevêque « , » champion de cricket « , » député « . Ah, tiens, un simple » jeune homme « … » neveu d’un richissime industriel « .
Et elles ? Juste des » femmes « . Souvent » jeunes « , d’ailleurs. Ou parfois » filles « . Comme cette » jeune fille débordante de vie et de fantaisie » (avant d’être assassinée, s’entend). Ou cette » fille à demi-nue percutée « , cette » jeune femme retrouvée sauvagement assassinée « , cette » femme égorgée « , cette » femme anonyme « , ces » cadavres de jeunes filles retrouvés derrière les tombes de peintres célèbres « , cette » épouse « , cette » petite amie « , cette » mère de famille sans histoires « , cette » discrète sexagénaire « , cette » enseignante à la retraite « , cette » séduisante institutrice « , cette » jolie lycéenne « . Puis ce » mannequin célèbre « , forcément pas affreuse. Rien n’est précisé quant à la beauté de cette » auteur (sic) féministe « . Mais bon, elle, son sort, elle devait l’avoir bien cherché.
Ainsi meurent-elles, donc, au fil des pages des polars. Anonymes, banales. Sans profession affichée mais avec maris indiqués. Puis belles. Apparemment, c’est important, pour se faire occire littérairement. Pas que par des écrivains, mais principalement quand même : dans l’échantillon (représentatif ? ), ils étaient 44, contre 24 auteures. Epilogue : les romans policiers ne sont que le reflet de la société. Patriarcale, fallait-il le préciser ?
(1) Une illusion d’optique, par Louise Penny, Babel noir, 2019, 432 p.
EcoRes regroupe différents acteurs, comme le confectionneur Dutra, l’entreprise de travail adapté Travie (qui prédécoupe les matériaux) et Urbike, la coopérative qui les livre à vélo aux couturières. Les seules à ne pas être rétribuées, selon Axelle. Pour des raisons financières, justifie le concepteur du projet : plus le prix de revente serait bas, mieux ce serait, » car c’est l’argent de l’Etat et, donc, du contribuable « . » Pourquoi ne pas avoir rémunéré les couturières ? , s’indigne l’une d’entre elles dans le magazine. Une fois de plus, on considère notre métier comme un loisir du dimanche… On semble oublier que les couturières, comme les soignantes, les caissières ou les éboueurs sont des fonctions essentielles durant cette crise. »
des 1 500 bénévoles du projet EcoRes sont des hommes. Cette ligne de production solidaire de masques a été lancée mi-mars, à Bruxelles, pour tenter de réaliser 100 000 de ces équipements en pénurie et de les revendre aux autorités. Mais il y a aussi toutes celles qui, de leur côté, ont ressorti leur machine à coudre et passent parfois leurs journées à en confectionner. » Lutte contre le coronavirus : si les femmes s’arrêtent, les masques tombent « , comme titre le magazine féministe Axelle dans son édition d’avril.
Elle s’appelait Lorena Quartana, elle était étudiante en médecine et travaillait dans un hôpital sicilien. Elle est décédée, le 1er avril. Pas du coronavirus. Mais son compagnon, un infirmier de 28 ans, la soupçonnait d’être infectée et de l’avoir contaminé. Alors il l’a étranglée, a-t-il justifié lors de son interrogatoire par la police, selon le quotidien La Sicilia. Ni l’un ni l’autre n’étaient en fait malades. Lorena Quartana est quand même morte.
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