Laurence D'Hondt
Une immense frustration sexuelle à la base des violences de Cologne
Les événements de Cologne rappellent la violence sur la place Tahrir au Caire. C’est le reflet d’une frustration sexuelle qui hante le monde arabe. Avec la montée du wahhabisme saoudien et l’absence de perspectives économiques, les jeunes gens n’ont plus accès aux femmes de leur pays.
Les violences sexuelles que l’Allemagne découvre ne peuvent être excusées. Mais il n’est peut être pas inutile d’essayer de comprendre d’où elles viennent pour mieux les endiguer.
On se souvient sans doute du récit de ces journalistes françaises qui lorsqu’elles avaient couvert les évènements de la place Tahrir au Caire, avaient fait l’objet d’attouchements poussés, voire dans certains cas, de viols. Malgré leur connaissance de ces pays, ces femmes journalistes étaient revenues choquées par la violence soudaine exprimée par ces hommes qui étaient pourtant rassemblés dans de tout autres objectifs.
Les faits qui se sont déroulés lors de la nuit de Nouvel An à Cologne ressemblent à ces violences vécues en Egypte : des hommes entourent en nombre de jeunes femmes sur lesquelles ils fondent littéralement dans l’objectif de les toucher, de pousser leurs mains où ils peuvent, de palper ce qui dans leur société est si difficile d’accès. Le viol dans ce cas est rare et généralement le fait d’un homme isolé qui a une intention délibérée de passer à l’acte.
On est là dans une forme de violence inédite qui n’entre pas dans un registre connu dans les pays européens, mais qui est en revanche fréquent dans les pays arabes où la police locale, connaissant ce phénomène, intervient immédiatement à coup de lanières ou de matraques. L’absence de réaction immédiate de la police allemande est sans doute en partie liée à l’incompréhension de ce qui se passait sur la place de Cologne durant la nuit de la St Sylvestre.
La plupart des jeunes hommes, -et des jeunes femmes-, qui grandissent aujourd’hui dans les sociétés arabo-musulmanes ont une sexualité totalement bridée. La littérature et le cinéma regorgent d’histoires de leurs petites et grandes frustrations. Que l’on prenne le film égyptien, « Les femmes du bus » dont l’histoire s’articule autour de jeunes hommes qui se frottent contre le corps ‘trop’ proche de jeunes femmes dans les transports du Caire. Que l’on lise l’auteur Khaled El Khamissi qui, dans « l’Arche de Noé », raconte combien la jeunesse est dans l’impasse quand elle découvre l’impossibilité d’avoir accès au marché du travail et a fortiori à la sexualité, en l’absence de moyens pour épouser une femme. Selon un rapport des Nations unies réalisé en avril, 99,3 % des femmes et jeunes filles égyptiennes ont été victimes de harcèlement sexuel, un phénomène qualifié d’endémique. Une situation identique au Yémen et qui devient monnaie courante en Irak ou en Syrie où l’effondrement des structures d’Etat laisse libre cours à la violence à l’égard des femmes. Même dans le très libéré Liban, l’auteur Rachid El Daif, raconte dans « Montre moi tes jambes Leila », comment la sexualité est objet de fantasmes déconnectés de la réalité et comment les hommes et les femmes ne se rencontrent que dans une fiction où la femme doit prétendre à la virginité et l’homme à la toute puissance. Les premières victimes de cette frustration sont donc arabes et non occidentales.
Dans le monde arabe aujourd’hui, les relations sexuelles sont plus que jamais cadenassées
Il y a à cela plusieurs raisons. Elles sont d’abord économiques. En effet, il n’y a dans la plupart des régions rurales et même urbaines du monde arabo-musulman que le mariage qui donne accès à la sexualité et ce mariage n’est possible qu’en ayant les moyens d’offrir à la femme, le montant exigé par sa famille pour l’épouser. En l’absence de moyens dus à l’absence de perspectives économiques, les hommes sont obligés de rester vivre auprès de leur famille et n’ont qu’un seul exutoire à leur sexualité : tenter leur chance auprès de prostituées ou d’étrangères. Depuis quelques décennies, ces blocages économiques ont été renforcés par des considérations religieuses restrictives : avec pour modèle le wahhabisme saoudien, hommes et femmes sont poussés à vivre dans des mondes séparés où la mixité est perçue comme une invitation à la débauche et où tout comportement contrevenant à cette attitude est considéré comme non islamique.
Ainsi, il n’est pas rare dans les pays arabes de rencontrer des hommes qui a 30 ou 35 ans n’ont jamais eu l’occasion de toucher une femme. Cette frustration sexuelle, racontée par la littérature et le cinéma est un des moteurs de la violence que connaît aujourd’hui le monde arabe.
Il ne s’agit donc pas d’excuser les comportements de la nuit de Cologne, mais de donner un éclairage sur leur origine. L’intégration des migrants passe aussi par la prise de conscience de l’univers sexuel dans lequel ils ont grandi.
Dans ce cadre on ne peut qu’approuver la proposition faite par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Theo Francken (N-VA), qui veut introduire des cours sur la manière de se comporter avec les femmes dans les centres d’accueil. Car s’il y a bien un domaine où le malentendu est profond et intime, c’est celui là.
Il y a 20 ans, une dame syrienne faisait cette réflexion : « Mais je ne comprends pas comment les hommes et les femmes en Europe peuvent s’allonger les uns à côté des autres sur les plages, sans se jeter les uns sur les autres » .
Elle avait pourtant 60 ans, était chrétienne et Syrienne d’origine, vivant au Caire…
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