Jean Papadopoulos
Une (dernière) chance de sauver l’Union européenne
Au plus fort de la crise de l’euro, aussi appelée « crise grecque » nos dirigeants avaient-ils pleine conscience de leurs actes ?
La Grèce, ce grand petit pays, était certes ruiné et sur le point de démontrer la théorie de l’effet papillon sur l’état des finances de ce monde, mais on a négligé que la Grèce était et est aussi aux bords historiques de deux mondes…
Jamais la Grèce n’a revendiqué détenir des murailles pour arrêter les barbares, préférant se situer comme une terre de passage, une porte de l’Occident sur l’Orient.
Essence de cet Occident qui l’a souvent trahie et dont elle a inspiré les Lumières sans y participer, la traversée de la Terre des Hellènes a toujours été nécessaire pour les grandes découvertes ou pour les grandes conquêtes, des Perses en passant par Alexandre le Grand, des Romains aux Ottomans jusqu’à Mussolini et l’Afrika korps…
En détruisant de la sorte les structures de l’état grec (certes premier responsable de son triste sort), en appauvrissant ses citoyens dans un contexte géopolitique détonant, tout en appliquant à l’excès le principe du politiquement correct face à son ennemi héréditaire, la Turquie et il faudrait ajouter la Turquie d’Erdogan, nos dirigeants n’ont-ils pas démontré qu’ils ne méritent en rien leur place dans une Union Européenne construite pour pérenniser la paix ?
Depuis 1973, la Turquie revendique la moitié de la mer Egée et a des vues sur la Thrace occidentale – dont la Grèce a préservé et a favorisé la prospérité de la minorité musulmane contrairement au triste sort réservé à la communauté grecque de Turquie réduite à une peau de chagrin depuis le pogrom de 1955.
Depuis 1981, date d’adhésion de la Grèce à l’Union européenne, la Turquie revendique « manu militari » une partie de l’Union européenne !
Depuis 1974, la Turquie occupe « manu militari » près d’un tiers de la république de Chypre, un Etat de l’Union européenne sans qu’on ait jamais vu un dirigeant européen s’inquiéter du sort d’un pays membre avec le même zèle qu’un grand nombre s’inquiète du sort de la Palestine !
Au plus fort de la « crise grecque », les créanciers du haut de leur bulle, ont même exigé une limitation drastique des budgets de la défense et de la sécurité.
Le résultat ne s’est pas fait attendre : des centaines de milliers de réfugiés ont été déversés par la Turquie, pour déstabiliser l’Europe et pour en retracer ses frontières en mer Egée !
La Turquie d’un Erdogan devenu incontrôlable qui un jour abat un avion russe, qui emprisonne ses propres journalistes parce qu’ils ont démontré des liens plus qu’étroits entre l’état turc et Daesh, qui provoque une guerre et la destruction de dizaines de villages kurdes pour garder le pouvoir, qui fait chanter l’Europe au détriment des damnés de Syrie, qui irrite ses alliés et ses opposants au point qu’il faille organiser un coup d’état pour l’écarter…
Pendant que les créanciers ou dirigeants, souvent diplômés des « Solvay » et autres « London School of Economics » ont été incapables de sortir de leurs tableaux « excell » et de leurs évidences numériques pour venir partager avec le commun des mortels la Crise avec un C majuscule, sa cause et ses conséquences, dans la vie réelle !
Premiers résultats tangibles de cette gouvernance inanimée : l’émergence d’une extrême droite décomplexée et de populistes simplificateurs dans une Europe qui a accepté le dépouillement des réfugiés de guerre pour « payer leur séjour », une Europe dont un des plus grands, la France est en état d’urgence quasi-permanent après avoir suspendu certaines règles de la convention des droits de l’Homme, une Europe prête à se vendre dans un TTIP ou au Qatar, au détriment de ses valeurs humanistes, une Europe aveugle au monde qui l’entoure, et sourde au monde qui l’habite, une Europe des technocrates kafkaïens qui ont conduit droit au Brexit, premier coup de massue d’une démolition annoncée.
Aujourd’hui, malgré une crise sans précédent, plus que jamais la Grèce reste un pilier de la stabilité démocratique européenne, mais un pilier affaibli qui nécessite urgemment un rétablissement incontestable de ses fonctions régaliennes et surtout un renforcement du moral de son peuple…
Aujourd’hui, l’occasion est là pour ces mêmes dirigeants de poser un acte d’hommes d’Etat par un soutien inconditionnel, factuel de l’Europe, de la Grèce et de Chypre, face aux nouvelles menaces et au chantage de la Turquie par l’envoi d’une force militaire européenne aux confins du monde européen, en mer Egée et en méditerranée orientale, prête à défendre les intérêts de l’Union.
Un véritable message de fermeté, d’autant plus fort qu’il serait inattendu et inespéré de la part des démocraties européennes que tout le monde croient plutôt prêtes à répéter les accords de Munich.
Une fermeté qui pourrait renforcer l’idée de l’Union et fragiliser Erdogan, voire aider les démocrates à rétablir un Etat de droit en Turquie !
Car si Erdogan abuse de l’Europe pour renforcer sa dictature, pourquoi l’Europe n’userait-elle pas d’Erdogan pour renforcer la démocratie ?
Car le sauvetage de l’Union européenne sera politique ou ne sera pas !
Car aujourd’hui, à force d’avoir fermé les yeux et bouché son nez sur la réalité, on se retrouve tous, tant ceux qui se croyaient olympiens (les dirigeants – quel hubris !) que le commun des mortels (les citoyens, la plèbe) face à ce nouvel état de fait innommable où l’on décapite sur les ponts, où l’on détruit des librairies, où l’on emprisonne arbitrairement les juges, les enseignants et les journalistes, où l’on ferme écoles et universités, où…de l’autre côté de la mer Egée, de l’autre côté des côtes européennes…aux portes de l’Europe, face à la Grèce, pauvre et appauvrie, mais déterminée à garder les Thermopyles, encore une fois.
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