Un politologue belge raconte Mobutu « de l’intérieur »
Jeune enfant au Congo belge devenu connaisseur du Zaïre, Dominique Ugeux, vient de publier un livre parsemé de révélations et d’anecdotes inédites sur l’homme qu’était le sergent devenu maréchal-président-fondateur Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko, en présentant « ses défauts, ses qualités, sa force, ses faiblesses, sa naïveté, sa vulnérabilité, son faste et sa simplicité ».
Dans cet ouvrage intitulé « Le Mobutu que j’ai connu », il raconte avoir fait la connaissance du dirigeant zaïrois en 1976, par l’entremise de son père, ancien journaliste du Soir et auparavant, avant l’indépendance, de Radio Congo belge, puis fonctionnaire colonial, Etienne Ugeux. Ce dernier avait rencontré le sergent Mobutu, servant au sein de la Force publique (l' »armée » du Congo belge), comme responsable de la ‘Revue de la troupe’ dès 1956. Il l’avait aidé à poursuivre sa formation de journalisme, avant qu’il n’entame une progression fulgurante – colonel, puis général – et s’empare du pouvoir le 24 novembre 1965 qu’il occupera sans partage durant 32 ans.
L’auteur n’a ensuite cessé de le croiser, notamment à de nombreuses reprises dans son somptueux palais – désormais à l’abandon – de Gbadolite (nord-ouest), près de son lieu de naissance, où le dictateur s’était enfermé en 1984 et dans les dernières années de sa vie. Au point de perdre de vue l’évolution politique en cours à Kinshasa et dans le reste de son immense pays.
Dominique Ugeux a aussi tâté de la politique – il a servi au sein du cabinet du ministre de la Défense Paul Vanden Boyenants, a été collaborateur du groupe (à l’époque) PSC de la Chambre et s’est présenté aux élections législatives de 1981 sous les couleurs du parti social-chrétien. Il a ensuite créé sa propre société de « lobbying », principalement active en Afrique.
Mais son livre – publié à compte d’auteur et au récit parfois approximatif – décrit une étonnante rencontre, le 22 août 1995, avec Mobutu, déjà affaibli par un cancer de la prostate, dans sa résidence de Cap Martin (sud de la France), où les deux hommes ont eu un long entretien approfondi. Ce sera leur dernier avant le départ du pouvoir, le 16 mai 1997, du « vieux léopard », chassé par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, le père de l’actuel chef de l’État congolais, Joseph Kabila, et son décès, le 7 septembre suivant, en exil à Rabat.
En dépit d’une forme d’intimité qui s’était instaurée entre les deux hommes au fil des ans, Dominique Ugeux ne se prive pas de détailler les « actions suicidaires » de Mobutu: la zaïrianisation (la nationalisation des entreprises privées) de novembre 1973 et sa décision de s’installer définitivement à Gbadolite en 1984, peu avant le lâchage par l’Occident de cet ancien agent de la CIA américaine, qui a conduit à sa perte.
Le Mobutu que j’ai connu, Dominique Ugeux, 312 p., Editions Surprendre, 25 euros.