Un « Pacte pour l’avenir », pour des Nations unies 2.0
Le « Pacte pour l’avenir » adopté dimanche par les Etats membres de l’ONU prévoit 56 « actions » pour faire face aux « plus grands défis de notre époque », des domaines historiques du maintien de la paix à des sujets plus innovants comme l’intelligence artificielle.
Le « Sommet de l’avenir » (Summit of the Future) s’est ouvert dimanche matin (15h, heure de Bruxelles) à New York, dans le cadre de la 79e session de l’assemblée générale de l’Onu. La reine Mathilde y est présente en sa qualité de Défenseure des Objectifs de développement durable des Nations unies. Le Premier ministre, Alexander De Croo, est quant à lui attendu à New York plus tard dans la journée.
Le « Sommet de l’avenir » ambitionne ni plus ni moins de donner un second souffle au multilatéralisme, durement éprouvé ces dernières années, face aux défis actuels, comme le changement climatique, et ceux à venir. L’occasion « unique », selon les mots de l’Onu « de restaurer une confiance érodée et de démontrer que la coopération internationale permet d’atteindre de manière efficace les objectifs convenus et d’aborder les nouvelles menaces et les nouvelles possibilités. » Il s’agit aussi de remettre en selle la communauté internationale par rapport aux Objectifs de développement durable (ODD). En effet, la réalisation des 17 ODD pour 2030, parmi lesquels l’élimination de la pauvreté et de la faim dans le monde, n’est pas en bonne voie et a pris du retard avec la pandémie de Covid-19.
Le sommet a adopté peu après 9h30 (15h30, heure de Bruxelles), par consensus des 193 États membres de l’Onu, un « Pacte pour l’avenir » comprenant, en annexe, un Pacte numérique mondial et une Déclaration sur les générations futures. Le texte, qui s’était pourtant heurté d’emblée aux réticences de la Fédération de Russie, soutenue par une poignée de ses alliés (Bélarus, Iran, Corée du Nord…), préconise, au sein d’un copieux catalogue « d’actions », une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies pour le rendre « plus représentatif », « plus inclusif », « plus transparent » ou encore « plus efficace » et « plus démocratique ». À cet égard, la Belgique ambitionne d’être élue parmi les 10 membres non permanents du Conseil de sécurité lors de la période 2037-2038. Le secrétaire général de l’Onu, António Guterres, a salué l’adoption d’un texte qui éloigne le multilatéralisme « du bord du gouffre ». « Les défis du 21e siècle requièrent des solutions du 21e siècle », a-t-il estimé.
Paix et droit international
Soulignant « l’augmentation et la diversification » des menaces à la paix mondiale, notamment le « risque de guerre nucléaire », le Pacte répète des engagements fondamentaux des membres de l’ONU: respect de la Charte, des droits humains et du droit international, protection des civils, diplomatie pour la résolution des conflits… Principes pourtant violés quotidiennement à travers le monde. Le Pacte réaffirme également l’engagement à l’élimination des armes nucléaires.
Alors que plusieurs dizaines de milliers de Casques bleus sont déployés dans le monde, il reconnait le besoin d’adapter les missions de maintien de la paix onusiennes parfois décriées par les pays hôtes, pour mieux répondre aux réalités d’aujourd’hui (action 21). Il demande notamment au secrétaire général de faire des recommandations sur la façon dont la « boite à outils de l’ONU peut être adaptée » pour répondre de façon plus « souple » et « sur mesure » selon les situations sur le terrain.
Climat
« Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre époque » et « nous sommes très inquiets du rythme lent actuel des progrès » pour le freiner. Malgré tout, le Pacte ne va pas vraiment plus loin que les engagements pris à la COP28 fin 2023: (action 9) « transition » pour sortir des énergies fossiles, triplement des capacités de renouvelables d’ici 2030, neutralité carbone d’ici 2050, poursuivre les efforts pour limiter le réchauffement à +1,5°C. Mais cela aurait pu être pire. Toute référence aux énergies fossiles avait disparu du texte pendant les négociations, avant d’être réintroduit. « Il y a eu une pression féroce de pays producteurs d’énergies fossiles » pour cette suppression, note ainsi Alden Meyer, du centre de réflexion E3G, saluant le fait que cet engagement à sortir des fossiles est désormais pris au plus haut niveau des chefs d’Etat et de gouvernement.
Développement et finance
Le Pacte promet d’accélérer les efforts pour atteindre les Objectifs de développement durable qui visent notamment à, d’ici 2030, éradiquer l’extrême pauvreté, lutter contre la faim, égalité hommes-femmes, éducation… Objectifs dont la plupart ne sont pas sur la bonne voie malgré les engagements pris en 2005 et répétés il y a un an. Dans ce contexte, sujet qui tient à coeur des pays les plus pauvres, le Pacte s’engage à « accélérer la réforme de l’architecture financière internationale » (action 47), pour permettre notamment à certains Etats qui en sont exclus d’avoir un accès facilité à des financements préférentiels des banques de développement, pour investir dans les ODD et se préparer aux impacts du réchauffement. Mais ces réformes devront passer par des décisions prises ailleurs, à la direction du Fonds monétaire international (FMI) ou de la Banque mondiale notamment.
Conseil de sécurité
Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU est aujourd’hui largement paralysé par le pouvoir de véto de la Russie ou des Etats-Unis, le Pacte s’engage à une réforme de cet organe clé au fonctionnement largement hérité des rapports de force de l’après Seconde guerre mondiale, pour le rendre « plus représentatif » et plus « efficace ». Il souligne la priorité de « réparer l’injustice historique » de l’Afrique qui n’a pas de membre permanent. « Le langage le plus fort » sur ce sujet « depuis une génération », estime Antonio Guterres. Mais le texte ne cache pas les désaccords qui persistent sur ce véritable serpent de mer, notamment le nombre de nouveaux membres et l’avenir du droit de véto.
Intelligence artificielle
Les Etats membres ont également adopté en annexe du document principal le « Pacte numérique mondial » pour réduire la fracture numérique, et développer des technologies sûres et respectueuses au service de tous. Le texte se penche notamment sur les opportunités et les risques de l’intelligence artificielle (IA). Alors que le développement rapide de technologies révolutionnaires pourrait menacer la démocratie et les droits humains, les Etats s’engagent à mettre en place, sous l’égide de l’ONU, un Groupe scientifique international consacré à éclairer un dialogue international régulier sur le sujet entre gouvernements et autres acteurs du secteur.