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Un fossé toujours plus grand entre « gilets jaunes » et médias

Le Vif

Des actions et slogans hostiles aux journalistes, un refus de leur parler ou une « gilet jaune » critiquée pour avoir envisagé d’être chroniqueuse sur BFMTV: la défiance ne cesse de grandir entre les manifestants et les médias traditionnels, à qui ils préfèrent d’autres relais privilégiant le live.

L’une des figures des « gilets jaunes », Ingrid Levavasseur, qui devait intervenir ce dimanche à l’essai comme chroniqueuse dans une émission de BFMTV, y a finalement renoncé après avoir reçu de nombreuses critiques sur internet. L’initiative avait aussi suscité des questionnements au sein de la chaîne.

Cet incident illustre le fossé grandissant entre « gilets jaunes » et médias d’information historiques, en particulier les chaînes de télévision, BFMTV en première ligne.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) doit se réunir lundi pour étudier le traitement médiatique des manifestations et incidents de samedi à l’occasion de « l’acte VIII » de la mobilisation.

Au cours de cette journée, l’hostilité à l’égard de la presse a été palpable, à travers notamment des huées et des slogans hostiles aux médias comme « Nique la presse », entendus lorsque les manifestants ont fait halte devant le siège de l’AFP à Paris.

Selon des journalistes présents lors de la manifestation, des « gilets jaunes » critiquaient « les médias qui mentent » voire refusaient de leur parler.

A contrario, les « gilets jaunes » semblent de plus en plus diriger leur confiance vers des médias récents, jugés plus « libres » et privilégiant la diffusion en direct des images des manifestations, comme la chaîne RT France, version francophone de la télévision publique russe RT (ex-Russia Today), ou encore Brut, un média 100% réseaux sociaux, tous deux lancés en 2017. « Nos journalistes sont parmi les manifestants et prennent des risques pour apporter une couverture la plus complète possible », assure à l’AFP Xenia Fedorova, présidente et directrice de l’information de RT France, pour expliquer ce succès auprès des manifestants. « Nous donnons aux +gilets jaunes+ une plate-forme pour s’exprimer. Nous les traitons avec respect, sans leur coller d’étiquette d’extrême droite ou d’extrême gauche, comme ont pu le faire de nombreux médias auparavant », ajoute-t-elle.

« Contre-espace public »

Samedi, nombre de « gilets jaunes » suivaient aussi en direct les images de Brut et de son journaliste Rémy Buisine, qui s’est fait un nom en filmant et diffusant pendant des heures les assemblées de « Nuit debout ».

« Dans le mouvement des +gilets jaunes+, il y a tout un discours de dénonciation des sachants: journalistes, politiques, experts », analyse Arnaud Mercier, professeur en communication à l’Université Paris II. « Ce qu’ils reprochent aux médias, c’est tout d’abord de les avoir ignorés, rendus invisibles à la société pendant des années ». « Les réseaux sociaux sont un contre-espace public pour eux », explique-t-il. Les caméras de RT France parfois « suivent les manifestants, pratiquement sans commentaires » et « les gens se disent « c’est vrai, ce n’est pas manipulé ».

Selon un sondage créé par Eric Drouet, une figure du mouvement, publié sur la page Facebook de « Vécu, le média du gilet jaune », à la question « Si nous voulions créer une page média des gilets jaunes où seulement les médias libres pourraient poster leurs infos (…), quels médias vous aimeriez? », plus de 4.800 votants ont placé Brut en premier, suivi par RT France (plus de 1.600 voix) et « Vécu ».

Depuis le début du mouvement, la colère des « gilets jaunes » s’est fréquemment tournée contre les médias, accusés de « collaborer » avec le gouvernement, des journalistes ayant été agressés physiquement.

Une tendance qui s’est affirmée ces derniers jours. Le 29 décembre, plusieurs centaines de « gilets jaunes » étaient venus conspuer les « journalistes collabos » à proximité des locaux de BFMTV et de France Télévisions.

Vendredi, quatre personnes ont été interpellées après une tentative de blocage par une cinquantaine de manifestants du siège de L’Est Républicain, près de Nancy.

Le 27 décembre, des manifestants avaient bloqué la diffusion de plusieurs éditions de journaux du groupe Ouest-France.

Une « pression sur les médias » de la part de certains « gilets jaunes » dénoncée sur Twitter par le ministre de la Culture Franck Riester après les nouveaux slogans hostiles entendus dans la capitale samedi.

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