Un cadastre mondial des richesses pour traquer les oligarques et autres milliardaires
La Commission indépendante sur la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT) demande aux dirigeants du G20 de créer un registre mondial des actifs pour enfin cibler les richesses cachées.
Le moment est bien choisi. La semaine dernière, dans les Pandora Papers Russia, le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) révélait combien il était difficile de sanctionner les oligarques russes tant leurs richesses étaient astucieusement dissimulées dans des structures élaborées, souvent des sociétés offshores dont les véritables bénéficiaires sont difficiles à déterminer. L’ICRICT profite de l’occasion pour relancer le débat sur la création d’un registre mondial des actifs. L’ICRICT ? Cette commission indépendante rassemble des économistes et/ou juristes leaders, de renommée internationale, comme Joseph Stiglitz (prix Nobel 2001), Gabriel Zucman, Thomas Piketty ou encore le Colombien José Antonio Ocampo (président de l’ICRICT), qui veulent tenter d’influer sur le débat fiscal international.
Pour cette commission de haut vol, le problème ne se limite pas aux milliardaires russes proches de Poutine, qui détiendraient au moins 1 000 milliards de dollars. Trop de richesses appartenant à des familles fortunées, partout dans le monde, restent cachées dans des paradis fiscaux et secrets qu’ils soient offshore ou onshore. En outre, selon l’ICRICT, « les populations sont épuisées après deux ans de Covid-19 » et « l’invasion de l’Ukraine par la Russie a aggravé ce contexte déjà inquiétant, avec la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires », alors, « depuis le début de la pandémie, les 10 hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune« . Et de souligner que cette concentration extrême des richesses « sape nos principes démocratiques », car elle prive notamment les Etats de ressources précieuses.
La guerre en Ukraine montre, en effet, qu’il est nécessaire de mettre en place rapidement des mesures de transparence pour cibler les richesses cachées qui échappent aux autorités publiques. Les membres de l’ICRICT lancent donc un appel aux dirigeants des pays les plus importants de la planète pour profiter de cette occasion unique de créer un RGA, soit un Registre Mondial des Actifs, qui relierait tous les types d’actifs (biens immobiliers, comptes bancaires, trusts, coffres-forts, cryptoactifs, oeuvres d’art, yachts, avions, bijoux, etc.), non pas à leurs propriétaires légaux – qui sont souvent des hommes de paille -, mais à leurs bénéficiaires effectifs. Pour ces économistes, c’est techniquement possible. La seule chose qui manque est la volonté politique de s’attaquer une fois pour toutes aux paradis fiscaux.
Leur idée est simple : il s’agirait de mettre en oeuvre un réseau interconnectant tous les registres d’actifs nationaux de toutes les différentes formes de richesses qu’un individu peut posséder, en encourageant les pays qui n’ont pas encore créer de registres d’actifs complets à le faire. Pour montrer l’exemple, on pourrait commencer par un registre européen, ainsi que l’a déjà suggéré l’Observatoire européen de la fiscalité de Gabriel Zucman. Ce registre mondial ou européen est d’autant plus envisageable qu’on ne part pas de zéro. Il est vrai que des progrès ont été réalisés ces dernières années avec l’échange automatique d’informations financières et les registres nationaux de propriétés effectives. Mais, comme le note l’ICRICT, il « reste encore beaucoup à faire pour réformer un système financier internationale défaillant ».
Un RGA permettrait de lutter non seulement contre l’évasion ou la fraude fiscale mais aussi contre les activités criminelles dont le blanchiment d’argent est une arme habituelle. Via cet outil, on pourrait également avoir une vision claire et détaillées des inégalités mondiales. Le G20 entendra-t-il l’appel des têtes pensantes de l’ICRICT et s’attaquera-t-il enfin au « rôle toxique » des paradis fiscaux ? On peut toujours rêver…
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