La Belgique confrontée au soupçon sur un possible « échange » de prisonniers avec l’Iran
La Belgique a révélé mardi qu’un de ses ressortissants était détenu de façon « illégale » en Iran depuis quatre mois, au moment où s’engageait au Parlement un débat houleux sur un traité bilatéral de transfèrement de condamnés entre Bruxelles et Téhéran.
En Iran, « il y a des vies humaines en jeu, ce ne sont pas mes mots, ce sont ceux de nos services de sécurité », a déclaré le ministre belge de la Justice Vincent Van Quickenborne, en annonçant cette arrestation intervenue le 24 février.
Ce citoyen belge, dont il n’a pas précisé l’identité, a été interpellé pour un présumé « délit d’espionnage ». Mais « il n’y a pas la moindre preuve, pour nous c’est une privation illégale de liberté », a ajouté ce responsable libéral flamand.
Selon les médias belges, l’homme emprisonné est un responsable humanitaire originaire de la région de Tournai. Il dirige pour l’ONG Relief International un programme d’aide aux réfugiés afghans sur le sol iranien.
En accord avec la famille, le ministre de la Justice a révélé cette arrestation au début d’un débat devant une commission du Parlement sur un traité belgo-iranien de transfèrement de condamnés, un texte que l’exécutif souhaite faire ratifier en urgence.
Mais ce traité suscite la controverse depuis quelques jours.
Des opposants iraniens en exil estiment qu’il ouvre la voie à la remise à l’Iran, et à une possible grâce, du diplomate Assadollah Assadi, condamné en Belgique en 2021 à 20 ans de prison pour terrorisme.
Le texte est « taillé sur mesure pour M. Assadi », a déclaré à l’AFP le député centriste Georges Dallemagne. D’autres élus d’opposition ont dénoncé « un chantage » de l’Iran, « des pressions inadmissibles », alors que plusieurs Européens sont détenus dans ce pays.
« Une honte »
Assadollah Assadi, agent du renseignement iranien agissant en Europe sous couverture diplomatique, a été reconnu coupable le 4 février 2021 par le tribunal d’Anvers d’avoir fomenté un projet d’attentat le 30 juin 2018 à Villepinte, près de Paris.
Cet attentat à l’explosif déjoué in extremis par la justice antiterroriste belge devait viser un rassemblement du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), coalition d’opposants iraniens dont la principale composante est l’organisation des Moudjahidine du peuple (MEK).
Et pour le CNRI, dont une centaine de sympathisants ont manifesté mardi matin à proximité du Parlement belge, le traité belgo-iranien signé le 11 mars va « faciliter le retour » de M. Assadi.
Ce texte, dont l’AFP a obtenu copie, stipule que « le meilleur moyen » de renforcer la coopération pénale est de permettre aux condamnés de « subir leur condamnation dans leur milieu social d’origine », et donc d’être transférés dans leur pays s’ils ont été punis par l’autre partie signataire.
A l’Article 13, on peut lire que « chaque partie peut accorder la grâce, l’amnistie ou la commutation de la condamnation conformément à sa Constitution ou à ses autres dispositions légales ».
Ces dispositions permettront à Téhéran « d’amnistier les personnes condamnées, de les gracier ou de réduire les peines prononcées contre elles », ont protesté lundi les avocats du CNRI, dont le Français William Bourdon.
« Transférer un terroriste vers l’Etat au nom et pour le compte duquel il voulait faire exploser un rassemblement pacifique avec des dizaines de milliers de participants en Europe est une honte pour tous les gouvernements », ont-ils fustigé.
M. Van Quickenborne a balayé mardi ces inquiétudes, assurant que le texte comportait « des garanties », et « n’oblige(ait) en rien » les Etats signataires « à accepter une requête de transfèrement ».
Depuis quatre ans, la Belgique s’est aussi émue auprès de l’Iran de la situation du Dr Ahmadreza Djalali, un universitaire irano-suédois condamné à mort pour espionnage, qui fut professeur invité à l’Université flamande de Bruxelles (VUB).
L’ONG Amnesty International a estimé à la mi-mai que M. Djalali était « otage » de l’Iran et servait de « pion » à Téhéran, qui chercherait à l’échanger contre deux cadres iraniens dont M. Assadi.
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