Xavier Tytelman : « Ma chaîne YouTube a fini par sauver des vies en Ukraine » (entretien)
Analyste militaire, l’ancien aviateur Xavier Tytelman parcourt les plateaux de télévision français pour y commenter l’évolution de la guerre en Ukraine. Youtubeur très suivi, il a fini par utiliser une partie l’argent récolté sur la plateforme pour venir en aide aux Ukrainiens. « Cette invasion est une attaque personnelle contre nous tous », dit-il. Entretien.
Ancien aviateur militaire, Xavier Tytelman est aujourd’hui l’un des analystes les plus écoutés de France sur la guerre en Ukraine. Fort de ses 385.000 abonnés sur YouTube, il développe avec sa communauté une méthodologie basée sur l’intelligence collective. Son expertise l’a amené à devenir l’un des invités réguliers de différentes chaînes TV: LCI et BFM en France, RTS en Suisse, ou encore RTBF et LN24 en Belgique.
Mais pas que. En plus d’être le rédacteur en chef digital du magazine Air et Cosmos, ce franco-belge aux diverses casquettes investit une partie de son argent gagné sur YouTube pour réaliser de nombreux dons de matériel aux Ukrainiens. Il se rend régulièrement sur le front et, le jour de cette interview, Xavier Tytelman vient tout juste de rentrer de sa dernière mission.
Xavier Tytelman, comment travaillez-vous pour réaliser vos analyses sur YouTube ?
On utilise la méthodologie OSINT (Open-Source Intelligence). J’ai travaillé quatre années pour un centre de gestion de crise interministériel, dans lequel j’étais en charge de la veille opérationnelle sur les réseaux sociaux. Le but était de collecter des milliers de tweets, et créer une image intelligente de sorte que les pompiers et les secours puissent prendre des décisions pour leurs opérations sur le terrain. Notre but, par exemple, était de leur donner des informations précises, comme le niveau exact d’une inondation ou le lieu d’un incendie.
Quand la guerre en Ukraine a commencé, j’ai appliqué la même méthode avec ma communauté sur YouTube. Certains étaient partants pour participer à la collecte de données. Au quotidien, on quantifie les pertes ou les superficies maîtrisées. C’est chronophage, mais quand 200 personnes travaillent dans le même objectif, ça aide. Aucun organe de presse ne peut se permettre d’avoir autant de monde à disposition pour ce type de sujet. Sur les plateaux TV, j’apparais comme le gars qui sait beaucoup de choses, mais en réalité, toute une équipe bosse avec moi. C’est de l’intelligence collective.
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Comment l’aventure a-t-elle débuté ?
A la base, on voulait juste faire une carte pour Air et Cosmos, sauf que le lendemain, des habitants de Kiev nous ont demandés si notre carte était fiable car ils voulaient sortir de la ville. Eux n’avaient rien de plus précis. Donc cette carte a finalement été utilisée opérationnellement, c’est assez fou.
Sur YouTube, je ne voulais pas faire d’argent sur le dos des Ukrainiens. J’ai d’abord démonétisé les vidéos. Puis ma communauté m’a suggéré de laisser les pubs et d’utiliser les revenus des vidéos qui parlent de l’Ukraine pour aider le pays. Avec l’argent de la première vidéo d’analyse, j’ai payé l’évacuation d’un orphelinat. De fil en aiguille, j’ai acheté des groupes électrogènes, etc. Puis j’ai fini par dépenser tout mon chiffre d’affaires de Youtube pour retourner sur le terrain.
Les combattants français qui sont partis au front ont commencé à suivre mes vidéos, mais surtout à me donner des infos sur leurs besoins spécifiques. Et quand une personne me dit qu’un des équipements leur a sauvé la vie… Là, je me sens utile !
Comment faites-vous pour cibler le matériel dont les Ukrainiens ont besoin ?
A partir du mois d’octobre, quand 20.000 km² ont été libérés, notamment dans la zone de Kharkiv, Izioum et Koupiansk, les humanitaires n’étaient pas en mesure d’acheminer l’aide aux populations qui venaient d’être libérées. Ils fournissaient les équipements à l’armée, mais elle était déjà très occupée. Mes contacts m’ont alors demandé s’il était envisageable d’acheter un 4×4. On a fait un live pour un appel aux dons. J’espérais récolter 15.000 euros, on a atteint 70.000 euros sur le week-end. Puis les différentes collectes ont fini par dépasser les 300.000 euros. Au fur et à mesure, on a acheté plus de 30 véhicules, des groupes électrogènes, des drones par dizaine…
Les différentes collectes ont fini par dépasser les 300.000 euros. Au fur et à mesure, on a acheté plus de 30 véhicules, des groupes électrogènes, des drones par dizaine
Xavier Tytelman
Quel a été le déclic pour que vous vous engagiez autant ?
On ne peut juste pas accepter qu’on déporte des enfants. Cette invasion est une attaque personnelle contre nous tous. Tout le monde s’est senti agressé. On ne peut pas rester tranquille devant des barbaries dignes de la Deuxième Guerre mondiale. Ce qui se passe sur place est invraisemblable. Des enfants violés, violentés… Près de Boutcha, un combattant français a retrouvé une gamine avec sept balles dans le dos, le pantalon baissé… Ce sont des scènes horribles.
On ne peut juste pas accepter qu’on déporte des enfants. Cette invasion est une attaque personnelle contre nous tous.
Xavier Tytelman
Pensez-vous à d’autres éléments qui marquent une fois sur place, et dont ne peut se rendre compte ici, en Belgique ou en France ?
Les maisons abattues, les enfants abandonnés, des personnes qui se réfugient les uns chez les autres, des animaux perdus qui espèrent juste avoir une caresse. Typiquement, dans la dernière mission, j’ai amené de la nourriture pour chien, entre autres. On n’y pense pas, mais c’est le genre de chose qui manque également. On ressent aussi fortement la volonté des Ukrainiens de témoigner sur le drame qu’ils subissent. Ils ont peur qu’on les oublie. Le pire, c’est qu’on arrive à identifier les auteurs de crimes de guerre. Mais sont-ils condamnés ? Non. Donc, entre crimes de guerre, déportation d’enfants, impérialisme… à un moment donné, on doit se lever.
En Ukraine, qu’on soit à 20km du front ou à Kiev, les bombes, elles tombent. Quand j’étais à Zaporijia, les Russes visaient un barrage hydroélectrique. Mais comme leurs missiles ont une mauvaise précision, la dernière fois, c’est tombé sur un restaurant à 1km de mon hôtel. Ben, ouais… C’est comme ça.
Xavier Tytelman
Vous ne craignez jamais pour votre sécurité ?
En Ukraine, qu’on soit à 20km du front ou à Kiev, les bombes, elles tombent. Quand j’étais à Zaporijia, les Russes visaient un barrage hydroélectrique. Mais comme ces missiles ont une mauvaise précision, la dernière fois, c’est tombé sur un restaurant à 1km de mon hôtel. Ben, ouais… C’est comme ça.
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