Sergueï Choïgou ne quitte pas tout à fait la scène politico-militaire russe. © Getty Images

Limogeage du ministre de la Défense Choïgou: l’entourage de Poutine encore resserré

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Avec le limogeage du ministre de la Défense Sergueï Choïgou, le président prend ses distances avec un fidèle. Mais ne le désavoue pas complètement.

Limogé pour incompétence? Ou en raison d’un phénomène compréhensible d’usure après deux ans de conflit qui, de l’échec de l’opération commando sur Kiev fin février 2022 à la mutinerie d’Evgueni Prigojine en juin 2023, fut loin d’être un long fleuve tranquille, même pour un ministre rompu aux arcanes du département de la Défense depuis douze ans? Sergueï Choïgou, 68 ans, proche de Vladimir Poutine a été démissionné le 13 mai. Mais il a été nommé dans la foulée secrétaire général du Conseil de sécurité, où il prend la place de Nikolaï Patrouchev, un autre fidèle du président, lui aussi démis de ses fonctions. Une purge en douceur au sommet du pouvoir russe?

«Sergueï Choïgou a tout de même remis l’armée russe sur les bons rails.»

Un scandale de corruption mis au jour au ministère de la Défense fin avril et dans lequel est impliqué l’adjoint de Sergueï Choïgou, le vice-ministre Timour Ivanov, n’a sans doute pas aidé au maintien du ministre qui a été la figure de l’engagement russe en Ukraine aux côtés du chef d’état-major Valeri Guerassimov. De façon surprenante, il a été remplacé par Andreï Belooussov, 65 ans, vice-Premier ministre du gouvernement de Mikhaïl Michoustine et spécialiste des questions économiques dépourvu d’expérience dans les matières militaires. «On pourrait assister à une adaptation de l’organisation du ministère de la Défense, commente le professeur d’histoire à l’Ecole royale militaire, Tom Simoens. Le ministre deviendra peut-être davantage un gestionnaire administratif et économique de l’appareil militaire russe. Et la gestion des opérations deviendrait une branche spécifique sous le commandement du chef d’état-major, Valeri Guerassimov.» Cette évolution correspondrait à la transformation de l’économie russe en économie de guerre, en vertu du prolongement de la guerre en Ukraine et d’éventuelles autres opérations à l’étranger. Au sein du conseil de sécurité, Sergueï Choïgou devrait être chargé des relations avec les alliés de la Russie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord. Preuve que l’ancien ministre de la Défense ne disparaîtra pas immédiatement de la scène politique russe.

Pour Tom Simoens, son bilan n’est d’ailleurs pas si négatif que certains l’affirment. «Pour l’instant, l’armée russe réussit à assurer le ravitaillement logistique des troupes, malgré tous les problèmes qu’elle rencontre, remarque notamment l’expert militaire. Parmi ceux-ci, il y a l’impossibilité d’utiliser le pont de Kertch, vers la Crimée, pour les transports militaires. Cela signifie que tout le ravitaillement doit se faire par voie terrestre via Berdiansk et Marioupol, au nord de la mer d’Azov. C’est un défi logistique et pourtant les Russes ne sont pas en difficulté dans ce domaine pour l’instant. De même, les drones russes continuent à se développer et leur version kamikaze est, malheureusement, d’une excellente qualité. Sergueï Choïgou est peut-être responsable d’une partie de la débâcle de février 2022. Mais c’est tout de même lui qui a remis l’armée sur les bons rails. Si elle n’est toujours pas une armée moderne dans le sens où on l’entend à l’Otan, elle s’est beaucoup améliorée.» Au grand dam des Ukrainiens.

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