Anne Lagerwall

L’invasion de l’Ukraine a dix ans (chronique)

Anne Lagerwall Professeure de droit international à l'ULB

Cela fait dix ans que l’Ukraine subit une agression de la part de la Russie et tente d’y mettre fin. Par les armes mais aussi par des actions en justice.

Cela fait deux ans qu’une «opération militaire spéciale» a été lancée contre l’Ukraine et rien n’indique que la Russie s’apprête à y mettre un terme. La fin du mois de février 2024 marque aussi les dix ans de l’intervention militaire russe en Ukraine, à la suite de l’Euromaïdan et la destitution du président Viktor Ianoukovitch.

On se souviendra qu’à la suite d’un référendum organisé par des forces séparatistes assistées par la Russie, la république de Crimée déclarait son indépendance et décidait, quelques jours plus tard, son rattachement à la Russie. Les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk faisaient sécession quelques semaines plus tard.

Moyens militaires et judiciaires

Cela fait dix ans que l’Ukraine subit une agression de la Fédération de Russie et qu’elle tente, par des moyens militaires mais aussi par des actions judiciaires, d’y mettre fin. Depuis 2014, l’Ukraine a saisi, à plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour internationale de justice (CIJ) de procédures contre la Russie.

L’Ukraine a également reconnu, dès 2014, la compétence de la Cour pénale internationale pour que cette dernière poursuive les auteurs des crimes perpétrés dans le cadre de ce conflit. Ce sont cependant surtout les actions que l’Ukraine a introduites depuis le mois de février 2022 qui ont retenu l’attention et recueilli le soutien de plusieurs dizaines d’Etats, principalement occidentaux.

L’intensification spectaculaire de l’agression russe en 2022, «à trois heures en avion de Bruxelles» comme l’ont parfois souligné à l’époque les médias, aura sans doute convaincu les Etats membres de l’Union européenne de la nécessité d’agir juridiquement en intervenant dans ces affaires.

Ukraine et Palestine?

A un peu plus de quatre heures en avion de Bruxelles, la Palestine est, elle aussi, occupée depuis longtemps et le conflit qui s’y déroule a connu dernièrement une recrudescence spectaculaire. La Palestine n’a pas les moyens militaires de résister à l’agression israélienne dont elle fait l’objet depuis 57 ans mais elle a mobilisé diverses juridictions internationales comme elle y est autorisée.

Dès 2009, elle reconnaît la compétence de la Cour pénale internationale chargée de la répression des crimes internationaux. En 2018, elle saisit la Cour internationale de justice au sujet du transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem qui entérine l’occupation israélienne de la ville sainte.

Aujourd’hui, l’affaire portée en décembre par l’Afrique du Sud contre Israël au sujet des obligations de prévenir et de réprimer le crime de génocide dans le contexte de la guerre particulièrement meurtrière se déroulant à Gaza retient davantage l’attention.

Les Etats européens peuvent intervenir dans cette affaire pour y faire valoir, devant la CIJ, leur interprétation des obligations qui découlent de la convention relative au crime de génocide de 1948 à laquelle ils sont parties. La plupart l’ont fait dans l’affaire qui oppose l’Ukraine et la Russie et certains, dans celle qui oppose la Gambie au Myanmar au sujet de cette même convention.

Une telle intervention confirmerait que la prévention et la répression du crime de génocide leur importent, partout et en tout temps.

Anne Lagerwall est professeure de droit international à l’ULB.

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