Les ATACMS frappent la Russie: quels sont ces missiles américains, « les plus durs à intercepter »?
Deux jours à peine après que les États-Unis ont autorisé l’Ukraine à frapper le territoire russe, les premiers missiles à longue portée made in USA ont déjà été tirés. Quelles sont leurs caractéristiques, et quelles cibles peuvent-ils atteindre?
Il aura fallu moins de 48 heures pour que l’Ukraine mette en oeuvre la validation américaine. Le ministère russe de la Défense, dans un communiqué, a accusé l’Ukraine d’avoir tiré dans la nuit de lundi à mardi six missiles américains ATACMS de longue portée contre un site militaire de la région frontalière russe de Briansk. Une information que relaie également la BBC, et que confirme un responsable ukrainien sous couvert d’anonymat.
« A 03h25, l’ennemi a frappé un site de la région de Briansk » avec des « missiles tactiques ATACMS », selon le communiqué du ministère de la Défense, qui assure que cinq missiles ont été détruits et un autre a été endommagé par la défense antiaérienne russe. « Ses fragments sont tombés sur la zone technique d’un site militaire dans la région de Briansk, provoquant un incendie qui a été rapidement maîtrisé », selon le ministère. Ces frappes n’ont pas fait de victimes.
L’annonce intervient peu après la signature par le président russe Vladimir Poutine d‘un décret élargissant les possibilités de recours à l’arme nucléaire, avec notamment, « parmi les conditions justifiant l’utilisation des armes nucléaires (…), le lancement de missiles balistiques contre la Russie ».
Réclamé de longue date par Kiev à ses alliés occidentaux, le feu vert à l’utilisation de missiles américains en territoire russe a été donné dimanche par le président américain Joe Biden, selon un responsable américain qui confirmait auprès de l’AFP des informations de médias américains.
ATACMS: « une nouvelle phase du conflit »
Le chef de la diplomatie russe a promis une réponse « appropriée » aux tirs ukrainiens de missiles américains ATACMS contre la Russie, dénonçant l’implication des Etats-Unis dans ces frappes et y voyant une « nouvelle phase » dans le conflit.
« Si des missiles de longue portée sont utilisés depuis l’Ukraine vers le territoire russe, cela signifie qu’ils sont opérés par des experts militaires américains. Nous considérerons cela comme une nouvelle phase de la guerre occidentale contre la Russie et nous réagirons en conséquence », a déclaré Sergueï Lavrov devant la presse à Rio de Janeiro, après le G20, incitant les Occidentaux à lire « la totalité » de la nouvelle doctrine russe sur le recours à l’arme nucléaire.
Ces frappes ont été confirmées à l’AFP par un responsable ukrainien s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, même si le chef de l’Etat Volodymyr Zelensky s’est quant à lui simplement borné à dire, en conférence de presse à Kiev, que son pays disposait de ces missiles et allait « les utiliser ». « Cette étape déterminera qui l’emportera », a-t-il dit, assurant que « l’Ukraine peut vaincre la Russie », même si « c’est très difficile ».
Mais Zelensky a reconnu, pour la première fois, que l’Ukraine pourrait devoir attendre l’après-Poutine pour « rétablir » son intégrité territoriale, les Russes occupant près de 20% de sa superficie.
Les ATACMS: quelles caractéristiques?
Le missile à longue portée américain (ATACAMS) fonctionne différemment du SCALP-EG ou du Storm Shadow. «Il s’agit d’un missile semi-balistique, qui atteint son objectif de manière plus verticale et plonge vers sa cible à grande vitesse, explique Tom Simoens, lieutenant-colonel et professeur d’histoire militaire à l’ERM. Pour l’ennemi, l’ATACMS est plus complexe à intercepter qu’un simple missile de croisière, sorte d’avion sans pilote à la trajectoire horizontale.»
Tactiquement, l’ATACMS permet d’envisager un large panel de cibles: logistiques, militaires, aérodromes, concentrations de troupes, casernes, centres de commandement, dépôts de munitions (souvent fixes). «En revanche, le but n’est certainement pas que les Ukrainiens utilisent ces missiles à longue portée pour attaquer des raffineries.»
L’ATACMS est un missile semi-balistique, qui atteint son objectif de manière plus verticale et plonge vers sa cible à grande vitesse. Pour l’ennemi, il est plus complexe à intercepter qu’un simple missile de croisière.
Tom Simoens, lieutenant-colonel et professeur d’histoire militaire à l’ERM
S’ils sont très difficiles à intercepter, les missiles à longue portée n’ont pas une efficacité totale. L’Ukraine en a déjà utilisés, notamment pour frapper la Crimée. «On ne peut pas dire que toutes ces attaques ont été couronnées de succès, se rappelle Tom Simoens. Chaque missile peut être brouillé ou intercepté. Parfois, des erreurs de coordonnées ont également lieu.» D’autant que les ATACMS déjà fournis par les USA se sont avérés être de… vieux modèles dont la date de péremption d’utilisation était déjà dépassée.
Missiles à longue portée: trois types majeurs
Les Occidentaux fournissent à l’Ukraine trois types majeurs de missiles à longue portée. Les ATACMS (américains), les SCALP-EG (français) et les Storm Shadow (anglais). Les deux derniers contiennent des technologies américaines. Dans les contrats d’utilisation, tout engagement doit donc également être approuvé par les USA. «Ces missiles de croisière volent à très basse altitude pour éviter les radars ennemis, et « lisent » le terrain. Leurs trajectoires doivent être planifiées selon les données GPS, mais également selon le relief, détaille Tom Simoens. Cette procédure requiert la connaissance américaine, à savoir leurs technologies, leurs renseignements et leurs cartographies.»
En Allemagne, le chancelier Olaf Scholz s’est quant à lui toujours fermement opposé à la livraison des missiles Taurus, de fabrication allemande. Malgré les demandes insistantes de Zelensky. Désormais, c’est Joe Biden himself qui mettrait la pression à Scholz pour qu’il suive le mouvement…
Pour rappel, ces missiles ont un coût exorbitant: un SCALP-EG («Système de croisière conventionnel autonome à longue portée» et d’«Emploi général») revient à 850.000 euros l’unité. Chaque décision de tir est donc savamment réfléchie, et approuvée par le pays donateur. Ce dernier contribue d’ailleurs à son lancement sur place. Seuls des opérateurs qualifiés en sont capables. Il ne suffit donc pas de donner un mode d’emploi aux Ukrainiens, tout est éminemment plus complexe à mettre en œuvre.
Avec AFP.
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