F-16
F-16 vs S-400, futur duel de titans dans le ciel ukrainien. © Getty, DR.

L’arrivée des F-16 dans le ciel ukrainien est imminente: «Ces armes russes pourraient leur poser d’énormes problèmes»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

L’Ukraine s’attaque massivement aux défenses aériennes russes. Le but: dégager la voie aux F-16, dont l’arrivée dans le ciel ukrainien serait imminente. Dans le même temps, la Russie revoit ses dispositifs. La fenêtre de tir est courte pour conserver un effet de surprise. Et la façon dont les Ukrainiens utiliseront les F-16 est crainte.

«Selon toute vraisemblance, l’armée ukrainienne tente d’affaiblir la défense aérienne russe.» Ces termes marquent la conclusion de l’organisme américain Institute for the Study of War (ISW), dans son dernier rapport. L’observation est sans appel: elle décrit une ligne stratégique claire dans le chef de l’Ukraine, qui intensifie ses efforts pour affaiblir la défense aérienne russe. Une volonté qui n’est pas neuve, loin de là, mais qui tend à se renforcer depuis plusieurs jours.

Pour certains observateurs, c’est un signe avant-coureur on ne peut plus clair: l’Ukraine agirait de la sorte afin de préparer le terrain pour déployer ses premiers F-16 fraîchement livrés. «L’intensification de cette stratégie permettrait aux avions de combat d’être un peu plus à l’aise dans les airs. C’est le signe d’une arrivée potentiellement proche», estime le lieutenant-colonel Tom Simoens, professeur d’histoire militaire (ERM).

Dans leur plan d’attaque, une zone est particulièrement visée: la Crimée, souvent décrite comme le tendon d’Achille de la Russie. Les Ukrainiens attaquent la péninsule principalement à l’aide de drones. Mais pas seulement. Une partie des attaques est désormais exécutée avec des missiles à longue portée, les ATACMS, et confirme donc le feu vert américain pour leur utilisation élargie. Ainsi, la défense antiaérienne russe est contrainte de s’adapter aux nouveaux moyens livrés par l’Occident.

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Que vise l’Ukraine avant le déploiement des F-16?

Concrètement, quels types d’appareils sont visés par l’Ukraine pour dégager la voie aux F-16? Les Sukhoï russes sont les cibles principales des frappes dans les aérodromes. C’était le cas, par exemple, à Djankoï, au nord de la Crimée, qui a subi une attaque majeure fin avril. Désormais, ce sont surtout les installations antiaériennes russes à longue distance qui deviennent des cibles privilégiées. On parle principalement des systèmes S-300 (plus anciens) et S-400 (plus modernes). «Ces derniers pourraient poser d’énormes problèmes aux F-16. Leur fonctionnement est similaire aux Patriot américains, indique Tom Simoens. Il est d’ailleurs assez paradoxal que les S-400 soient détruits par des missiles qu’ils sont censés intercepter.»

Les S-400 russes pourraient poser d’énormes problèmes aux F-16.

Tom Simoens

Lieutenant-colonel, professeur d’histoire militaire (ERM)

Avant le conflit en Ukraine, l’Occident craignait déjà ces systèmes S-400, que les Turcs ont d’ailleurs acheté, à la grande stupéfaction de l’Otan. Raison pour laquelle Erdogan n’a pas reçu le feu vert des USA pour acheter les F-35.

Un système encore plus moderne et puissant, le S-500, aurait été aperçu en Crimée. «Si les Russes l’ont déjà déployé, ce serait assez spectaculaire, s’étonne Tom Simoens. Mais il n’est pas certain qu’il soit pleinement opérationnel. D’autant plus que les nouveautés russes ne sont parfois pas rodées».

Le S-400 russe pourrait causer des frayeurs aux F-16.
Le S-400 russe pourrait causer des frayeurs aux F-16. © AFP via Getty Images

Une arrivée des F-16 dans les prochains jours?

L’Etat major ukrainien, dans sa communication, laisse penser que l’arrivée des avions est imminente. Dans un premier temps, ils devraient être déployés en (très) faible quantité. On ignore dans quelle mesure ils seront pleinement opérationnels. L’expert Tom Simoens n’exclut pas la possibilité de voir les premiers F-16 dans le ciel ukrainien dans les prochains jours/semaines. «En revanche, on peut d’abord s’attendre à des vols dits de psyops (NDLR: des opérations psychologiques de propagande). Le but serait de montrer, image à l’appui, que les avions sont là. Le scénario qui voudrait que deux F-16 survolent la mer Noire dès leur première opération et détruisent le pont de Crimée, par exemple, est peu probable», juge-t-il.

On peut d’abord s’attendre à des vols dits de psyops. Le but serait de montrer, image à l’appui, que les F-16 sont là.

Tom Simoens

Lieutenant-colonel, professeur d’histoire militaire (ERM)

Une chose est certaine, la Russie va devoir s’adapter à l’arrivée des F-16, en changeant ses dispositifs et modifiant ses systèmes de défense antiaérienne. Les annonces publiques occidentales ont facilité la tâche aux services de renseignements russes, qui anticipent ce nouveau déploiement depuis des mois. Mais la traduction militaire sur le terrain est longue. «Il faut profiter de ce laps de temps pour augmenter l’efficacité initiale des avions, tant que les Russes ne sont pas prêts. Il serait idiot de les sacrifier uniquement pour la guerre psychologique. On peut cependant s’attendre à la deuxième option, au vu de l’énorme pression diplomatique pour montrer des F-16 au-dessus dans l’Ukraine, au détriment de l’efficacité militaire», critique Tom Simoens.

Idéalement, l’Ukraine devrait attendre une arrivée suffisante de F-16 (ils en espèrent 120 au total) pour mener des opérations efficientes. Détenir 30 avions constituerait un socle solide pour réaliser des missions d’envergure. Mais il est fort à parier qu’ils n’auront pas cette patience.

Quelle approche pour les F-16 ?

Les F-16 seront donc confrontés à de nombreux défis. Ils devront rester éloignés du front. En visant la défense à longue distance de la Russie, l’Ukraine espère pouvoir permettre aux chasseurs de larguer des bombes planantes à partir de 40 – 50 kilomètres de la ligne de contact, en fonction de la cible. Le schéma pourrait être celui-ci: un vol à basse altitude en Ukraine non occupée, une prise de hauteur rapide, un largage de bombe planante à la limite de portée des défenses russes et une redescente immédiate en basse altitude pour duper les radars.

Une source militaire indique que ce procédé reviendrait à pousser les capacités du F-16 à ses limites, et pourrait provoquer de nombreux crashs. «Il faut une maîtrise parfaite de l’avion pour pouvoir exécuter ces missions complexes. Les pilotes risquent de ne pas être suffisamment bien entraînés pour réaliser ce type de manœuvres.»

Il faut une maitrise parfaite de l’avion pour pouvoir exécuter ces missions complexes. Les pilotes risquent de ne pas être suffisamment bien entraînés pour réaliser ce type de manœuvres.

Une source militaire

La question est donc de savoir si les pays donateurs laisseront carte blanche à l’Ukraine dans l’utilisation des avions. La réponse est probablement non. «Comme avec beaucoup de systèmes d’armes à haute valeur, comme les Scalp ou les Storm Shadow, il y a des restrictions. Pour la chasse aux missiles de croisières au-dessus de l’Ukraine, cela ne posera pas de problème. En revanche, pour les missions d’attaque dans certains territoires, on peut imaginer que Zelensky doive demander l’accord des Occidentaux avant d’agir.»

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