Guerre en Ukraine : la Russie menacée en profondeur
Les attaques qui ont visé deux bases aériennes russes à des centaines de kilomètres du champ de bataille consacrent-elles une nouvelle étape du conflit? Elles pourraient entraver les bombardements contre les installations énergétiques.
Les régions russes de Belgorod et de Briansk avaient déjà subi les conséquences directes de la guerre en Ukraine en voyant certaines de leurs installations militaires prises pour cibles depuis le mois d’avril. Elles voisinent avec le champ de bataille. La base navale de Sébastopol, le pont de Kertch, des sites stratégiques en Crimée avaient été attaqués par des opérations attribuées aux forces ukrainiennes à l’automne. La péninsule, annexée par la Russie en 2014 mais toujours officiellement territoire ukrainien, fait partie du champ de bataille. Les attaques par drones qui ont visé le 5 décembre la base aérienne de Diaguilevo, dans la région de Razian, et celle de Engels, dans l’oblast de Saratov, toutes deux localisées à des centaines de kilomètres de la zone de conflit dans la profondeur de l’hinterland russe traduisent donc une nouvelle étape dans la guerre. Selon les autorités de Moscou, les appareils auraient été neutralisés et ce sont leurs débris qui auraient provoqué la mort de trois militaires.
On ne vous dit presque rien, mais ce “rien” fonctionne avec succès sur le champ de bataille.
Le principal défi qui se pose à l’Ukraine alors que les lignes de front au sud et à l’est du pays sont figées en raison de la raspoutitsa, le «temps des mauvaises routes» généré par les conditions météorologiques, est la succession d’attaques par missiles et drones lancées par la Russie depuis le mois d’octobre pour détruire les installations électriques ou les systèmes d’approvisionnement en eau, avec l’objectif d’affecter la population et ainsi la retourner contre ses dirigeants. La réponse logique des Ukrainiens consiste à s’en prémunir, en développant leur système de défense antiaérienne et, le cas échéant, en neutralisant les infrastructures russes qui permettent ces attaques répétées. Les bases visées le 5 décembre abritant des chasseurs-bombardiers mobilisables pour procéder aux vagues de bombardements sur l’Ukraine constitueraient naturellement des objectifs de guerre pertinents. «Engels est la principale base opérationnelle de l’aviation à long rayon d’action en Russie occidentale et elle abrite plus de trente bombardiers lourds. […] Ces appareils sont fréquemment utilisés pour lancer des missiles de croisière conventionnels sur l’Ukraine», a précisé le ministère britannique de la Défense le 6 décembre.
Inventivité éprouvée
Sauf que l’Ukraine n’est pas censée disposer des ressources technologiques pour mener des opérations à de telles distances. A moins que l’inventivité et l’audace éprouvées des ingénieurs et militaires aient à nouveau réservé une surprise. On les a déjà vues à l’œuvre lors de l’attaque du croiseur Moskva en mer Noire, mi-avril, ou lors de celle qui avait pris pour cibles des navires au large de la base de Sébastopol fin octobre, au moyen de drones sous-marins et aériens. A cette aune, le commentaire, rapporté par Le Monde, qui accompagnait l’annonce en octobre par la société ukrainienne Ukroboronprom de la mise au point prochaine d’une arme d’une portée d’un millier de kilomètres est significatif de l’entière mobilisation de la population au service de la victoire: «On ne vous dit presque rien (croyez-nous), mais ce “rien” fonctionne avec succès sur le champ de bataille, et certains “riens” obtiennent de temps en temps des résultats.»
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