Des avions de chasse pour l’Ukraine, une demande complexe à satisfaire
« Des ailes pour la liberté »: de Londres à Bruxelles en passant par Paris, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a pressé ses alliés de lui livrer des avions de chasse modernes pour combattre la Russie, en offrant soit un casque soit un débris d’avion de combat Sukhoï Su-25 à ses hôtes. Mais cette requête est complexe à satisfaire rapidement et tous les modèles d’appareils ne seraient pas adaptés.
Plus tôt l’Ukraine obtient de l’armement lourd de longue portée, plus tôt nos pilotes obtiennent des avions, plus vite se terminera cette agression russe », a martelé mercredi M. Zelensky à l’Elysée. Il a formulé cette même demande un peu plus tôt au Royaume-Uni, avant de solliciter jeudi le Parlement européen et les dirigeants des Vingt-Sept.
Le temps presse pour Kiev à l’heure où « les forces russes ont repris l’initiative et ont débuté leur prochaine grande offensive dans la région de Lougansk », dans l’est du pays, selon l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW).
Jusqu’ici, les Occidentaux se sont montrés réticents à livrer des avions de combat, de crainte d’une escalade avec Moscou. Mais les tabous tombent les uns après les autres depuis un an. Les soutiens de Kiev ont fini par accepter en janvier de fournir des chars lourds.
Pour l’heure, Washington exclut de fournir à l’Ukraine des F-16 du fabricant Lockheed Martin, l’un des chasseurs les plus produits au monde dont disposent de nombreux pays européens. Les Pays-Bas n’excluent pas en revanche de céder certains de leurs F-16, qui doivent être remplacés par des F-35.
« Notre pays a vraiment besoin de ses avions de chasse (des F-16 arrivant en fin de vie, ndlr), nous ne pouvons pas nous en passer. Ils sont utilisés pour défendre l’OTAN, on le fait depuis des années dans les États baltes et ils sont appréciés pour cela », a déclaré jeudi le Premier ministre belge Alexander De Croo, en marge d’un sommet européen, ajoutant que ces avions défendaient aussi les espaces aériens de la Belgique et des Pays-Bas.
Et d’autres partenaires de Kiev semblent infléchir leur position. Après avoir exclu en janvier de livrer des Eurofighter Typhoon ou des F-35, le chef du gouvernement britannique a promis de former des pilotes de chasse ukrainiens « aux normes de l’Otan ». Il a aussi demandé à l’armée d’étudier de possibles livraisons d’avions, tout en prévenant qu’il ne pouvait s’agir que d’une option « à long terme ».
Le président français Emmanuel Macron assure lui que « rien n’est exclu ». La France dispose de 13 Mirage 2000-C qui ont été retirés du service il y a quelques mois et qui « ont encore un peu de potentiel », souligne-t-on dans l’entourage du chef d’état-major de l’armée de l’Air française.
Toutefois, il faudrait du temps pour les remettre en condition et consacrer plusieurs mois à la formation des pilotes ukrainiens, dont la flotte est exclusivement composée de Mig et Sukhoï soviétiques. Sur les avions de combat modernes, le temps de formation typique est de 6 mois pour un pilote expérimenté, un délai qu’il est envisageable de contracter à 3 mois mais guère moins.
De l’avis des experts, les avions de chasse occidentaux permettraient de frapper dans la profondeur les troupes russes et de dissuader les bombardiers russes de pilonner le territoire ukrainien. Mais ils ne constitueraient pas à eux seuls la solution militaire miracle et tous ne seraient pas adaptés au théâtre ukrainien.
« Le Typhoon et le F-16 ne sont pas adaptés aux bases aériennes rudimentaires utilisées par les Ukrainiens pour éviter d’attirer les frappes de missiles russes », souligne Justin Bronk, expert militaire au centre de recherche britannique RUSI.
Ainsi, un don de Typhoon serait « presque purement symbolique et ne servirait pas les intérêts de l’armée de l’air ukrainienne », estime-t-il sur Twitter. « Mais cela peut valoir le coup si cela permet politiquement à la Suède de fournir des Gripen ou à d’autres pays de donner des F-18″, ces deux avions étant capables d’opérer depuis des bases rustiques, avec une faible empreinte logistique.
Moscou, de son côté, agite le chiffon rouge pour tenter de dissuader les Occidentaux de franchir le pas de l’aviation de combat. « Dans un tel scénario, la moisson sanglante du prochain cycle d’escalade sera sur votre conscience, ainsi que les conséquences militaires et politiques pour le continent européen et le monde entier », a averti mercredi l’ambassade de Russie au Royaume-Uni.