Hugues Le Paige
Ukraine : pour la solidarité, contre la chasse aux sorcières (carte blanche)
« Dans cette atmopshère de guerre froide, peut-on évoquer les responsabilités occidentales dans la crise actuelle sans être taxé de suppôt de Poutine ? », s’interroge Hugues Le Paige, journaliste et réalisateur. Ce sympathisant du PTB revient sur ce qu’il estime être une « véritable chasse aux sorcières » envers le parti d’extrême gauche.
Le peuple ukrainien qui se bat contre l’agression russe a droit à toute notre solidarité et cela sans la moindre restriction. La condamnation de la guerre nationaliste et impérialiste menée en ce moment par Vladimir Poutine ne souffre aucune réticence. Cela ne se discute pas.
Faut-il pour autant accepter que l’on mène une véritable « chasse aux sorcières » à l’encontre de ceux qui s’opposent aux discours « va-t-en-guerre » d’une classe politique qui n’hésite pas à instrumentaliser la solidarité avec le peuple ukrainien pour d’évidentes manoeuvres politiciennes ou électoralistes ?
On l’a vu en France avec la caricature que les candidats socialiste et écologiste ont faite des positions de Jean-Luc Mélenchon qui a le grand tort de les devancer dans la course à la présidentielle. On l’a vu en Belgique avec le déchaînement des représentants des partis traditionnels, toutes tendances confondues, à l’encontre du discours du PTB qui condamne pourtant sans équivoque la guerre menée par la Russie.[1]
Dans cette atmosphère de guerre froide, il ne peut plus être question d’évoquer les responsabilités occidentales dans la crise actuelle sans être aussitôt taxé de suppôt de Poutine. Rappeler les menées américaines et plus largement occidentales pour pousser l’Ukraine à adhérer à l’OTAN (et ensuite, l’abandonner à son sort…[2]) n’équivaut en rien à mettre agresseur et agressé sur le même plan ni à justifier en quoi que ce soit la politique de Moscou. Cette question est fondamentale pour la recherche d’une solution diplomatique.
Hubert Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand le rappelait il y a quelques jours[3] quand il déclarait « C’était une provocation dangereuse d’annoncer l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN (en plus sans le faire…) ». Provocation dangereuse et inutile, ajoutait Védrine dont on connaît la modération politique et la défense des intérêts européens et occidentaux.
On peut en tous cas espérer que Paul Magnette ne le joindra pas à ceux qu’il assimile désormais au souvenir du pacte germano -soviétique[4]. Le PS est en grande difficulté face au PTB et tente de discréditer la gauche radicale en lui faisant endosser des positions qui ne sont pas les siennes. La polémique a ses exigences et le cynisme a ses ressorts. Pour répondre aux unes et aux autres, le président du PS a endossé les habits de son glorieux prédécesseur, Paul Henry Spaak qui durant des décennies fit des socialistes belges les défenseurs les plus ardents de l’atlantisme[5]. Étrange attitude qui serait indigne si elle n’était pas d’abord ridicule de la part d’un intellectuel qui sait pourtant quelque chose de l’histoire.
Mais il ne faut pas se tromper, au-delà de cette instrumentalisation du drame ukrainien, se dessine un étrange climat ne supportant plus la moindre contestation ou critique. Le concert politique et médiatique unanimiste est à l’ordre du jour : la droite joue son rôle, les socialistes surenchérissent avec l’appui des chevaux légers de l’écologie qui en deux décennies sont passés de leur pacifisme historique à un atlantisme assumé.
L’expression de la solidarité avec le peuple ukrainien comme la condamnation sans appel de la guerre menée par la Russie ont d’autres exigences que ces rodomontades.
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Hugues Le Paige, journaliste, réalisateur et sympathisant PTB
[1] Voir : https://www.ptb.be/ukraine_non_la_guerre
[2] En Syrie, les États-Unis ont mené le même jeu vis-à-vis des Kurdes utilisés dans la guerre contre les forces islamistes avant de les livrer à Erdogan.
[3] Entretien sur CNews 25/02/2022. Hubert Védrine rappelait que c’était aussi la position des conseillers américains Kissinger et Brzeziński après la disparition de l’URSS. Sur LCI, le même jour, Védrine ajoutera que « Le Poutine de 2022 est largement notre création ».
[4] Dans une vidéo sur Twitter où il n’hésite pas à déformer les propos de Nabil Bouliki, le représentant du PTB qui avait pris la parole à la Chambre.
[5] Puisque Paul Magnette aime les comparaisons historiques « originales », osons celle-ci. Pour les plus jeunes lecteurs, Paul Henry Spaak (1899-1972), dirigeant socialiste, ancien Premier ministre, plusieurs fois ministres des Affaires étrangères, considéré comme l’un des pères de l’Europe et de l’OTAN et connu notamment pour son alignement absolu sur les positions américaines durant la guerre froide
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