Bakhmout
En première ligne sur le front de Bakhmout, les mercenaires de Wagner sont présents en Ukraine depuis 2015. © isopix

Ukraine: la ville de Bakhmout, le terrain de guerre des mercenaires Wagner

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La bataille pour la ville du Donbass témoigne des arrière-pensées politiques d’Evgueni Prigojine, le fondateur de la société de mercenaires.

Après Kherson, l’autre point de fixation de la guerre ces dernières semaines est la ville de Bakhmout dans l’oblast de Donetsk. Cette municipalité qui pouvait ouvrir la voie à la conquête par les Russes des bastions ukrainiens de Sloviansk et de Kramatorsk, et, au-delà, à l’ensemble du territoire de cette province, a perdu de son intérêt stratégique depuis que les Ukrainiens, à la faveur de leur contre-offensive lancée début septembre, ont repris des parties importantes de territoire plus au nord, dans l’oblast de Kharkiv, obligeant l’armée russe à renforcer ses positions dans cette zone. La menace sur Sloviansk et Kramatorsk a de la sorte été desserrée.

Prigojine et Kadyrov cherchent à faire plus et mieux que ce que demande Poutine.

La bataille de Bakhmout retient cependant l’attention parce que c’est le seul endroit de la ligne de front où le camp russe a engrangé quelques succès et parce que ce sont les hommes du groupe Wagner qui y sont engagés. De là à ce que le fondateur de la société de mercenaires, Evgueni Prigojine, en fasse une affaire personnelle et tente d’y démontrer l’excellence de ses forces au moment où l’armée gouvernementale est critiquée pour ses criantes lacunes, il n’y a qu’un pas – que certains n’hésitent pas à franchir. La pression russe sur Bakhmout pourrait donc avoir un intérêt plus politique que militaire.

«Il est intéressant d’observer que deux “adjoints” de Vladimir Poutine poussent à la roue: Evgueni Prigojine, avec le groupe Wagner, et Ramzan Kadyrov, le président de la république de Tchétchénie, avec ses kadyrovtsy, analyse le général Christophe Gomart, directeur du renseignement français de 2013 à 2017. L’un et l’autre cherchent à être le meilleur élève et à faire plus et mieux que ce que demande Poutine. Ramzan Kadyrov affirme qu’il faut utiliser l’arme nucléaire. Evgueni Prigogine va jusqu’à chercher de nouvelles recrues dans les prisons au nom de la mère patrie sur le mode “si vous mourez pour elle, vous mourez en héros”. Il y a donc une surenchère entre ces deux personnages, qui sont plus à droite que Vladimir Poutine.» Avec des fortunes diverses.

«Appâts humains»?

Sur le front de Bakhmout, les militaires ukrainiens confrontés au groupe Wagner témoignent que les nouvelles recrues et anciens prisonniers seraient utilisés comme «appâts humains» pour faire réagir leurs adversaires et permettre ainsi aux Russes de localiser leurs positions pour mieux les pilonner. «Sur un plan militaire, Wagner n’a pas connu que des succès. Quand on voit ce qu’ils font en Centrafrique, au Mali ou ailleurs, ce ne sont pas des grands combattants, ce sont des pilleurs, des violeurs, des assassins, complète Christophe Gomart. Mais il est vrai que localement à Bakhmout, ils ont récolté un certain succès. Jusqu’à quand?»

Ostensiblement, en engageant résolument ses troupes dans le conflit en Ukraine au point que le partenariat qu’il a conclu avec le gouvernement malien pourrait ne pas être renouvelé, Evgueni Prigojine privilégie la dimension idéologique de son entreprise au détriment de sa vocation financière. Difficile, dès lors, de ne pas l’imaginer voir jouer un rôle plus important à l’avenir au cœur du régime russe, s’il reste en place.

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