Liz Truss
Liz Truss

Liz Truss démissionne

La Première ministre britannique Liz Truss aura tenté de s’accrocher à son poste malgré les appels à la démission de plus en plus pressants dans son propre camp. Mais ce jeudi elle jette l’éponge.

La Première ministre britannique Liz Truss a annoncé jeudi sa démission après à peine six semaines au pouvoir qui ont ressemblé à une descente aux enfers, déclenchant une nouvelle élection interne au sein du Parti conservateur. « Vu la situation, je ne peux pas remplir le mandat sur lequel j’ai été élue par le Parti conservateur », a-t-elle déclaré devant le 10, Downing Street.

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Elle devient ainsi la cheffe de gouvernement à la longévité la plus courte de l’histoire contemporaine du Royaume-Uni.

Jusqu’à ce matin, il n’était pas question d’une démission

C’est la présentation d’un mini-budget le 23 septembre contenant des aides aux factures énergétiques mais aussi des baisses d’impôts massives et non financées qui a provoqué la fin de Mme Truss. Ce plan avait fait chuter la livre à son plus bas historique et affolé les marchés, manquant de dégénérer en crise financière sans l’intervention en urgence de la Banque d’Angleterre. Jeudi, la livre remontait un peu face au dollar après l’annonce de la démission de Liz Truss.

Même après avoir limogé son ministre des finances et ami proche Kwasi Kwarteng, puis abandonné son plan, Mme Truss n’a jamais pu se relever et rétablir la confiance dans les rangs conservateurs. Sa popularité, déjà basse, a dégringolé dans les sondages. Dès lors, Liz Truss avait beau assurer qu’elle voulait rester en place, son maintien à Downing Street semblait impossible. Et encore plus depuis la journée catastrophique de mercredi, marquée par la démission de la ministre de l’Intérieur et une soirée sous haute tension tournant à la foire d’empoigne au Parlement.

Pourtant, le porte-parole de la Première ministre avait encore assuré ce matin qu’elle n’avait aucune intention de renoncer. « La Première ministre reconnaît qu’hier (mercredi) a été une journée difficile » mais elle « travaille » avec son ministre des Finances Jeremy Hunt pour agir en faveur de la croissance et la stabilité économiques, a-t-il ajouté. Il avait assuré que « la Première ministre sera là au-delà du 31 octobre », date à laquelle le gouvernement doit présenter son plan budgétaire à moyen terme, grâce auquel il espère enfin calmer la crise politique et financière suscitée par son coûteux mini-budget dévoilé fin septembre.

Mais en fin de matinée, Mme Truss a rencontré M. Brady. La liste de parlementaires conservateurs demandant son départ s’allongeait d’heure en heure.

Lâchée de toute part, plus impopulaire que jamais dans l’opinion, sans programme économique après l’humiliant renoncement aux baisses d’impôts et ayant dû se priver de deux de ses plus importants ministres, Liz Truss a fini par se résigner.

Qui pour la remplacer ?

Le nouveau Premier ministre britannique sera désigné d’ici au vendredi 28 octobre par le Parti conservateur au pouvoir, a annoncé jeudi un responsable de la majorité, Graham Brady. « Il sera possible de conduire un scrutin et de conclure une élection d’ici au vendredi 28 octobre« , a-t-il ainsi déclaré aux journaliste. Un délai fort court lorsqu’on sait que le processus de sélection de Mme Truss par les quelque 170.000 adhérents du parti au pouvoir avait pris deux mois après le départ de Boris Johnson.

Après 12 ans au pouvoir, le parti semble toutefois tétanisé, incapable de s’entendre sur un successeur et refusant d’affronter des élections anticipées le renvoyant dans l’opposition. Pour les conservateurs, l’enjeu est de trouver quelqu’un capable à la fois de rassembler le parti et d’inspirer confiance dans un pays qui subit une crise économique et sociale majeure avec une inflation qui a atteint un sommet en 40 ans.

Plusieurs noms circulent, comme ceux de Rishi Sunak, Jeremy Hunt, Penny Mordaunt –la ministre chargée des relations avec le Parlement– voire même Boris Johnson, le Premier ministre qu’elle a remplacé en septembre.

 « Embarras »

Les Tories ont décidé d’éviter des législatives anticipées, au moment où l’opposition travailliste caracole en tête des sondages. Après l’annonce de Liz Truss, leur chef Keir Starmer a appelé à convoquer une élection générale dès « maintenant » et non fin 2024 ou début 2025 comme prévu.

Cette tempête politique dans l’une des principales puissances mondiales, en pleine guerre en Ukraine, n’a pas manqué de faire réagir à l’international. Le président français Emmanuel Macron a dit espérer que le Royaume-Uni retrouve « rapidement » la « stabilité ». La diplomatie russe a de son côté raillé l’annonce de la démission de Liz Truss, estimant que le pays n’avait « jamais connu un tel embarras ».

A Godalming, petite ville du Surrey au sud de Londres, Sally Sherfield, retraitée qui ne vote pas conservateur a salué son départ. « Je pense que c’est mieux qu’elle s’en aille », même si elle aurait préféré la tenue d’élections générales dans l’espoir de porter l’opposition au pouvoir. Pour Carmen Harvey-Browne, institutrice à la retraite et électrice conservatrice, la situation était devenue un « bazar absolu » et Truss « devait partir ». Elle « n’était pas faite pour cette tâche », estime-t-elle, disant avoir maintenant « un peu plus d’espoir ».

Les 44 jours tumultueux de Liz Truss à la tête du gouvernement britannique

Depuis son arrivée au pouvoir le 6 septembre, elle a accumulé les tuiles. Elle avait alors été élue, à 47 ans, pour remplacer Boris Johnson, par les seuls membres du parti conservateur avec 81.326 votes contre 60.399 à son adversaire Rishi Sunak.

6 septembre: Elle devient officiellement Première ministre après avoir rencontré la reine Elizabeth II qui lui demande de former un nouveau gouvernement.

8 septembre: Face à la flamblée du coût de l’énergie, Liz Truss annonce au Parlement un gel des prix pour les particuliers et les entreprises. Son annonce est totalement éclipsée par le décès d’Elizabeth II, la vie politique s’arrête pour dix jours de deuil national.

23 septembre: Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng annonce un « mini-budget » pour relancer la croissance, à base de baisses d’impôts de dizaines de milliards de livres financées par de la dette. Les marchés financiers s’affolent. Le 26, à la réouverture des marchés, la livre plonge à un plus bas historique.

28 septembre: Devant la panique financière, la Banque d’Angleterre annonce intervenir en urgence sur le marché obligataire face à un « risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni ».

29 septembre: L’institut de sondage YouGov annonce une avance de 33 points pour l’opposition travailliste, du jamais vu depuis la fin des années 1990, à deux ans des législatives.

3 octobre: Lors du congrès du parti conservateur, marqué par les dissensions et les tensions, Liz Truss et Kwasi Kwarteng sont contraints à une première volte-face: ils renoncent à supprimer la tranche d’imposition la plus élevée.

5 octobre: « J’ai compris, j’ai écouté », déclare Mme Truss au congrès du parti. « Croissance, croissance, croissance », répète-t-elle sans rassurer les sceptiques de son parti ni les marchés nerveux.

12 octobre: Mme Truss exclut devant les députés toute réduction des dépenses publiques tout en promettant de maintenir les baisses d’impôts, ajoutant aux doutes sur sa politique.

13 octobre: Des conservateurs évoquent une liste de noms qui circule pour la remplacer à Downing Street. Depuis Washington où il assiste aux réunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, Kwasi Kwarteng se dit sûr qu’ils seront tous les deux encore en poste dans un mois.

14 octobre: M. Kwarteng, rentré en urgence à Londres, est limogé et remplacé par Jeremy Hunt, ancien candidat dans la course pour Downing Street. Liz Truss convoque une conférence de presse où elle répète mécaniquement qu’elle veut accomplir sa mission, prend quatre questions et tourne les talons au bout de huit minutes. Elle y annonce un nouveau revirement, renonçant à maintenir à 19% l’impôt sur les sociétés qui augmentera à 25% comme prévu par le gouvernement précédent.

17 octobre: Jeremey Hunt, quatrième ministre des Finances depuis le début de l’année, annonce l’annulation du programme économique de Liz Truss dans sa quasi totalité.  Elle se fait représenter au Parlement pour répondre aux questions de l’opposition sur cette politique. « Non elle ne se cache pas sous un bureau » déclare la ministre qui la représente, Penny Mordaunt, alors que certains députés crient « démission ».Mme Truss reconnait des erreurs dans une interview tard le soir à la BBC et se dit « désolée », mais exclut de démissionner, évoquant « l’intérêt national ».

19 octobre: « Je suis une battante, je ne démissionne pas » déclare Liz Truss huée lors de la séance hebdomadaire de questions au Parlement. La ministre de l’Intérieur Suella Braverman démissionne. Elle explique avoir envoyé de sa boîte email privée, à un collègue du Parlement, un document officiel sur la politique migratoire. « J’ai fait une erreur. Je l’accepte, je démissionne » écrit-elle dans sa lettre de départ, message clair contre Mme Truss qui, elle, reste en poste. En soirée, chaos au Parlement à propos d’un vote mal expliqué sur la fracturation hydraulique dont le gouvernement voulait faire un test de loyauté.

20 octobre: elle démissionne

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