Investiture de Donald Trump: comment les patrons de la tech américaine veulent déstabiliser l’Europe
Les réglements européens de régulation des plateformes numériques sont dans le collimateur des autorités américaines. L’UE résistera-t-elle?
«Nous allons travailler avec le président Trump pour faire pression sur les gouvernements qui s’en prennent aux entreprises américaines et poussent à une censure accrue. […] L’Europe compte un nombre toujours croissant de lois institutionnalisant la censure et rendant difficile la construction de quoi que ce soit d’innovant.» Ainsi s’exprimait le 7 janvier le PDG du groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) Mark Zuckerberg au moment d’annoncer la fin de la modération sur ses plateformes. Il rompait de la sorte avec une pratique qui l’avait conduit à supprimer le compte Facebook de Donald Trump après l’assaut de ses partisans sur le Capitole, en janvier 2021, pour désormais se ranger derrière la politique de liberté d’expression sans limites inspirée par Elon Musk, propriétaire du réseau X.
Dans cette lutte contre toute réglementation de régulation, le président Trump, Elon Musk et ses collègues de la tech semblent donc prêts à mener une offensive contre cette Europe régulatrice et empêcheuse de faire fructifier les activités lucratives des sociétés américaines. En ligne de mire, les outils de la régulation mis en place par l’Union européenne: le Réglement général sur la protection des données (RGPD, qui fixe un cadre au traitement des données personnelles des utilisateurs), le réglement sur les services numériques (DSA, qui vise une responsabilisation des plateformes) et le Digital Markets Act (DMA, qui entend lutter contre pratiques anticoncurrentielles). Autant de contraintes insupportables pour les patrons des plateformes qui, comme le rappelle Christine Kerdellant, journaliste au quotidien Les Echos et autrice de Ces milliardaires plus forts que les Etats (L’Observatoire, 2024), sont «tous libertariens».«Les mesures prises pour essayer de contrôler les plateformes numériques, pour eux, c’est l’horreur absolue», explique-t-elle.
«Musk enfonce un coin dans le front européen en utilisant l’Italie comme cheval de Troie.»
L’Union européenne pourra-t-elle résister à cette offensive concertée? Pour la journaliste, les Européens doivent «résister frontalement à ces oukazes. Nous ne sommes pas obligés, comme les Américains, d’avoir un taux de suicide des adolescents 56% plus élevé pour la génération actuelle que pour la précédente, à cause des réseaux sociaux. L’Europe fait une fois et demie la taille du marché américain: 450 millions d’habitants –dont 110 millions sur X, il est vrai– contre 300 millions aux Etats-Unis. Si nous n’avons pas envie de changer notre régulation, nous ne sommes pas obligés d’en changer. Les Américains ne peuvent pas nous l’imposer. Et s’ils ne respectent pas les règles, l’UE doit infliger des amendes et, éventuellement, interdire temporairement, voire définitivement, les plateformes.»
Encore faudra-t-il, pour résister, que les Européens affichent un front uni. Or, des fissures apparaissent. «Giorgia Meloni est en train de négocier avec Elon Musk la mise à disposition de ses satellites Starlink avec des services spécifiques afin de pouvoir bénéficier de communications sécurisées. Or, le 16 décembre, l’UE a lancé son programme Iris 2, système de satellites européens destinés à… sécuriser les communications sensibles des Etats, des armées, etc. Elon Musk enfonce un coin dans le front européen en utilisant l’Italie, déjà, comme cheval de Troie», estime Christine Kerdellant. Sur cette question sensible, elle souligne aussi le silence, très étonnant, de la Commission européenne…
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